Depuis qu'il a pris les rênes de la quincaillerie Villeneuve & Cie avec son cousin, en 1992, Pierre Arseneault affirme que les ventes n'ont jamais baissé. Même l'an dernier, pendant que Rona voyait ses ventes comparables décliner de 4,6 %, Villeneuve a augmenté les siennes de 5 % et les profits sont demeurés stables. La cour à bois et la petite quincaillerie attenante, coincées à l'angle des rues Bellechasse et Saint-Laurent depuis 1875, se trouvent pourtant juste en face d'un Canadian Tire et à un jet de pierre de Home Depot.

Les Affaires - Votre clientèle a-t-elle changé au fil des ans ?

Pierre Arsenault - Depuis quelques années, nous rejoignons plus de petits entrepreneurs en construction et moins de particuliers. Mon fils, qui travaille maintenant avec moi, a été entrepreneur pendant des années, et cela fait en sorte que les gens se sentent en confiance chez nous. On sert donc un moins grand nombre de clients, mais le panier moyen a augmenté. L'avantage avec les entrepreneurs, c'est qu'ils reviennent plus souvent, ils veulent du bon service et ils ne regardent pas les prix.

L.A. - Que faites-vous de spécial pour les attirer ?

P.A. - On offre du service. Et du beau stock, il ne faut pas avoir peur d'en avoir beaucoup. De l'argent, à la banque, ça ne vaut rien. La valeur des stocks monte plus vite que ce que l'argent nous rapporterait dans un compte de banque. Le contreplaqué a augmenté de 50 % depuis six mois. Moi, j'augmente mes stocks quand l'économie va mal et que les prix sont bas, ou quand je vois que les prix vont monter. De plus, j'offre beaucoup de variété. On vend des coupes de bois qu'on ne trouve pas ailleurs, et dans le gypse, j'ai deux fois plus de choix que les autres centres de rénovation.

L.A. - Vous vantez la qualité de votre service. Concrètement, ça se traduit comment ?

P.A. - On livre le même jour. Et on ne conte jamais de mensonges aux clients. Aujourd'hui, avec Internet, ils font des recherches et s'en rendent compte. Et là, tu as l'air fou, et les gens ne reviennent plus te voir. On n'est pas les moins chers, on est «une coche plus chers». Le service, il faut que ça se paie.

L.A. - Vous dites que devez votre succès à votre cour à bois. Pourquoi ?

P.A. - On vend deux fois plus de matériaux que de quincaillerie, mais c'est deux fois moins de travail ! Surtout en ce qui concerne les achats. Car commander de petits morceaux, ça prend du temps. Je n'ai pas de place pour des ensembles de patios, et de toute façon, les affaires à la mode, ça ne m'intéresse pas. Ce que j'aime vendre, c'est du bois. Je n'ai jamais besoin de faire de soldes.

L.A. - Pourquoi ne faites-vous pas de publicité ni de circulaires ?

P.A. - Je suis dans les pages jaunes. C'est tout. Des circulaires, ça fait 20 ans que je n'en fais plus. Je ne me rendrais pas service en faisant de la publicité, car ici, c'est déjà une fourmilière. Si j'ai plus de clients, je vais mal les servir et ça va créer de la frustration.

L.A. - Quel est l'impact des Canadian Tire et Home Depot, à proximité ?

P.A. - Canadian Tire n'a aucun impact. Ça a même augmenté l'achalandage dans le quartier. Des clients, stationnés en face, viennent chez nous à pied. Et vice-versa. L'ouverture du Home Depot en 2002, à 1 000 pieds d'ici, nous a donné un coup pendant trois mois. Ensuite, les choses sont revenues à la normale.

L.A. - Mais vous les visitez quand même !

P.A. - C'est vrai. Je vais chez Home Depot toutes les semaines pour voir les prix et la qualité du stock. Jamais personne ne m'adresse la parole, sauf mes propres clients quand je les croise ! Je prends des photos de matériaux amochés que je montre à mes employés, car je ne veux pas voir ça ici. Des fois, je monte mes prix, d'autres fois je les baisse.

VILLENEUVE ET FILS EN BREF

-> Fondation en 1875

-> La famille Arsenault a acquis l'entreprise en 1973.

-> Le commerce utilise un terrain de 100 000 pieds carrés.

-> La quincaillerie occupe une superficie de 7 500 pieds carrés.

-> 300 à 400 clients par jour

-> 21 emplacements de stationnement

-> 35 employés en moyenne

-> Plus vieux et plus petit membre du groupe d'achat ILDC (depuis 1964)