Une bougie d'allumage

Publié le 08/06/2013 à 00:00, mis à jour le 06/06/2013 à 09:27

Une bougie d'allumage

Publié le 08/06/2013 à 00:00, mis à jour le 06/06/2013 à 09:27

Les changements à la tête des entreprises se multiplient : Rona, SNC-Lavalin, Tim Hortons, BlackBerry, Canadien Pacifique, etc. Et que dire de Marissa Meyer qui fait des vagues chez Yahoo ou encore le retour médiatisé d'Alan George Lafley à la tête du géant Procter & Gamble ? L'arrivée d'un nouveau pdg peut devenir une bougie d'allumage pour un titre en Bourse, surtout pour les sociétés ayant besoin d'un coup de barre, observent sept portefeuillistes que nous avons consultés.

Si des études américaines indiquent qu'un changement de la garde est rentable pour les actionnaires (voir texte «Double impact en Bourse et sur les rendements internes», à droite), les gestionnaires de portefeuille sont plus nuancés ; ils préviennent en effet que chaque cas est unique et apporte son lot de risques.

«C'est du cas par cas. Ça peut prendre de 12 à 18 mois pour bien évaluer un nouveau président. Parfois, la tâche est trop lourde. Il y a des limites à ce qu'un nouveau président peut faire», évoque Michael Simpson, président de Sentry Select.

C'est surtout lorsqu'une entreprise va mal ou vivote qu'un nouveau président peut devenir un élément déclencheur en Bourse, «en particulier lorsque le conseil d'administration recrute à l'extérieur et donne un mandat clair de changement ou carte blanche au nouveau patron», indique Sebastian van Berkom, président de Van Berkom et Associés.

«Ça peut alors devenir un catalyseur, parce que le nouveau chef fait le ménage et répare ce qui ne fonctionnait pas auparavant», indique Alain Chung, gestionnaire de portefeuille chez Claret.

Des répercussions tangibles qui prennent du temps à se manifester

Dans l'esprit de Christian Cyr, portefeuilliste chez Fiera Capital, il n'y a aucun doute qu'un nouveau président peut vraiment améliorer la trajectoire d'une société en Bourse.

«On n'a qu'à penser à Alain Bédard chez TransForce, Brian McManus chez Stella-Jones, Luc Desjardins chez Superior Plus ou encore Claude Roy chez Technologies Interactives Mediagrif», dit-il. Le titre d'une société en perte de vitesse bondira à l'annonce d'un nouveau patron, mais les répercussions les plus tangibles peuvent prendre du temps à se manifester, ajoute le gestionnaire.

«S'il survient seul, un changement de président n'est pas un signal suffisant pour investir. Le président doit aussi communiquer clairement sa stratégie et la réaliser pour que le changement ait un impact durable», explique M. Cyr. Par exemple, le spécialiste de la gestion de l'information en entreprise OpenText (Tor., OTC, 71,52 $) commence à bénéficier de la transformation apportée par le nouveau président Mark Barrenechea, depuis le début de 2012.

«La société complète sa transition d'acquéreur en série en une nouvelle organisation de vente de logiciels, avec un nouveau cycle de produits qui ravivera sa croissance interne et rapprochera son évaluation de celle de ses rivaux», fait valoir Paul Treiber, analyste chez RBC Marchés des Capitaux.

L'ex-président de Silicon Graphics s'est en effet entouré de six cadres clés depuis un an pour mener à bien son virage.

Chez Yahoo depuis moins d'un an, Marissa Meyer a déjà bouclé 11 acquisitions, dont celle du site de microblogues Tumblr à un prix équivalant à 45 fois ses revenus, qui rappelle la frénésie de 2000.

Le virage mobile de la transfuge de Google laisse encore plusieurs observateurs sceptiques, mais l'ingénieure en informatique de l'Université Stanford a pour l'instant donné un électrochoc au vétéran des portails, dont l'action a explosé de 67 % depuis son arrivée.

Double signal

Le signal de changement de stratégie est beaucoup plus fort lorsqu'une société renouvelle à la fois les membres du conseil et son président, affirme Claude Boulos, portefeuilliste et associé chez Gestion de portefeuille Selexia. «Ça nous avertit d'analyser de nouveau les mérites de placement de la société.»

«Plus le conseil d'administration est indépendant, meilleures sont les chances qu'il choisisse quelqu'un capable d'apporter un vrai renouveau», fait valoir pour sa part Christian Godin, gestionnaire de portefeuille chez Montrusco Bolton.

Le potentiel d'un changement de la garde est bien présent sur papier, mais les gestionnaires sondés ne sont pas prêts à prédire l'issue ni à miser sur les cas de Rona, Tim Hortons, BlackBerry ou encore de la firme de génie-conseil SNC-Lavalin.

+ 4 %

Rendement supplémentaire qu'un titre procure pour chacune des trois années, après le départ forcé d'un président et l'embauche d'un dirigeant externe. Le rendement supplémentaire diminue à 0,5 % lorsque le président est promu à l'interne (étude de 141 départs forcés sur 15 ans, par Mike The PhD sur Seeking Alpha).

Comment ont réagi les titres à l'arrivée d'un nouveau pdg¹

+ 177 %

Canadien Pacifique (CP)

+ 177 % depuis l'annonce d'un bloc d'actions de 12 % par l'activiste William Ackman, le 20 septembre 2011

+ 37 %

OpenText (OTC)

+ 37 % depuis la nomination de Mark Barrenechea, le 15 décembre 2011

+ 30 %

Thomson Reuters (TRI)

+ 30 % depuis la nomination interne de James Smith, le 2 décembre 2011

+ 23 %

George Weston (WN)

+ 23,7 % depuis la nomination interne de Pavi Binning, le 29 juillet 2011

¹ Après l'annonce d'un nouveau président ou son entrée en fonction.

+ 18 %

Loblaw (L)

+ 18 %, depuis la nomination de Vicente Trius, le 25 février 2013

+ 13 %

SNC- Lavalin (SNC)

+ 13 % depuis la nomination de Robert Card, le 10 août 2012

+ 9 %

Rona (RON)

+ 9 % depuis la nomination de Robert Sawyer, le 22 mars 2013

- 1,7 %

Tim Hortons (THI)

- 1,7 % depuis la nomination de Marc Caira, le 8 mai 2013

- 12 %

BlackBerry (BBRY)

- 12 % depuis l'annonce du départ des cofondateurs et de la nomination interne de Thorsten Heins, le 20 janvier

- 26 %

CML HealthCare (CLC)

- 26 % depuis la nomination de Thomas Wellner, le 3 février 2012

- 48 %

Barrick Gold (ABX)

- 48 % depuis l'éjection du président Aaron Regent, le 8 juin 2012

Départs récemment annoncés

Rogers Communications : Mohammed Nadir prendra sa retraite en janvier 2014.

Yellow Media : Marc Tellier quittera la présidence le 1er août 2013.

Banque TD : Ed Clark prendra sa retraite le 1er novembre 2014. Son successeur interne est Bharat Masrani.

Banque Scotia : Rick Waugh prendra sa retraite le 1er novembre 2013. Son dauphin est Brian Porter, qui est déjà président de la Scotia depuis novembre 2012.

DOUBLE IMPACT EN BOURSE ET SUR LES RENDEMENTS INTERNES

À la Bourse américaine, une société s'apprécie davantage que le marché 12 mois après l'arrivée d'un nouveau président, de 2,1 % en moyenne, rapporte une étude de S&P Capital IQ. Cette firme a colligé les résultats des entreprises de l'indice américain Russell 3000, de 1984 à 2011.

Le rendement supplémentaire de l'action par rapport à l'indice se prolonge sur 36 mois et atteint 6,4 % au cours de ces trois ans, à la suite d'un changement de la garde.

L'effet d'un nouveau président est plus marqué de 1987 à 2004 qu'après 2005, en raison de la crise.

Ils ont vérifié ces données pour s'assurer que ces rendements supplémentaires ne proviennent pas d'un simple retour à la moyenne d'un titre à la traîne ni d'une sous-évaluation inhabituelle du titre en Bourse.

De plus, le changement de la garde n'a pas qu'un effet en Bourse. Le nouveau président améliore aussi le rendement de l'avoir des actionnaires (de 8,9 %) et le rendement de l'actif (de 0,86 %), jusqu'à 36 mois après son arrivée, en moyenne.

QUATRE CAS SOUS LA LOUPE

Rona, RON, 10,41 $

Un long chantier de rénovation

Bien que Rona ait tous les ingrédients d'un revirement potentiel, avec un nouveau conseil, un nouveau pdg et un nouveau chef de la direction commerciale, le doute subsiste parmi les analystes.

«Il est difficile de se réinventer pendant que son industrie bat de l'aile.» Stephen Gauthier, de Fin-Xo, résume bien la perception générale des financiers concernant le potentiel de relance du quincaillier Rona, que pilote Robert Sawyer, depuis le 8 avril.

«Nous aimons le fait que Robert Chevrier, à la présidence du conseil, soit un homme d'action et qu'il ait recruté Robert Sawyer, de Metro, et Alain Brisebois, d'Alimentation Couche-Tard. Nous doutons toutefois qu'ils puissent redresser Rona au moment où le consommateur et l'immobilier résidentiel atteignent leurs limites», indique Sebastian van Berkom, président de Van Berkom et Associés.

Claude Boulos, de Selexia, croit que Robert Chevrier est un agent de changement chez Rona, mais qu'il faudra être patient.

L'empreinte d'un nouveau dirigeant peut prendre deux à trois ans à apparaître, dit-il.

Dans le cas de Rona, le ralentissement des ventes au détail et du marché immobilier pourrait masquer les progrès de la nouvelle stratégie pendant un bon bout de temps.

Déjà, Rona a renoncé à vendre ses 30 magasins-entrepôts en Ontario afin de préserver le pouvoir d'achat de leurs ventes de 750 millions de dollars et la notoriété de sa marque au Canada.

Rona garde ses grands magasins pour protéger sa valeur aux yeux d'éventuels prétendants, affirme Mark Petrie, de Marchés mondiaux CIBC. M. Sawyer dévoilera comment il entend fouetter la performance des grands magasins à la prochaine conférence téléphonique, en août. M. Petrie s'attend à des nouvelles réductions de coûts, en plus des 45 M$ déjà ciblés.

Rona pourrait aussi récolter de 175 à 225 M$ de la vente prochaine de sa division commerciale et professionnelle, prévoit Keith Howlett, de Valeurs mobilières Desjardins.

«Si nous faisons un bon travail, nos actionnaires cesseront de dire que nous devons vendre», a déclaré M. Sawyer à sa première assemblée des actionnaires.

SNC-Lavalin, SNC, 41,19 $

Une réputation à refaire pendant un ralentissement

Le nouveau patron américain de SNC-Lavalin, Robert Card, pose les bons gestes pour refaire la réputation ternie de la société montréalaise de génie-construction, en empruntant le plan d'action de l'allemande Siemens.

Or, instaurer une nouvelle culture éthique est coûteux, à un moment où la déprime des ressources naturelles raréfie les contrats et accentue la rivalité entre les firmes d'ingénierie.

SNC-Lavalin tire en effet 31 % de ses revenus d'ingénierie des secteurs de l'énergie et des mines, qui tournent au ralenti. Prévoyant des pressions sur les marges d'ingénierie, Robert Winslow, de la Financière Banque Nationale, vient de réduire son cours cible de 45 à 43,50 $.

«Le cours du titre reflète déjà les nombreux défis qu'affronte SNC. Par contre, il ne tient pas compte d'une réduction potentielle des bénéfices prévus», écrit-il.

À plus long terme, les doutes persistent aussi.

«Je ne sais pas comment M. Card réussira à la fois à changer la culture et à améliorer la gestion des contrats, tout en réduisant les coûts pendant que son industrie faiblit. Si l'entreprise décrochait ses contrats grâce à des pots-de-vin, quelle serait sa capacité à décrocher des contrats sans ces paiements ?» se demande Sebastian van Berkom, président de Van Berkom et Associés.

La mise en valeur potentielle des investissements de SNC-Lavalin, tels que l'autoroute 407 ou le réseau électrique albertain AltaLink, soit par leur vente ou leur essaimage, est ce qui garde en vie l'intérêt de plusieurs analystes pour le titre de SNC-Lavalin.

«La Bourse donne une valeur de 28,40 $ à l'encaisse et aux concessions de SNC-Lavalin. Notre évaluation est plus près de 33,40 $, auquel on ajoute un multiple des bénéfices d'ingénierie», dit Maxim Sytchev, de Dundee Valeurs mobilières.

L'analyste en recommande donc l'achat en vue d'un cours cible de 52 $, 26 % de plus que le cours actuel.

À son avis, le cours de SNC-Lavalin comprend déjà des bénéfices d'ingénierie d'aussi peu que 1 $ par action en 2014.

Tim Hortons, THI, 55,06 $

Un rare déclin attend le nouveau patron

Il aura fallu deux ans à Tim Hortons pour dénicher son nouveau président, Marc Caira, 59 ans, un ex-cadre supérieur du géant alimentaire suisse Nestlé, auprès duquel il était responsable des produits de restauration consommés hors de la maison, Nestlé Professional.

Les analystes saluent son parcours et son savoir-faire international dans le domaine des boissons, mais M. Caira arrive à un moment où Tim Hortons faiblit.

Les ventes de ses restaurants canadiens ouverts depuis plus d'un an ont reculé pour la première fois depuis 2006, au premier trimestre. La transaction moyenne par restaurant décline aussi depuis trois trimestres, signale Derek Dley, de Canaccord Genuity.

À son avis, il faudra attendre six mois avant que M. Caira ne se familiarise avec le mode de fonctionnement de Tim Hortons et n'influence sa stratégie. Il entre en poste le 2 juillet.

Après avoir parcouru le monde pour Nestlé, M. Caira dit avoir gagné une nouvelle appréciation des différences culturelles, dans une vidéo intime mise en ligne sur le site de la société. Ces différences culturelles lui serviront chez Tim Hortons.

«J'ai hâte de rehausser la valeur de la marque au Canada, aux États-Unis et à l'international», a-t-il déclaré, signalant ainsi que la société compte toujours prendre de l'expansion, malgré des ratés aux États-Unis.

M. Caira est ferré en distribution d'aliments, mais il connaît peu la restauration, selon David Hartley, de Credit Suisse.

«Il recevra ses bulletins de performance à mesure qu'il prendra des décisions. On peut investir progressivement dans le titre, question de voir venir», explique Michael Simpson, président de Sentry Select.

Au dévoilement des résultats décevants du premier trimestre, le président sortant, Paul House, a admis que la multiplication des promotions de boissons à un dollar change la donne.

Il a aussi donné un aperçu de la nouvelle approche aux États-Unis. «Il est possible de dégager de meilleurs rendements aux États-Unis en s'alliant à des maîtres franchiseurs capables d'ouvrir et d'exploiter plusieurs franchises dans différents marchés, ce qui réduit nos dépenses en capital», a-t-il dit.

Les analystes jugent que l'action de Tim Hortons a grimpé un peu trop vite ces derniers mois, hausse réalisée dans l'espoir que l'entreprise emprunte massivement pour racheter ses actions, quitte les États-Unis, vende sa division de distribution et crée un fonds immobilier, comme le réclame l'investisseur activiste Highfield Capital.

Or, ces mesures ont peu de chances de se réaliser, en raison de la nature des activités d'un franchiseur.

«Il y a plusieurs façons d'enrichir ses actionnaires, et ça ne passe pas nécessairement par les ventes comparables», fait valoir Stephen Gauthier, stratège et gestionnaire de portefeuille, de Fin-Xo Valeurs mobilières.

BlackBerry, BBRY, 13,61 $ US

Un redressement encore mis en doute

BlackBerry a beau faire tout ce qu'il faut pour se redresser, rien n'est moins sûr aux yeux des analystes.

Depuis janvier 2012, son président Thorsten Heins a réduit les coûts d'un milliard de dollars américains, a lancé de nouveaux appareils pour les marchés américain et émergents et donne un accès gratuit à son service prisé de messagerie instantanée à ses concurrents.

La réussite semble inatteignable quand on sait que la société de Waterloo, avec ses liquidités de 2,9 G$ US, rivalise avec des concurrents qui disposent de liquidités respectives de 145 G$ US (Apple) et de 39 G$ US (Samsung). Il est difficile d'imaginer que la société puisse regagner suffisamment de terrain pour intéresser les programmeurs à concevoir des applications, alors que sa part de marché mondial est de 3 %, par rapport à 33 % pour Samsung et à 17 % pour Apple.

«Les nouveaux appareils ne stimulent pas les abonnements aux États-Unis. Plus BlackBerry mettra l'accent sur les appareils bas de gamme pour satisfaire les marchés émergents, plus il lui sera difficile de soutenir un retour à la rentabilité durable», fait valoir Deepak Kaushal, de GMP Valeurs mobilières, qui recommande la vente du titre, avec un cours cible de 12 $ US.

À l'autre bout du spectre, Gus Papageorgiou, de Banque Scotia, juge que les attentes sont trop faibles à l'égard de la relance de BlackBerry, ce qui fait de son titre une aubaine à 3,5 fois les bénéfices prévus dans 12 mois.

La valeur de son encaisse et de ses brevets (2,5 G$ US) représente les deux tiers de sa valeur boursière. Les investisseurs sous-estiment notamment le potentiel de la transformation de la société en un fournisseur de logiciels et de services.

dominique.beauchamp@tc.tc

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