Sur quelle firme bâtir dans un contexte difficile

Publié le 15/06/2013 à 00:00, mis à jour le 13/06/2013 à 09:56

Sur quelle firme bâtir dans un contexte difficile

Publié le 15/06/2013 à 00:00, mis à jour le 13/06/2013 à 09:56

Problèmes éthiques, dépenses en infrastructures modérées et ralentissement du secteur des ressources naturelles. Plusieurs facteurs ont refroidi les ardeurs des investisseurs à l'égard des sociétés d'ingénierie. Pourtant, ces dernières continuent d'offrir un potentiel de rendement intéressant à long terme. À condition de bien les choisir.

SNC-LAVALIN : BON MARCHÉ, MAIS RISQUÉE

L'évolution du titre depuis 3 ans

- 1,4 %

Source : Bloomberg, 7 juin 2013

Les allégations de corruption suffisent-elles pour délaisser le titre de SNC-Lavalin ? D'un côté, certains allèguent que la multinationale a les moyens d'absorber des pénalités, le cas échéant, sans nuire à sa croissance. Les causes récentes de corruption se sont traduites par des amendes correspondant à environ 2,5 % de la valeur boursière des sociétés condamnées, note Keith Farran, gestionnaire chez Claret. Pour SNC, cela se traduirait par un montant de 150 millions de dollars à 200 M$. «Ce n'est pas grand-chose pour une entreprise de cette taille», dit-il. Selon Maxim Sytchev, analyste chez Dundee, le marché anticipe déjà des pénalités. «Un montant inférieur à 200 M$ ou 300 M$ serait perçu comme un gain net pour l'entreprise.»

L'incertitude refroidit cependant certains investisseurs, dont Mark Pugsley, gestionnaire chez Investissements Standard Life. «À cause de cela, je suis plus à l'aise avec Stantec et Génivar.» À son avis, le titre est peu cher, mais il faudra du temps avant qu'il ne se redresse. «Il n'y a pas de presse à l'acheter ; en attendant, on peut faire plus d'argent ailleurs.»

Mesures efficaces ?

Tout comme MM. Farran et Sytchev, Dave Britton, gestionnaire chez Sionna Investment Managers, apprécie les mesures mises en place par SNC, dont l'embauche de Robert Card au poste de pdg et d'Andreas Pohlmann, ancien chef de la conformité de Siemens. «Nous croyons que l'entreprise fait tout ce qu'elle peut pour s'améliorer et régler les problèmes passés», dit M. Britton.

Malgré cela, la firme de génie-conseil traînera un boulet, s'inquiète Ian Nakamoto, directeur de la recherche chez McDougall, MacDougall & MacTier. «Pour décrocher des contrats et réaliser des acquisitions, il faut avoir une bonne réputation.»

Dépassements de coûts

Les résultats liés aux activités d'ingénierie et de construction ont déçu le marché au cours de quatre des cinq derniers trimestres. En mars, la société a dévoilé un bénéfice par action de 0,35 $ alors que le marché tablait sur 0,49 $, un résultat attribuable aux dépassements de coûts d'un projet d'infrastructure et à l'abandon d'un projet minier. «Ces éléments "extraordinaires" se produisent presque chaque trimestre, ce qui fait douter du niveau de rentabilité réel de SNC», prévient Paul Lechem, de CIBC. L'analyste s'attend toutefois à ce que la direction soit plus prudente quant à ses soumissions futures. M. Lechem recommande l'achat du titre avec une cible de 51 $.

Valeur cachée

Les investissements de SNC dans l'autoroute 407 (participation de 16,7 %) et le réseau de transport d'électricité albertain AltaLink (100 %) représentent une large part de sa valeur en Bourse. Keith Farran préfère «de loin» SNC à ses concurrentes pour cette raison. «Les concessions offrent une très bonne protection contre une baisse des activités d'exploitation», soutient-il. Si on soustrait du cours actuel de 44,44 $ la valeur de la participation à la 407 (environ 14 $), d'AltaLink (10 à 12 $) et des liquidités (environ 4 $), les activités d'exploitation ne sont évaluées qu'à environ sept fois les profits récents, comparativement à 15 fois pour les concurrentes, souligne M. Farran.

Comme la valeur des concessions ne fait pas l'unanimité dans le marché, SNC pourrait faire d'une pierre deux coups en en vendant une portion : elle en fixerait le prix et obtiendrait les capitaux dont elle a besoin pour sa croissance. Maxim Sytchev, de Dundee, table sur une vente partielle d'AltaLink à moyen terme et sur une vente complète de plus petites concessions à court terme. Jugeant que le marché sous-estime la valeur des concessions, il suggère l'achat du titre et fixe sa cible à 52 $.

D'autres analystes sont plus tièdes envers SNC. La Financière Banque Nationale et RBC font une recommandation de «performance de secteur» et établissent des cibles de 43,50 $ et 47 $. «Considérant le très haut niveau d'incertitude, nous suggérons aux investisseurs d'avoir une marge de manoeuvre significative avant d'envisager d'investir dans le titre», résume Tod Wenning, analyste chez Morningstar.

GÉNIVAR : ENCORE DE LA CROISSANCE

L'évolution du titre depuis 3 ans

- 4,2 %

Source : Bloomberg, 7 juin 2013

Génivar multiplie les acquisitions depuis longtemps, mais celle de la britannique WSP réalisée en août 2012 pour 442 M$ l'a profondément transformée. La société québécoise s'appellera d'ailleurs Groupe WSP Global dès janvier 2014.

Pierre Shoiry, pdg de Génivar, et son équipe voient grand : d'ici 2015, ils comptent passer de 15 000 à 20 000 employés et accroître les revenus de 1,5 milliards de dollars à 2,3 G$. Des objectifs ambitieux, mais réalisables, s'entendent pour dire les experts.

«Nous apprécions le plan stratégique de trois ans et avons confiance qu'il sera réalisé», indique Pierre Lacroix, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins, conforté dans sa cible d'un an de 27 $.

Mark Neville, analyste chez Banque Scotia, juge lui aussi le plan réaliste, mais croit que les investisseurs en ont déjà pris bonne note. Comme sa cible est de 23 $, il y va d'une recommandation de «performance conforme au secteur». Il serait plus enthousiaste, dit-il, si les résultats s'amélioraient dans les marchés plus difficiles (Canada et Angleterre) ou si le titre reculait à une évaluation plus semblable à celle des entreprises qui lui sont comparables.

Acquisitions à venir

Le marché a apprécié que la direction explique lors de l'assemblée annuelle qu'elle souhaitait réaliser d'autres acquisitions, sans toutefois viser aussi gros que WSP. «Les objectifs d'acquisition ne sont pas trop ambitieux, et les investisseurs devraient apprécier cette stratégie», dit Maxim Sytchev, de Dundee. L'analyste a maintenu sa cible à 26,50 $ après l'assemblée du 23 mai, mais a fait passer sa recommandation de «conserver» à «acheter».

Les analystes ont également noté que l'intégration de WSP se déroulait rondement. «Génivar peut maintenant commencer à maximiser les bénéfices de sa plateforme et de son offre améliorées», estime Michael Tupholme, analyste chez TD. Qualifiant le plan de «très réalisable», M. Tupholme a haussé sa cible de 27 $ à 29 $ au lendemain de l'assemblée.

Selon Mark Pugsley, d'Investissements Standard Life, le titre de Génivar pourrait s'apprécier substantiellement si l'entreprise atteignait ses objectifs. Le gestionnaire rappelle que, en plus d'accroître ses ventes, la direction souhaite bonifier ses marges bénéficiaires. Il apprécie d'ailleurs son modèle cost-plus, moins risqué que les contrats forfaitaires de SNC-Lavalin. «Génivar est un bon investissement, quoique son titre soit bien évalué pour le moment.»

Dividende solide

À 1,52 $ annuellement, le dividende de Génivar offre un rendement de 6 %, ce qui séduit bien des investisseurs. D'autant que personne ne s'attend à ce qu'il soit réduit. «Puisque Génivar affiche une rentabilité élevée et qu'elle est bien capitalisée, le maintien du dividende ne m'inquiète pas», explique Stephen Gauthier. L'entreprise pourrait même hausser son dividende et commencer à racheter de ses actions. «Je pense que ça pourrait venir, quoique pas à très court terme», dit Stephen Gauthier, de Fin-XO. Il juge le titre «clairement intéressant» au cours actuel.

Se disant «fasciné» par les réalisations et les objectifs de Génivar, Ian Nakamoto, de McDougall, MacDougall & MacTier, juge lui aussi l'évaluation raisonnable, étant donné le dividende élevé et peu risqué. «Le titre performera très bien si les dirigeants réussissent à réaliser d'autres acquisitions, comme ils le souhaitent.»

STANTEC : POUR PROFITER DE LA REPRISE AMÉRICAINE

L'évolution du titre depuis 3 ans

+ 68 %

Source : Bloomberg, 7 juin 2013

«Le modèle d'entreprise diversifié de Stantec continue de fonctionner extrêmement bien dans un contexte difficile», résument les analystes de Raymond James.

Cela transparaît dans le titre de Stantec, qui a grimpé de 29 $ à 43 $ depuis un an, une hausse de 48 % à laquelle s'ajoute un dividende de 0,68 $ (ce qui représente un rendement de 1,58 %, au cours actuel).

Dans ce contexte, la prime accordée au titre de l'entreprise d'Edmonton est justifiée selon eux, «quoiqu'il soit peu probable que le multiple s'apprécie davantage étant donné l'incertitude économique.» L'évaluation actuelle amène l'équipe à émettre une recommandation «performance de secteur», accolée à une cible de 44 $.

Évaluation justifiée

Bert Powell, analyste chez BMO Marchés des capitaux, est plus optimiste avec une cible à 48 $ et une recommandation d'achat. La société présente encore de belles perspectives de croissance interne [la direction vise de 3 à 4 % en 2013] et elle dispose de suffisamment de liquidités pour réaliser des acquisitions, y compris une transaction de taille si elle le désire. M. Powell juge lui aussi que le multiple d'évaluation supérieur est justifié «vu l'exécution, le modèle d'affaires diversifié et l'exposition au marché américain».

Bien qu'il s'attende à ce que Stantec réalise des acquisitions [elle en a fait plus de 65 depuis 2000], Mark Pugsley, d'Investissements Standard Life, apprécie le fait qu'elle ne soit pas en train de digérer une grosse transaction, contrairement à Génivar. «Une intégration perturbe toujours les opérations, engendrant par exemple des heures non facturables.» Le titre n'est pas donné, reconnaît-il, mais les investisseurs «paient pour la qualité de l'exécution». Tant que l'entreprise continuera sur cette voie, le multiple d'évaluation, qui s'est apprécié récemment, ne devrait pas reculer.

Performance financière prévisible

Comme elle génère 40 % de ses revenus aux États-Unis, Stantec est l'une des entreprises canadiennes du secteur industriel les mieux placées pour profiter de la reprise américaine, souligne Maxim Sytchev, de Dundee. D'ailleurs, les activités américaines ont progressé de 0,8 % au dernier trimestre, ce qui augure bien aux yeux de l'analyste. «Une réaccélération de ce marché devrait inciter les Canadiens à rechercher l'exposition qu'offre Stantec», dit celui qui recommande l'achat du titre et affiche une cible de 49 $.

Sarah O'Brien, analyste chez RBC Marché des Capitaux, voit quant à elle le titre s'échanger à 52 $ d'ici un an. Elle apprécie la bonne visibilité de la performance financière, le potentiel de croissance interne et les possibles petites acquisitions à venir.

La rentabilité est en effet «quand même assez intéressante», confirme Stephen Gauthier. Elle n'est pas encore assez élevée pour séduire le gestionnaire, lui qui cherche un écart d'au moins 5 % entre le rendement du capital (calculé selon la valeur économique ajoutée) et le coût du capital, «mais l'entreprise est sur la bonne voie.» Il lui suffirait de réduire un peu son coût en capital ; l'instauration d'un dividende en 2012 est un bon pas en ce sens. «Je la garde sur mon radar», dit M. Gauthier.

À la une

Dette et déficit du fédéral: on respire par le nez!

ANALYSE. Malgré des chiffres relativement élevés, le Canada affiche le meilleur bilan financier des pays du G7.

Budget fédéral 2024: «c'est peut-être un mal pour un bien»

19/04/2024 | Philippe Leblanc

EXPERT INVITÉ. Les nouvelles règles ne changent pas selon moi l'attrait des actions à long terme.

Multiplier la déduction pour gain en capital, c'est possible?

19/04/2024 | WelcomeSpaces.io

LE COURRIER DE SÉRAFIN. Quelle est l'avantage de cette stratégie?