Sauver l'économie par la culture

Publié le 12/11/2011 à 00:00

Sauver l'économie par la culture

Publié le 12/11/2011 à 00:00

Par Diane Bérard

L'économie croît à un rythme anémique presque partout sur la planète. La mondialisation n'a pas tenu toutes ses promesses. Et si la dimension culturelle ajoutait une valeur aux entreprises et aidait l'économie à surmonter la crise ?

La crise remet en doute plusieurs diktats de la mondialisation. Parmi ces diktats, celui d'associer la culture au divertissement et l'économie à l'argent. Et si la croissance pouvait venir de la réconciliation de la culture et de l'économie ? Un mariage qu'on appelle l'économie mauve.

On connaît l'économie verte, qui aborde l'environnement à la fois comme un enjeu et une occasion d'affaires. Et l'économie bleue, qui s'intéresse à l'eau. L'économie mauve, elle, veut réconcilier culture et économie pour créer de la valeur et, par ricochet, de la croissance.

Ainsi, la culture n'est pas réservée au monde des arts. Nos habitudes de vie, notre territoire, notre langue, les aliments que nous consommons, tout cela constitue un environnement. Dans cet environnement évoluent des individus, mais aussi des entreprises.

«L'enjeu de la mondialisation n'est pas d'éliminer la diversité, mais de se débrouiller avec elle», dit Bernard Ramanantsoa, directeur général d'HEC Paris, rencontré dans la capitale française en octobre, lors du premier Forum international de l'économie mauve organisé du 10 au 13 octobre dernier par la firme Diversum.

Pour une entreprise, se «débrouiller» avec sa diversité culturelle signifie tenir compte de sa propre culture, de celle de sa région ainsi que de celle de tous les lieux où la mènent ses affaires.

La culture est à l'économie mauve ce que l'environnement est à l'économie verte : sa raison d'être et son talon d'Achille. Préservez-la et vous vous enrichirez. Détruisez-la et vous en paierez le prix.

Gare aux entreprises qui imposent le monolinguisme, par exemple. «Le monolinguisme a un impact économique, prévient Odile Quintin, ex-directrice générale de la Commission européenne. Il entraîne la pensée unique et nuit à la concurrence.»

La diversité culturelle est certainement porteuse de croissance, renchérit Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes français. «Elle est synonyme de respect. Et du respect naît la confiance. La confiance, quant à elle, est source de croissance», résume-t-il.

L'empreinte culturelle : le cas du secteur numérique

Pour illustrer l'impact de la culture sur l'économie, Diversum a développé le concept d'empreinte culturelle inspiré de celui d'empreinte écologique. Toutefois, s'il faut viser une empreinte écologique faible, votre empreinte culturelle, elle, doit être élevée. Cela signifie que votre entreprise et votre secteur contribuent à préserver et à disséminer la culture.

Le secteur numérique représente un cas intéressant à étudier sous l'angle culturel. En forte croissance, il étend ses tentacules dans toutes les sphères de la société. Est-il mauve ? Parfois oui, parfois non.

Les portails collaboratifs, de type Wikipédia, conjugués aux outils de traduction gratuits, favorisent l'accès à l'information et la diffusion de la culture, dit Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France. Les collections de musée accessibles gratuitement en ligne en sont un autre exemple.

À l'inverse, le moteur de recherche Google ne contribue pas à disséminer la culture. Comme il n'affiche que les références les plus consultées, il écarte tout ce qui ne relève pas de la culture de masse. C'est le même principe lorsqu'on consulte un résumé de livre sur Amazon.com. Le site suggère automatiquement d'autres ouvrages semblables à lire. «C'est le règne de la pensée unique, déplore Gilles Ciment, directeur de la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image. La stratégie d'Amazon encourage la «massification». Tout le monde lit les mêmes livres, laissant de côté tout un pan de la culture. Et si Amazon faisait plutôt, ou aussi, le pari de la diversité et proposait un ouvrage complètement différent de celui que l'on vient de consulter ?»

On a fait grand bruit autour du succès de librairie de Chris Anderson, The long tail - La longue traîne, annonçant la multiplication des cultures de niche grâce à Internet. Le numérique devait avoir une empreinte culturelle positive. La réalité se révèle plus nuancée. Près de 70 % des oeuvres sur iTunes ne sont jamais téléchargées...

Sans dimension culturelle, le secteur numérique peut difficilement créer de la valeur. «L'internaute accorde de la valeur à sa connexion Internet dans la mesure où elle lui donne accès à des contenus riches et variés, croit Jérôme Gouadain, fondateur de Diversum. Mais, si ma technologie superpuissante me donne accès à des contenus appauvris, elle perd sa pertinence.»

Des régions mauves

Tout comme une entreprise, une région peut aussi être mauve et se démarquer en intégrant la dimension culturelle à sa stratégie de développement.

La bataille des investissements se joue pour l'instant sur le front du coût. C'est à qui offrira la fiscalité la plus avantageuse. Rien de très durable. Il suffit d'une région plus agressive que la vôtre - comme le Tennessee l'a été au cours des derniers mois en arrachant Electrolux et Kruger au Québec - et voilà les beaux dollars investis aussitôt envolés.

«La dimension culturelle apporte un développement durable à une région», fait valoir Mechtild Rössler, chef de section au Centre du patrimoine mondial de l'Unesco. Les pays émergents l'ont bien compris. Quelque 930 créations figurent au patrimoine mondial de l'Unesco. Plusieurs se trouvent dans des pays pauvres. Certaines de ces créations sont matérielles, comme les rizières en terrasses des Philippines. D'autres sont immatérielles, comme la technique de fabrication du batik en Indonésie. «Tous sont des moteurs de développement pour les économies régionales», dit Mechtild Rössler.

La culture est aussi le moteur du développement des membres du mouvement Slow Food, soutient son fondateur, Carlo Petrini. Ces petits agriculteurs de 173 pays gagnent leur vie en marge du secteur agroalimentaire de masse. Certains se trouvent en Amérique, d'autres en Afrique subsaharienne, mais ils partagent la même vision : ils misent sur leur dimension culturelle.

Croissance durable

La culture confère leur couleur et leur spécificité aux organisations, certes. Mais, c'est d'abord et avant tout ce qui leur donne vie. Pas de culture d'entrepreneuriat, pas d'entreprises !

«La relation qu'une société entretient avec le succès, l'échec et l'argent, sont autant d'éléments culturels qui créent ou tuent le développement économique», dit Pierre Simon, président de Paris Capitale économique. Il cite le Canada en exemple pour sa façon de stimuler la culture entrepreneuriale auprès de ses citoyens, et ce, dès le plus jeune âge. «Au Canada, on apprend aux enfants à se prendre en charge, à travailler avec les autres et à faire preuve d'initiative. C'est une culture qui contribue à la croissance», souligne-t-il.

La culture comme antidote à la crise ? Oui, conclut Hubert Védrine, ex-ministre français des Affaires étrangères, à condition qu'elle ne serve pas d'arme de combat. Une menace bien réelle à l'heure où certains États prônent le protectionnisme et le repli sur soi comme solution antirécession.

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