Retraite : le nivellement par le bas n'est pas la solution

Publié le 04/02/2012 à 00:00

Retraite : le nivellement par le bas n'est pas la solution

Publié le 04/02/2012 à 00:00

Nous vivons plus longtemps. Tant mieux. Mais les différents régimes de retraite, eux, vieillissent mal, parce qu'à l'origine, ils n'ont pas été conçus pour payer des rentes jusqu'à 82 ou 85 ans.

De 1975 à 2005, au Québec, l'espérance de vie d'une personne de 65 ans a progressivement augmenté de quatre ans. C'est énorme.

Les travailleurs qui ont cotisé à des régimes de retraite, privés ou publics, peuvent donc espérer vivre plus longtemps de leurs rentes. Par ailleurs, les régimes universels, comme le Programme de la sécurité de la vieillesse (la «pension de vieillesse»), puiseront davantage dans les coffres de l'État, puisque les personnes âgées seront de plus en plus nombreuses à attendre leur chèque.

Ce ne sont là que deux facteurs de changement dans l'équation toujours plus compliquée du soutien à la retraite. Ajoutez, comme pour simplifier les choses, les rendements anémiques des régimes, ces dernières années - alors qu'on prévoit d'autres périodes de vaches maigres avec des taux d'intérêt au plancher -, et vous verrez «qu'y en aura pas de facile», comme disait l'ancien entraîneur des Canadiens, Claude Ruel.

D'où l'intervention de Stephen Harper, à Davos, qui a clairement évoqué un report de l'âge auquel les fameuses pensions de vieillesse commenceraient à être versées, de 65 à 67 ans... au moins. Que les plus inquiets se rassurent, ce n'est pas pour demain, peut-être même pas avant la fin de la décennie, mais le compte à rebours est commencé.

Le paysage démographique a beaucoup changé au cours du siècle dernier. Autrefois, les personnes de 65 ans étaient considérées comme de petits vieux, à 70 ans, ils entraient dans la catégorie des vieillards, et 80 ans étaient un âge canonique. L'État attribuait une rente pour adoucir la dernière ligne droite d'une vie qui, de toute façon, s'achevait.

Mais les centenaires ne sont plus rares. Et attendez de voir la suite. En octobre 2009, un article de la réputée revue scientifique britannique The Lancet affirmait que la majorité des enfants nés depuis l'an 2000 dans les pays industrialisés, y compris au Canada, franchiraient le cap des 100 ans ! Recherches à l'appui, on y développait la thèse selon laquelle les gens ne vivent pas simplement plus longtemps : ils vivent également mieux.

Le poids des responsabilités

Cette observation ouvre la porte à une discussion plus large. Tôt ou tard, si rien ne change, nos sociétés seront ensevelies sous le poids de leurs responsabilités envers les aînés. Leur bonne forme relative les amènera à vouloir profiter bien légitimement de cette retraite prolongée. Nous arriverons donc inévitablement à un point de bascule, où il y aura trop de demandes par rapport aux ressources financières disponibles.

Que faire ? Comment se préparer ? Deux avenues sont le plus souvent mentionnées.

La première consiste à réduire la hauteur des rentes, pensions et avantages en tous genres. Si plus de personnes recevaient des versements plus longtemps, il n'y aurait qu'à baisser les montants et l'équilibre serait préservé. Il suffirait de comprimer les dépenses, et le tour serait joué.

Le problème avec cette méthode, c'est que les besoins, eux, ne diminuent pas. C'est comme si, avec plus d'invités autour de la table, on servait de plus petits morceaux de la même tarte. À la fin, les gens ont encore faim.

Le nivellement par le bas ne règle rien.

Mais si on faisait en sorte que moins de monde arrive à la table en même temps ? Autrement dit, si on prenait en compte l'allongement de l'espérance de vie pour retarder le versement des prestations ? De toute manière, comme on vient de le mentionner, les prestataires d'aujourd'hui ont toutes les chances d'en recevoir bien plus longtemps que leurs prédécesseurs. Eux mouraient jeunes, ou presque. C'est de moins en moins le cas. Au bout du compte, l'échange demeure profitable.

Il faudra cependant revoir en profondeur notre conception du travail et notre perception de la contribution des gens plus âgés. Les inciter à demeurer actifs est une chose, leur en donner l'occasion en est une autre. On devra aussi repenser des formules imaginées plus tôt, mais qui ne tiennent plus la route aujourd'hui, comme la pleine retraite dont peuvent bénéficier les policiers dès l'âge de 50 ans.

Évidemment, il serait plus commode de fermer les yeux et de faire semblant que le statu quo est préférable au changement. Désolé. Dans ce cas-ci, il contredit plutôt les valeurs fondamentales d'une société qui se targue d'équité et de solidarité.

DE MON BLOGUE

REER

Les épargnants dans la mélasse

Aux États-Unis, les taux d'intérêt ne bougeront pas avant 2014 [...] Les emprunteurs en tous genres peuvent souffler, même de ce côté-ci de la frontière, puisque la Banque du Canada ne pourra pas agir trop fortement trop vite [...] Mais les épargnants, eux, sont dans la mélasse. On vient de leur confirmer que les rendements sur les placements traditionnels à faible risque seront longtemps anémiques.

Vos réactions

«Il faut profiter des taux d'intérêt bas pour rembourser les dettes, pas pour en accumuler davantage... Ceux qui remboursent leur capital hypothécaire plus rapidement disposeront de marge de manoeuvre lorsque les taux seront à la hausse.»

- grousseau222

«C'est exactement ce que font les gouvernements en conservant leur taux directeur le plus bas possible, mais ce n'est pas suffisant. Il faudra que tous les gouvernements mettent le pied à terre et contraignent les banques en promulguant des lois qui serviront à leur serrer la vis.»

- ybertrand

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

rene.vezina@transcontinental.ca

À la une

Il faut concentrer les investissements en R-D, dit le Conseil de l’innovation du Québec

24/04/2024 | Emmanuel Martinez

L’État devrait davantage concentrer les investissements en R-D dans certains secteurs, selon le Conseil de l’innovation.

Repreneuriat: des employés au rendez-vous

23/04/2024 | Emmanuel Martinez

REPRENEURIAT. Le taux de survie des coopératives est bien meilleur que celui des entreprises privées.

De nouvelles règles fiscales favorisent le repreneuriat familial

Édition du 10 Avril 2024 | Emmanuel Martinez

REPRENEURIAT. Elles devraient stimuler le transfert d'entreprise à des proches.