Productivité, le Québec a les moyens de rattraper son retard

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Productivité, le Québec a les moyens de rattraper son retard

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Bernard Landry : «Que peut faire l'État pour améliorer la productivité ?»

Le retard du Québec sur ses voisins en matière de productivité continue d'être documenté, année après année, étude après étude. Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, en est bien conscient et estime avoir pris des mesures «fortes» dans son dernier budget.

Pour M. Marceau, l'équipement et la formation constituent des aspects déterminants centraux de la productivité. «Il y en a d'autres, mais quand on a parlé de ceux-là, on en a dit beaucoup.»

Le budget déposé l'automne dernier par M. Marceau contenait notamment deux mesures destinées à augmenter l'investissement privé, le congé d'impôt pour les grands projets d'investissement (C2I) et la prolongation du crédit d'impôt à l'investissement déjà en place.

Priorités

«Avec nos moyens, nous avons choisi quelques priorités, et l'investissement privé était l'une d'elles», explique M. Marceau.

Quant à la formation, il note que «le Québec fait beaucoup de progrès, mais qu'il ne faut pas s'arrêter».

«Il faut de bonnes universités et, justement, nous sommes là-dedans», dit-il en faisant référence au Sommet sur l'enseignement supérieur.

«Il ne faut pas négliger la formation technique non plus. Il y a du chemin à faire à ce sujet. Le nombre de jeunes qui quittent l'école sans diplôme doit diminuer.»

Une initiative ontarienne

La province de l'Ontario s'est penchée sur la question de la productivité l'an dernier en mettant sur pied le Conseil pour l'emploi et la prospérité.

Le rapport de ce comité de quatorze importantes personnalités d'affaires ontariennes, présenté juste avant le congé des fêtes de fin d'année, offrait une foule de pistes, pour la plupart connues : favoriser la recherche et le développement, améliorer l'écosystème du capital de risque, établir des liens entre entreprises et universités, renforcer la culture entrepreneuriale, etc.

Les auteurs soulignaient notamment l'importance des investissements dans les infrastructures publiques. Selon une étude du Conference Board du Canada citée dans ce rapport, 25 % de la hausse récente de la productivité ontarienne «pourrait être attribuable à l'amélioration des infrastructures».

Or, à ce chapitre, notamment grâce à la commission Charbonneau, «on se rend bien compte que le Québec a payé trop cher ses infrastructures», relève M. Marceau. «Il faut trouver le moyen que chaque dollar achète un plus grand nombre de kilomètres d'asphalte ou répare plus de toits d'école.»

Les suggestions de Pierre Fortin, professeur émérite au Département des sciences économiques de l'UQAM

Maintenir et élargir l'accès aux marchés extérieurs

Il y a bien sûr les discussions de libre-échange avec l'Europe et d'autres pays, mais M. Fortin a surtout en tête la frontière américaine. «Depuis septembre 2011, les barrières ont remonté un peu, les douaniers sont plus méticuleux, ça ralentit le processus. Il faut trouver le moyen d'avoir une entente claire avec les douanes américaines.»

Soutenir l'expansion de multinationales du Québec

Peu importe qu'elles soient de propriété québécoise ou non. «Je n'ai rien contre le démarchage, mais les multinationales les plus faciles à convaincre sont celles qui sont déjà au Québec. Il faut les convaincre de prendre de l'expansion. Les multinationales sont en général beaucoup plus productives que la moyenne.»

Faire le ménage de l'aide financière aux entreprises

«On en est presque rendus à créer un crédit d'impôt pour l'apprentissage du patin arrière, se moque-t-il. Il y a beaucoup d'innovations à faire, mais parce que ça ne tombe pas nécessairement dans certains secteurs ciblés, on n'encourage personne à le faire. Qu'on fasse des changements fiscaux génériques plutôt que spécifiques à une région ou un secteur.»

Appuyer nos réseaux de transfert des connaissances

«On devrait en parler au Sommet sur l'enseignement supérieur, mais on ne parlera probablement que de la gestion des universités. Il faut trouver de meilleures façons de transférer la recherche fondamentale à l'entreprise.»

Rendre l'épargne automatique ou obligatoire

«C'est l'épargne qui finance l'investissement, et l'épargne locale est toujours moins coûteuse que l'épargne étrangère.»

SON COMMENTAIRE

Le Québec n'a vraiment plus le choix : c'est la haute productivité ou le lent déclin socioéconomique. Notre population qui vieillit a le droit strict de compter sur un soutien collectif fraternel, mais les Québécois actifs sont de moins en moins nombreux pour l'assurer. Sans oublier évidemment nos devoirs également onéreux envers la jeunesse qui prépare l'avenir.

Il faut donc rapidement un consensus national solide qui transcende la droite et la gauche et proclame que seules les heures travaillées apportent une haute valeur ajoutée sans qu'il soit nécessaire de les prolonger, et que tout cela nous permettra d'affronter nos redoutables défis. Donc, sans travailler plus, il faudra travailler mieux. Ce qui d'ailleurs nous permettra de verser de plus hauts salaires dans un cadre de travail plus agréable et moins épuisant.

Le chemin économique et social parcouru par notre nation depuis 1960 permet de croire qu'un changement rapide pourra s'opérer dans nos modes de production grâce à la science, la technologie et l'équipement spécialisé. Tout cela requiert évidemment un haut niveau d'éducation, sans négliger la formation de la main-d'oeuvre, même quand elle est déjà au travail. À ce chapitre, l'État, les syndicats et le patronat ont un immense et urgent devoir de concertation. Un tel projet n'est ni à gauche ni à droite, mais en avant. «On est capable», comme le martelait René Lévesque. Il a eu raison sur bien des points. Aux contemporains d'adopter la bonne route, et en vitesse !

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