Polluer moins, réutiliser davantage

Publié le 16/10/2010 à 00:00

Polluer moins, réutiliser davantage

Publié le 16/10/2010 à 00:00

Par Claudine Hébert

Plus de la moitié des 13 millions de tonnes de matières résiduelles générées chaque année au Québec sera enfouie ou incinérée. C'est trop, estime Québec, qui s'est doté d'une politique visant à éliminer l'enfouissement de matières organiques dès 2013, et qui a haussé les redevances pour l'enfouissement. Certaines entreprises n'ont pas attendu avant de s'attaquer à leurs matières résiduelles.

LEMAY ASSOCIÉS

Composter et jardiner sur le toit du bureau

Chez Lemay Associés, on ne fait pas que dessiner des plans de bâtiments LEED pour les clients. On prêche les vertus du développement durable par l'exemple. Un code d'éthique visant à diminuer l'empreinte écologique de la firme, qui est située avenue Brewster, à Montréal, est rigoureusement appliqué au quotidien par ses 120 employés. " Un code d'éthique dont les petits et grands gestes s'adressent aussi à nos visiteurs ", explique André Cardinal, associé senior responsable du concept durable. En d'autres mots, ne vous y présentez pas avec une bouteille d'eau en plastique, elles y sont désormais bannies. Les boîtes à lunch composées de contenants jetables, les contenants en styromousse et les ustensiles en plastique sont aussi proscrits. Quant aux bâtonnets à café en plastique, ils ont été remplacés par des pâtes alimentaires sèches. " Toutes nos matières organiques sont compostées afin d'alimenter le terreau de notre jardin-terrasse où poussent des fleurs, des légumes ainsi que des cucurbitacées dont des citrouilles ", ajoute fièrement l'architecte André Cardinal.

Plusieurs mesures

Lemay Associés a également pris les grands moyens pour diminuer son importante consommation de papier. Tous les postes de travail disposent dorénavant d'espaces de rangement (classeurs, tiroirs, étagères...) réduits de moitié afin de limiter l'accumulation de documents. Le nombre d'imprimantes est également passé de huit à quatre. " Pour favoriser la consultation de documents pour lesquels les employés avaient l'habitude d'imprimer chacun leur propre copie, un centre de documentation a été aménagé au coeur du bureau. Et un employé veille à limiter les photocopies ", précise André Cardinal. Des mesures qui se sont soldées par une diminution de 20 à 25 % de la consommation de papier.

Pour assurer le succès de sa démarche, la firme a tenu des séances d'information et des dîners-conférences (animées par des membres de la Fondation David Suzuki) pour inciter ses employés à adopter des pratiques plus vertes et à améliorer la gestion des matières résiduelles.

CAMFILL FARR CANADA

10 tonnes de déchets en moins

La gestion des matières résiduelles n'est pas sans causer certains casse-têtes aux entreprises manufacturières. Le fabricant d'unités de filtration Camfill Farr (Canada), à Laval, peut en témoigner. Jusqu'en 2008, il acheminait plus de 30 tonnes de matières résiduelles vers les sites d'enfouissement... chaque mois. Depuis la mise en place d'un comité de développement durable, ce volume a diminué du tiers.

Recyclage des métaux ferreux et non ferreux, des palettes de bois, du carton et du plastique et maximisation de l'utilisation des feuilles d'acier représentent les gestes ayant favorisé la réduction des matières mensuelles de sept tonnes. " Plusieurs diront que c'est encore beaucoup mais, à nos yeux, le bout de chemin effectué en moins de deux ans constitue déjà un grand pas vers la bonne voie ", se défend Josée Brunet, directrice des ressources humaines de Camfill Farr, division Laval.

Les efforts de l'entreprise ont justement été récompensés par l'obtention de l'attestation de performance de niveau 3 de Recyc-Québec en juillet dernier. Avec la collaboration de ses 200 employés, la division lavalloise souhaite réduire son volume de matières résiduelles au cours de 2011. Et elle veut faire vite. L'augmentation des redevances aux sites d'enfouissement est loin de faire son bonheur. Pour y parvenir, l'entreprise fonde beaucoup d'espoir sur l'aménagement d'un laboratoire de R-D, construit au coût de 2 millions de dollars. " Cette nouvelle infrastructure vise à améliorer nos techniques de fabrication et à développer des produits de filtration encore plus performants. Même si nous n'avons aucun objectif précis, ces démarches devraient nous aider à diminuer considérablement notre volume de matières résiduelles ", mentionne Mme Brunet.

GEEP ECOSYS

Revaloriser l'électronique

Il n'est pas évident de se débarrasser d'un vieil ordinateur, alors imaginez le souci des entreprises qui doivent renouveler tout leur parc informatique. C'est ici qu'intervient GEEP Ecosys. L'entreprise de Dorval dispose d'infrastructures pour revaloriser les appareils qui sont encore en bonne condition. " Un peu plus de 70 % du matériel que l'on récupère bénéficie d'une seconde vie. Et ce sont des appareils dont la performance et le prix surprennent les acheteurs qui passent à notre boutique ", souligne Bruce Hartley, vice-président du développement affaires chez GEEP Ecosys.

L'entreprise s'assure d'effacer toute trace de données du disques durs, ce que les institutions bancaires faisant appel à la société apprécient. Ses produits sont principalement revendus en Amérique du Nord. " Pas question de cibler les pays sous-développés où les technologies de recyclage des matières électroniques sont inexistantes ", souligne M. Hartley. Actuellement, les pièces non réutilisables prennent le chemin d'un centre de recyclage GEEP, à Barrie, en Ontario. " D'ici un an, GEEP Ecosys aura son propre centre de recyclage pour petits appareils électroniques dans la région montréalaise. En plus de mieux traiter et de limiter le transport des matières provenant du Québec et des Maritimes, ce centre abritera toutes nos activités ", explique-t-il.

Les Québécois génèrent entre 20 000 et 25 000 tonnes de déchets électroniques par année, dont seulement 40 % est revalorisé.

JELD-WEN

Réutiliser, c'est payant

Récupérer, c'est bien beau, mais si on pouvait réutiliser les matières, ne serait-ce pas mieux ? C'est ce que le fabricant de portes et fenêtres Jeld-Wen, division Donat Flamand, à Saint-Apollinaire, met en pratique depuis plus d'un an. Plusieurs petits et grands gestes permettent aujourd'hui de réemployer des matières qui étaient destinées, au mieux, au recyclage ou à l'enfouissement. Maintenant, les employés de Jeld-Wen réutilisent le carton utilisé pour transporter le vinyle servant à la fabrication des fenêtres. " Plutôt que d'envoyer ces quelque 10 tonnes de carton chez Cascades - une activité qui rapportait tout de même environ 150 $ la tonne -, on les retourne à notre fournisseur pour qu'il les réutilise à la prochaine livraison ", explique Jérôme Samson, ingénieur responsable du comité environnemental. M. Samson souhaite que cette initiative, qui permet de réemployer plus de 90 % du carton utilisé, se traduise sous peu par une réduction du prix des fournisseurs.

Jeld-Wen a aussi trouvé une façon originale de réutiliser les produits qui ont un défaut de fabrication en les prêtant aux promoteurs immobiliers durant la construction des maisons. " Avant de livrer les portes originales, qui seraient sûrement abîmées durant les travaux de construction, Jeld-Wen fournit maintenant aux contracteurs des portes usagées ", rapporte M. Samson. Et qu'en est-il des fenêtres ? L'entreprise les cède à des brocanteurs pour la construction de cabanons ou de camps de chasse. Autrefois, tous ces produits imparfaits étaient enfouis.

CORBEIL ÉLECTROMÉNAGERS

Vendre ses déchets

Il y a deux ans encore, Corbeil Électroménagers payait plus de 3 500 $ par mois pour se débarrasser du polystyrène qui protège les appareils durant le transport. Tous les jours, deux conteneurs remplis à ras bord prenaient le chemin du site d'enfouissement. Cette époque est révolue. Aujourd'hui, grâce à la présence d'un condenseur dans la cour de l'entrepôt de Montréal-Nord, le détaillant ne remplit plus qu'un conteneur par mois. " Et en plus, on en vend le contenu à une firme qui recycle ce type de plastique ", explique Sylvain Larivée, directeur principal de la logistique de Corbeil.

Pour le moment, Corbeil Électroménagers loue le condenseur, qui coûte 90 000 $, mais elle étudie la possibilité de l'acheter. Cette nouvelle façon de faire a entraîné la création d'un poste à temps plein et il a aussi fallu sensibiliser les employés à ces nouvelles méthodes de travail. L'entreprise, qui vient d'obtenir son attestation niveau 3 de Recyc-Québec, valorise 92 % de ses matières résiduelles.

UNIBOARD CANADA

Des murs antibruits de 600 000$

Uniboard Canada, à Sayabec, détient 60 % du marché du panneau de mélamine au Québec. Une vaste production annuelle qui n'est pas sans requérir un important parc d'équipements thermiques nécessitant plus de 60 000 litres d'huile chaque année qui, autrefois, étaient enfouis. Depuis trois ans, l'entreprise dispose d'un équipement qui lui permet de réutiliser la quasi-totalité de ses huiles usées. " La mise en valeur de cette matière résiduelle et l'économie de transport lié à sa réutilisation permettent à notre usine d'un million de pieds carrés d'épargner une vingtaine de milliers de dollars par année ", explique Alexandre Bédard, directeur des ressources humaines d'Uniboard Canada Sayabec.

Cette initiative n'est pas la seule économie substantielle qui fait sourire la direction d'Uniboard. Depuis deux printemps, fini les chargements de détritus laissés par la fonte des immenses bancs de neige vers les sites d'enfouissement. " Désormais, les amoncellements de copeaux de bois, mêlés de roches et de sable, sont récupérés pour former des murs antibruits autour de l'usine ", mentionne M. Bédard. Cette récupération, embellie de végétation, permet à l'entreprise manufacturière de mettre quelque 600 000 $ de plus dans ses poches.

HÉROUX-DEVTEK

Des boîtes en bois plutôt qu'en carton

On ne transporte pas les trains d'atterrissage de F-16 ou de Learjet ou des pièces d'hélicoptères dans un emballage ordinaire. Parlez-en aux 170 employés d'Héroux-Devtek, à Laval, qui doivent annuellement manipuler des milliers de kilos de matières d'emballage composées de bois, de plastique et de carton. " Au minimum, on envoyait un conteneur par semaine à l'enfouissement ", se rappelle Roger Simard, technicien à l'outillage et responsable du comité environnemental. Depuis trois ans, la situation a changé. L'entreprise est parvenue à réduire de 85 % son lot de déchets hebdomadaires. Comment ? En partie grâce à l'utilisation de boîtes de bois récupérables. À la suggestion d'un employé, l'entreprise a fait fabriquer des boîtes pour le transport des pièces qui nécessitent un traitement de protection additionnel. " On va jusqu'à les réparer pour les réutiliser le plus longtemps possible ", ajoute M. Simard. La prochaine étape ? Le polystyrène et autres matières plastiques que l'on souhaite réutiliser. Ce projet est sur la table depuis des mois, mais n'avait pas encore reçu l'appui des employés. " Depuis un mois, les infrastructures sont en place et on sent que le vent tourne ", conclut M. Simard.

L'ORÉAL CANADA

Objectif : zéro déchet

L'Oréal Canada vise rien de moins qu'une réutilisation quasi complète de ses matières résiduelles. Depuis déjà cinq ans, l'usine montréalaise du fabricant de produits cosmétiques mise sur les emballages-navettes pour parvenir à ses fins.

Fini l'usage des boîtes pour les commandes de bouteilles, pots et autres contenants. " Nos fournisseurs nous livrent leurs marchandises dans des sacs en fibre que nous leur retournons pour les prochaines livraisons ", explique David Ohayon, directeur de l'entretien, de l'hygiène, de la sécurité et de l'environnement de l'usine de L'Oréal Canada. À elle seule, cette opération équivaut à près de 1 260 tonnes de carton détournées du recyclage chaque année, estime M. Ohayon encouragé par les objectifs de la multinationale qui souhaite réduire à zéro ses matières résiduelles.

La réutilisation des matières est également encouragée à la centrale de distribution de L'Oréal Canada. À la suggestion d'un employé qui dirigeait vers le recyclage toutes les boîtes de cartons issues des livraisons des matières premières, le manufacturier les réutilise désormais pour effectuer ses propres livraisons aux détaillants. " Non seulement la centrale de distribution dévie trois tonnes de carton par mois du recyclage, mais cette action nous fait économiser l'achat de boîtes ", souligne Nada Gharzouzi, chef de l'entretien, sécurité, hygiène et environnement de la centrale de distribution de L'Oréal Canada. Cela s'ajoute au réemploi de plusieurs types d'emballage utilisés pour stabiliser le contenu des envois. Certains articles, comme les rouleaux vides des étiquettes, sont devenus des articles de bricolage très appréciés par les 70 bambins de la garderie.

SHERBROOKE OEM

Fini la cueillette à trois voies

La cueillette de nos ordures ménagères et des matières recyclables telle qu'on la connaît serait-elle en voie de disparaître ?

Au risque de déplaire à certaines industries qui en vivent, c'est l'objectif visé par l'entreprise Sherbrooke OEM, qui vient de mettre au point le tout premier centre de tri multimatières à Laval. Un investissement de 15 millions de dollars visant le traitement de 200 000 tonnes de matières résiduelles par année. Grâce à un système robotisé qui sépare le plastique, le bois, le verre, le papier et le métal, l'entreprise sherbrookoise souhaite redéfinir le concept de la cueillette des matières résiduelles. " Le système de cueillette à trois voies m'apparaît exagéré. Il engendre des coûts superflus pour les municipalités, commerces, institutions et industries en matière de transport et d'aménagement de centres de traitement ", souligne Alain Brasseur, président de Sherbrooke OEM. M. Brasseur estime que sa nouvelle technologie se traduira par de substantielles économies. " Plus du tiers des budgets consacrés à la cueillette pourra être épargné et consacré à d'autres fins ", soutient-il. Il faut savoir que le centre multimatières de Sherbrooke OEM favorisera la cueillette à deux voies : les matières organiques dans un bac et toutes les autres matières dans un second contenant. " Notre intention n'est pas de renier ce qui a été fait jusqu'à ce jour, mais les nouvelles technologies démontrent aujourd'hui que l'on peut aller encore plus loin dans la gestion des matières résiduelles ", conclut M. Brasseur.

BIOGÉNIE

Régénérer les sols à l'aide de bactéries

Depuis près de 20 ans, Biogénie - devenue une division d'EnGlobe - s'est surtout démarquée dans la décontamination des sols souillés d'hydrocarbures. Grâce à sa plateforme technologique de biopile, qui consiste à activer les bactéries dans un milieu favorable afin d'éliminer un maximum de contaminants, l'entreprise québécoise a développé un savoir-faire permettant de régénérer les sols en moins de quatre mois. " Et c'est bien moins cher que d'envoyer tout bêtement l'ensemble du terrain contaminé vers des sites d'enfouissement ", précise Christian Bélanger, directeur, innovation, chez Biogénie. Cette technologie, qui peut également désaliner les sols, est en voie de connaître une toute nouvelle carrière : la gestion des matières organiques. " Notre technologie est déjà adaptée pour accélérer le compostage. En collaboration avec un partenaire, nous avons créé un système fermé qui permet de composter 100 tonnes de matières en 30 jours, ce qui prend généralement de 12 à 18 mois avec les technologies passives actuelles ", indique M. Bélanger.

Mais Biogénie ne veut pas se contenter de composter. " Pour atteindre les objectifs ambitieux de réduction totale de matières organiques des sites d'enfouissement, il faut diversifier la gamme de produits à valeur ajoutée fabriqués à base de matières organiques ", soutient-il. La solution de Biogénie ? Transformer cette matière en ressource énergétique ultra- performante à des fins commerciales, institutionnelles et industrielles. Toujours à l'aide de sa plateforme biopile, Biogénie dispose des outils pour développer des centres régionaux de bio-séchage afin de conditionner la matière, d'en soutirer l'eau et d'en hausser le pouvoir calorifique.

RECYCLE GYPSE

Valoriser le vieux placoplâtre

Katy Major, préoccupée par les 150 000 tonnes de gypse qui sont enfouies chaque année, décide d'agir. Depuis trois ans, cette femme d'affaires de la Rive-Sud prolonge la vie de ce matériau de construction. Grâce à un broyeur adapté, Recycle Gypse, de Saint-Rémi-de- Napierville, traite les retailles de gypse peu importe la condition dans lesquelles elles arrivent au centre. La petite équipe de Mme Major, qui compte moins de cinq employés, réussit à séparer le papier et la poudre qui compose le coeur du matériau. S'il reste à développer une avenue pour le papier, la poudre, composée de calcium et de souffre, est rachetée à près de 95 % par un fabricant montréalais de panneaux. " On commence également à trouver des débouchés du côté de l'agriculture, un secteur pour lequel les composants de gypse se révèlent de précieux additifs pour les sols ", précise la présidente de l'entreprise. Recycle Gypse, qui revalorisera 5 000 tonnes cette année, et qui compte assez d'espace pour quadrupler ce volume. " Ce qui devrait se faire rapidement avec les nouvelles règles de redevances " rapporte Mme Major, qui souligne offrir un prix-recyclage désormais plus compétitif que l'enfouissement. Son entreprise dispose d'un service de cueillette. Cela dit, Katy Major croit qu'un futur resserrement des règles en matière de gestion des matières résiduelles - certaines villes canadiennes ont déjà commencé à interdire l'enfouissement du gypse - lui sera très favorable. Son plan d'affaires pour multiplier le nombre de centres de revalorisation de gypse aux quatre coins de la province est déjà prêt.

dossiers@transcontinental.ca

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