Passionné de Montréal, Stephen Bronfman fait sa marque

Publié le 04/05/2013 à 00:00, mis à jour le 02/05/2013 à 10:42

Passionné de Montréal, Stephen Bronfman fait sa marque

Publié le 04/05/2013 à 00:00, mis à jour le 02/05/2013 à 10:42

Stephen Bronfman mène ses affaires discrètement. Bien sûr, il est très connu dans la communauté des affaires et on le voit régulièrement dans différentes activités philanthropiques. Mais ses présences sur la place publique et dans les médias se font beaucoup plus rares.

Sa société d'investissement, Claridge, n'a pas de site Internet et les informations concernant ses diverses activités et transactions sont diffusées au compte-goutte. «C'est une société privée. Les gens du milieu des affaires, les banquiers, nous connaissent, et c'est suffisant», dit M. Bronfman, rencontré dans ses luxueux bureaux du centre-ville de Montréal.

Les lieux sont ornés de nombreuses oeuvres d'art. L'une d'elles, une sculpture d'un stade de baseball avec joueurs et spectateurs, souligne la passion du dirigeant pour ce sport et rappelle que son père Charles a été pendant plus de 20 ans propriétaire des Expos de Montréal.

La force et la qualité des relations interpersonnelles qu'entretient Stephen Bronfman en font un coéquipier apprécié. «C'est un homme discret, mais très près des gens, à l'aise avec tout le monde», dit Pierre Boivin, président et chef de la direction de Claridge.

Malgré plusieurs offres d'autres firmes, cet ancien président et chef de la direction des Canadiens de Montréal s'est joint à Claridge en raison notamment de son grand respect envers Stephen Bronfman, l'homme, l'homme d'affaires et le philanthrope, et de l'attachement de son nouveau patron envers Montréal et le Québec. «Il a Montréal à coeur et a choisi d'y rester», mentionne M. Boivin.

Un rôle plus important au Québec

Claridge entend d'ailleurs porter une attention plus particulière aux entreprises québécoises. «On peut jouer un rôle encore plus important au Québec, entre autres auprès de jeunes entreprises novatrices qui ont le potentiel de grandir», dit Stephen Bronfman, en précisant que la croissance du portefeuille de Claridge passe aussi par des investissements et des acquisitions d'importance au Québec.

Le recrutement de Pierre Boivin, en poste depuis plus de 18 mois, s'inscrit dans cette volonté. «Pierre a un imposant réseau de relations. De plus, il est aussi très fort dans les activités opérationnelles. Il peut entrer dans une usine et constater rapidement ses forces et faiblesses», note M. Bronfman.

Celui-ci scrute des dizaines de dossiers d'entreprises annuellement. Il est au fait des statistiques qui montrent le retard entrepreneurial du Québec par rapport à l'Ontario et aux autres régions du Canada.

Néanmoins, M. Bronfman fonde beaucoup d'espoir sur l'entrepreneuriat québécois. Il cite en exemple l'entreprise montréalaise Lumenpulse, un fabricant d'éclairage à DEL dont Claridge a soutenu financièrement le démarrage, en 2006. Lumenpulse rayonne déjà sur la scène mondiale.

Pierre Boivin abonde dans le même sens : «Il y a de très belles entreprises au Québec qui font preuve d'ingéniosité et de créativité. Nous pouvons les aider à prendre de l'expansion en leur fournissant non seulement du capital, mais aussi notre expertise de gestionnaire.»

En quête d'entreprises dominantes

Claridge vise des entreprises qui sont des leaders dans leurs secteurs d'activité et présentent un potentiel de développement à l'échelle internationale. «On s'investit dans des entreprises pour les amener encore plus loin», dit M. Bronfman, en précisant que le leadership et la qualité de l'équipe de direction comptent aussi parmi les critères de sélection.

M. Bronfman se fie également à son intuition. «Oui, il faut analyser les colonnes de chiffres et les graphiques, mais le gut feeling est tout aussi important», soulignait-il lors d'un récent déjeuner-causerie de la Jeune Chambre de commerce de Montréal, qui l'avait invité à partager sa philosophie d'investissement.

Il a aussi tenu à leur dire l'importance de «conclure des partenariats avec des gens qui ont les mêmes idées, les mêmes buts, les mêmes valeurs».

Cette philosophie a notamment permis à Claridge de mettre la main en 2002 sur Plats du Chef. Cette entreprise québécoise spécialisée dans les aliments surgelés était aussi convoitée par le géant Heinz, qui avait fait une offre supérieure de 2 millions de dollars !

«Le propriétaire préférait faire affaire avec une petite société locale et plus familiale plutôt qu'avec un géant américain», raconte M. Bronfman.

Du côté de l'immobilier, Claridge est associée au promoteur Prével dans le développement de l'îlot Seville, un ensemble résidentiel de dizaines d'appartements en copropriété situé sur la rue Sainte-Catherine Ouest, entre les rues Lambert-Closse et Chomedey, à Montréal. La firme a également investi dans un projet de 1 600 copropriétés dans le secteur Griffintown, à Montréal.

Stephen Bronfman ne craint pas la surchauffe du marché des copropriétés : «Nos projets sont bien situés et les taux hypothécaires restent très bas.»

Histoire de succès

Au chapitre de ses bons coups, Stephen Bronfman cite aussi la vente de NetStar Communications. En 1995, quatre ans après son entrée chez Claridge, il faisait partie d'un consortium qui avait acquis l'actif de Labatt Communications qui possédait notamment les chaînes de télévision spécialisées RDS, TSN et Discovery Channel. Quatre ans plus tard, quand la société renommée NetStar Communications a été vendue à CTV, son investissement initial de 50 millions de dollars avait presque doublé de valeur.

La firme d'investissement a réussi un autre coup de circuit avec Glutino. Sous l'administration de Claridge, Glutino est devenue le plus important fabricant d'aliments sans gluten en Amérique du Nord, avant d'être revendue avec grand profit à une société américaine en 2011.

Claridge était aussi parmi les investisseurs ayant misé sur Facebook avant son introduction en Bourse et a touché le gros lot quand la société californienne est devenue publique.

Porter le nom Bronfman

Le diplômé de Williams College, au Massachusetts a toutefois mis du temps avant de trouver son chemin. «J'ai toujours dit à mon père de ne pas s'inquiéter, que j'allais lentement m'épanouir», raconte Stephen Bronfman. À preuve, «je me suis marié seulement à 40 ans !» ajoute-t-il en riant.

Il a grandi sans intention de suivre les traces de son père Charles, qui dirigeait l'empire Seagram légué par l'aïeul Samuel. «Je le voyais revenir à la maison en veston-cravate et je ne voulais pas de cette vie-là», se rappelle celui qui rêvait plutôt d'une carrière de skieur professionnel.

Il refusait aussi de se faire conduire par le chauffeur à l'école où il se faisait traiter de millionnaire. «J'étais très gêné à l'école, et je voulais seulement mener une vie simple et normale. Tout le monde pense que c'est facile, mais porter le nom de Bronfman était à la fois une malédiction et une bénédiction», avoue celui qui est marié à une francophone et dont les quatre enfants fréquentent une école francophone.

Richesse familiale aidant, Stephen Bronfman s'est permis des allers-retours études-travail - notamment comme étudiant en géologie à l'Université Concordia et comme employé au service des communications et du marketing des Expos. «Cela, jusqu'à la fin de la vingtaine, avant de finalement trouver ma place», dit l'homme d'affaires de 49 ans.

Il précise que son père ne lui a jamais mis de pression pour prendre la relève. «Il m'a toujours dit : "Peu importe ce que tu décides de faire, assure-toi seulement de le faire de ton mieux".»

Aujourd'hui, Stephen Bronfman invite les jeunes entrepreneurs à «être passionnés, à travailler fort et à créer non seulement des entreprises novatrices et fortes, mais aussi une société meilleure.»

L'OCCASION MANQUÉE : L'ACHAT DES CANADIENS DE MONTRÉAL

En 2001, les Canadiens de Montréal attirent de moins en moins d'amateurs, et l'équipe de hockey rate les séries éliminatoires pour une troisième année consécutive, du jamais vu depuis les années 1920 ! Les Canadiens et le Centre Molson, construit cinq ans auparavant au coût de 265 millions de dollars, sont un boulet financier pour la brasserie propriétaire, qui met en vente l'équipe, l'amphithéâtre et sa division Sports et spectacles.

Or, malgré le prix de vente relativement bas, aucun acheteur québécois n'est intéressé. La prestigieuse équipe devient pour la première fois la propriété d'un Américain, George Gillett, pour 275 M$. Huit ans plus tard, en 2009, il empochait un juteux profit en revendant la légendaire franchise sportive aux frères Geoff, Andrew et Justin Molson au prix estimé de 575 M$ !

«Chapeau à George Gillet. Ça s'est avéré un excellent deal qu'on a tous manqué», souligne Stephen Bronfman. Et d'ajouter : «À l'époque, j'étais trop jeune pour me lancer dans une telle aventure et être sous les feux de la rampe.»

Possible, un retour des Expos ?

Stephen Bronfman aura néanmoins la chance de se reprendre en 2009, alors qu'il pilote un des groupes d'investisseurs ayant déposé une offre d'achat des Canadiens. «Les Canadiens, c'est une marque très forte et de grande valeur. Mais, comme dans toute transaction, on s'était imposé un prix limite qui a été dépassé», commente-t-il.

Stephen Bronfman n'aura pas tout perdu. La vente des Canadiens lui permet de recruter Pierre Boivin, qui était président et chef de la direction de l'équipe de hockey depuis 12 ans, au poste de pdg de sa société d'investissement Claridge.

Stephen Bronfman, qui a baigné dans le sport depuis son tout jeune âge, essaiera- t-il maintenant de ramener une équipe de baseball professionnel à Montréal ? Suivra-t-il ainsi les traces de son père Charles, qui avait permis la création des Expos en 1969, équipe dont il a été propriétaire jusqu'en 1991. «Ça peut être viable», croit celui qui a grandi avec le club et qui a même travaillé au service des communications et du marketing des Expos.

Stephen Bronfman précise que l'introduction du partage des revenus dans le baseball majeur, de même que la hausse des revenus liés aux droits de télévision, a changé la donne. Mais il n'a pas l'intention, pour l'instant du moins, d'investir dans ce projet.

Il a quand même eu des discussions avec Warren Cromartie, l'ancien joueur des Expos, qui chapeaute l'organisme Projet Baseball Montréal en faveur d'un retour du baseball majeur à Montréal. Ce groupe s'est récemment associé à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et à des gens d'affaires qui ont décidé de débourser 400 000 $ pour mener une étude de faisabilité visant à déterminer le potentiel d'un tel retour.

PHILANTHROPE ET COLLECTIONNEUR

La vente de NetStar Communications, en 1999, n'aura pas seulement garni le portefeuille de Stephen Bronfman. L'homme d'affaires en a aussi profité pour injecter 15 % des profits de cette transaction dans la création de sa fondation philanthropique, qu'il préside avec sa conjointe Claudine Blondin.

«Montréal et le Québec ont été très bons pour notre famille. C'est donc important de redonner à la communauté», affirme M. Bronfman, qui souhaite laisser sa marque non seulement en affaires, mais aussi socialement.

Lancée en 1999, la Fondation de la famille Claudine et Stephen Bronfman soutient des projets «créateurs et novateurs», souligne- t-il, en précisant qu'elle vise particulièrement les jeunes et les domaines de l'environnement, des arts, de la santé et de l'éducation.

Par exemple, la Fondation offre la chance à 25 entrepreneurs émergents de participer à la conférence d'affaires internationale C2-MTL. Choisis pour leur esprit entrepreneurial et leurs idées novatrices, ces dirigeants québécois ont ainsi la chance de mieux se faire connaître et de côtoyer des leaders établis du milieu des affaires et de la créativité.

«On a reçu des dizaines de candidatures. Les entreprises n'ont pas toutes les moyens de participer à C2-MTL ; alors, si on peut leur donner un coup de pouce...»

Autre exemple d'implication : C-Vert, initié par la Fondation, est un programme d'écologie urbaine qui vise à aider les adolescents des quartiers défavorisés de Montréal, de Québec et de Gatineau, à concevoir et réaliser des projets de développement durable ou soucieux de l'environnement.

Ami des arts

Pour Stephen Bronfman, qui siège depuis plusieurs années au conseil d'administration de la Fondation David Suzuki, le soutien aux arts est aussi essentiel. La Fondation a octroyé un don important à l'Université du Québec à Montréal et à l'Université Concordia pour la création de bourses de fin d'études supérieures à des diplômés en arts visuels.

«Notre famille a une longue tradition de soutien aux arts qu'il est important de perpétuer», dit M. Bronfman, en soulignant l'octroi du Prix Saidye-Bronfman pour l'excellence dans les métiers d'art, aujourd'hui administré par le Conseil des arts du Canada. Sa tante Phyllis Lambert a fondé à Montréal en 1979 le Centre canadien d'architecture, dont il est membre du conseil d'administration.

Ce soutien aux arts se traduit aussi par l'achat d'oeuvres d'artistes canadiens connus ou émergents qui composent l'importante collection de Claridge et la collection privée de Stephen Bronfman. Comme en témoigne cette oeuvre du sculpteur Joe Fafard qui trône à l'entrée du siège de Claridge dans le centre-ville de Montréal, de même que ces tableaux, poteries et autres sculptures d'artistes comme Nicolas Baier, Valérie Blass et Kim Dorland qui ornent les bureaux de la société d'investissement.

pierre.theroux@tc.tc

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