«Montréalais, prenez votre place !»

Publié le 08/06/2013 à 00:00

«Montréalais, prenez votre place !»

Publié le 08/06/2013 à 00:00

À Montréal, l'administration municipale s'est effondrée, mais la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, elle, garde le fort. Son président, Michel Leblanc, a ses idées quant aux voies à emprunter pour remettre la ville sur les rails.

Michel Leblanc habite le même appartement de l'avenue du Parc-La Fontaine depuis des années. L'état de la chaussée, bosselée, éventrée et rapiécée, est une métaphore de l'état de la ville dont il représente les gens d'affaires. Même l'étang du parc La Fontaine n'avait pas encore été rempli à la fin du mois de mai, car des algues y ont proliféré.

Mais qu'à cela ne tienne. Si l'administration municipale s'est effondrée sous le poids des scandales, Montréal, elle, est bien vivante.

Michel Leblanc s'en aperçoit chaque fois qu'il rencontre ses collègues des 25 plus importantes chambres de commerce d'Amérique du Nord. «Comment faites-vous ?» lui demande-t-on souvent. On admire la créativité montréalaise, ses industries florissantes du jeu vidéo et de l'aéronautique, son dynamisme. «On ne le dit pas souvent, mais Montréal est l'une des grandes villes nord-américaines qui a le moins souffert de la dernière récession.»

Michel Leblanc est resté, à 51 ans, l'homme optimiste, à la recherche de solutions, qu'il était à son arrivé en poste en janvier 2009. Il dit adorer son travail. Mais il comprend que les Montréalais aient la mèche courte. «Ils sont devenus irritables. Le côté positif, c'est qu'on ne tolère plus l'intolérable.»

Lorsqu'il a pris les rênes de la Chambre de commerce, l'industrie pharmaceutique allait bien et le secteur financier était moribond. Quatre ans plus tard, plusieurs entreprises pharmaceutiques ont déserté la métropole, ce qui a provoqué une crise dans ce secteur. «Le défi, c'est que nos centres de recherche demeurent performants. Il faut trouver de nouvelles biotechs pour mettre en valeur notre expertise.»

Tandis que, surprise, le secteur financier a pour ainsi dire ressuscité. Les bonnes nouvelles se sont succédé. La Caisse de dépôt et placement du Québec va bien. «Le secteur financier est robuste», dit M. Leblanc. Il se réjouit de la mobilisation de la communauté d'affaires pour contrecarrer le projet d'Ottawa de créer une commission unique de valeurs mobilières et faire valoir l'expertise de l'Autorité des marchés financiers. Et pour sauver les fonds des travailleurs, menacés par l'abolition de l'avantage fiscal accordé à leurs investisseurs prévue dans le dernier budget fédéral. «Ça n'est pas encore gagné, mais on nous écoute. On a écrit à tous les politiciens pour leur expliquer l'importance de ces fonds.»

Montréal se mobilise, dit-il. «Je dis aux Montréalais : prenez votre place !»

Cela pourrait devenir le slogan du prochain maire, sur qui Michel Leblanc (qui ne compte pas se lancer en politique municipale) fonde de grands espoirs. Avec l'échéance de 2017 dans la ligne de mire, soit l'année du 375e anniversaire de Montréal, lorsque plusieurs gros chantiers (CHUM, campus Outremont, Griffintown, l'hippodrome) seront achevés ou en voie de l'être.

C'est l'année où les Montréalais retrouveront leur fierté, croit Michel Leblanc.

Michel Leblanc

Titre : Président

Organisation : Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Économiste de formation, Michel Leblanc a travaillé comme consultant, puis directeur associé chez Secor, de 1996 à 2002. Auparavant, il a été à l'emploi de Montréal International et de Génome Québec. Il préside la Chambre depuis janvier 2009.

CE QUE MICHEL LEBLANC VEUT POUR MONTRÉAL

Des transports qui roulent

Le matin de notre rencontre, le service était interrompu sur la ligne verte du métro de Montréal. Une situation normale, aux dires la STM, mais le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain n'est pas d'accord.

Avant de se lancer dans un développement tous azimuts du métro, il faut commencer par réparer et entretenir notre réseau, remplacer ses équipements, rénover ses stations, croit Michel Leblanc. «Il faut rendre le système existant fonctionnel.» Plus de 14 milliards de dollars devront être investis dans le transport en commun d'ici 2020, estime-t-il.

Sur le front des grands chantiers autoroutiers, l'échangeur Turcot est encore remis, la navette vers l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau est dans les limbes, et on ne s'entend pas encore sur la forme du futur pont Champlain. Une improvisation qui a un impact sur la fonctionnalité de la ville, dit M. Leblanc. «On a une grande faiblesse sur le plan des transports.»

En finir avec le discours anti-port

Michel Leblanc a eu une révélation en arrivant à son poste : le port, c'est très, très important. «La Chambre avait perdu de vue l'importance du port dans l'activité économique.» Les Montréalais aussi. «Ils veulent un accès au fleuve. Mais c'est devenu un discours anti-port. C'est une analyse trop courte.»

En effet, le port, tentaculaire, est souvent accusé d'occuper les plus beaux terrains en bordure du fleuve et de les sous-utiliser, laissant les Montréalais avec des miettes de rives. Michel Leblanc pense qu'on doit réviser cette approche tout en étant conscient des grands enjeux stratégiques. «On ne peut pas écarter le port sous prétexte qu'on veut que Montréal soit une ville du savoir. Le port englobe toute une logistique. Il n'y a pas que le fleuve, il y a tout le réseau de voies ferrées qui assure le transport des biens.» C'est bien de pouvoir aller pique-niquer sur les rives du fleuve, mais c'est encore mieux de pouvoir gagner sa vie à Montréal, souligne Michel Leblanc.

Un plaidoyer en faveur des commerçants

S'il y a quelque chose qui inquiète cet optimiste de nature, c'est l'affaiblissement d'un certain type d'activités commerciales au centre-ville et sur les grandes artères. «Plusieurs rues se fragilisent», constate Michel Leblanc.

Il en veut à un certain discours, comme celui de la mairie d'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, qui traite ses commerçants avec désinvolture. «Si vous vous en allez, ce n'est pas grave, leur fait-on comprendre.» Pour M. Leblanc, dont le grand-père tenait la mercerie Marcotte, au coeur du Plateau, la mort d'un commerce est toujours grave. «Et lorsque les activités commerciales se déplacent vers la banlieue, le résultat est que la ville-centre devient ennuyante. On a besoin d'un plaidoyer en faveur du commerçant.»

Le Quartier Dix30, dit-il, a des atouts enviables. «L'accès est facile, le stationnement aussi, il y a une bonne combinaison de boutiques de qualité.» Si on ne fait qu'être contre l'utilisation de la voiture, on ne règle rien, croit-il. «Les gens veulent se déplacer avec le mode de transport de leur choix.»

Mettre fin au gaspillage de main-d'oeuvre

Il y a quatre ans, Michel Leblanc voyait venir avec appréhension l'échéance de 2016, ce moment charnière où le nombre de nouveaux venus sur le marché du travail sera moins élevé que les départs. «On y arrive, à 2016. Et on a progressé. En quatre ans, tout le monde a admis que c'est crucial pour l'avenir.»

Montréal ne peut se permettre de laisser qui que ce soit sur le carreau. Et le premier gaspillage auquel la Chambre veut mettre fin : celui des immigrants sans emploi.

Une initiative de la Chambre a d'ailleurs suscité une petite controverse, en février, lorsque ce tweet est apparu : «Profitez d'un coup de pouce pour votre entreprise ! Recevez un immigrant qualifié en stage non rémunéré @chambremontréal (Chambre de commerce du Montréal métropolitain)». «Les gens ont mal interprété, dit Michel Leblanc. Mais le fond de l'histoire, c'est qu'on a besoin d'un nombre élevé d'immigrants au Québec, de gens bien formés, et que tous doivent pouvoir travailler.»

La Chambre a développé un programme pour mettre en relation nouveaux arrivants et employeurs. Depuis octobre 2010, 1 700 immigrants ont fait ce stage non rémunéré en entreprise. «Plus de 60 % d'entre eux ont trouvé un emploi ou amorcé un cours de perfectionnement. On veut leur donner un réseau. Ne pas travailler, c'est du gaspillage pur.»

Par ailleurs, le président de la Chambre de commerce a toujours à coeur la lutte au décrochage scolaire. À l'université, la priorité de la Chambre est de créer des passerelles entre les milieux d'affaires et l'enseignement. Pour le président de la Chambre, le risque de pervertir l'université avec cet arrimage est moins élevé que celui de rendre les entreprises moins concurrentielles.

Un maire fâché noir... contre Québec

«Québec traite Montréal avec désinvolture. Les fonctionnaires ont une mauvaise lecture de ses problèmes, des coûts de la congestion», déplore Michel Leblanc. Il croit qu'il n'y a pas d'endroit au Québec, et surtout pas dans la capitale, où on tolérerait que des viaducs s'écroulent, que les rues soient défoncées, que les projets routiers soient constamment reportés.

Montréal n'est pas payante politiquement. L'ouest de l'île est acquis aux libéraux, l'est, aux péquistes. Et Montréal n'a pas d'élus au sein du parti au pouvoir à Ottawa.

«Regardez le maire Labeaume, à Québec : il se choque. Il va falloir qu'à la mairie de Montréal quelqu'un se choque. La reconstruction de l'échangeur Turcot a encore été remise de deux ans. C'est inacceptable, mais personne ne s'est fâché !» souligne le président de la Chambre de commerce.

Au lendemain de la prochaine élection, le nouveau maire jouira d'un appui inégalé dans la population, croit M. Leblanc. Il doit en profiter pour amorcer les négociations en vue d'un nouveau pacte fiscal avec Québec et d'un renforcement des pouvoirs de la ville-centre. «On a appuyé la proposition de la CAQ, ainsi que les rapports Séguin et Léonard [proposant de réduire le nombre d'élus et d'arrondissements]. On pense que, dès le lendemain des élections, les partis doivent s'asseoir pour en parler.» Les pouvoirs des arrondissements devraient être réduits. «Il n'y a pas de vision d'ensemble. Ça ne peut pas durer.»

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