Mark Kenber pdg, The Climate Group

Publié le 21/09/2013 à 00:00, mis à jour le 19/09/2013 à 10:27

Mark Kenber pdg, The Climate Group

Publié le 21/09/2013 à 00:00, mis à jour le 19/09/2013 à 10:27

Les émissions de gaz à effet de serre des 50 plus grands émetteurs continuent de croître. Comment faire passer la conversation autour du réchauffement climatique de «combien ça coûte ?» à «combien ça rapporte ?». C'est le défi du Britannique Mark Kenber, pdg du Climate Group.

Diane Bérard - La réglementation gouvernementale a-t-elle changé quelque chose au réchauffement climatique ?

Mark Kenber - Si vous vous concentrez sur l'objectif visé - réduire les émissions de gaz à effet de serre [GES] et stopper la hausse de la température moyenne -, c'est raté. Mais il y a une autre façon d'évaluer le succès de la réglementation. Désormais, la plupart des sociétés européennes mesurent leurs émissions de GES et elles évaluent leur empreinte environnementale. Les conseils d'administration comptent souvent un membre capable de comprendre ces concepts. Et les gestionnaires comprennent mieux le lien entre le contrôle du réchauffement climatique et la croissance économique. Mais il faudrait moins de conscientisation et plus d'action, car le temps presse.

D.B. - Vous siégez à un comité de la pétrolière BP. Cela ressemble à du «lavage écologique»...

M.K. - Je suis consultant pour le programme «cible neutre» (Target Neutral) de BP. Ce programme aide les clients de BP à réduire leur usage d'hydrocarbures ou, si ce n'est pas possible, à le compenser par des crédits carbone. Je ne suis pas rémunéré, il s'agit d'un panel indépendant. Nous aidons BP dans la conduite de ce programme. Nous rédigeons aussi une lettre confirmant que les affirmations de BP à propos des retombées annuelles de son programme sont vraies.

D.B. - BP n'a pas bonne réputation. Vous ne craignez pas pour la vôtre ?

M.K. - Il serait plus facile de ne travailler qu'avec des sociétés vertes. Mais celles-ci peuvent se débrouiller seules. Si je veux créer un futur à faible carbone, je dois travailler avec les pétrolières et les sociétés énergétiques. Ce sont elles qui ont le plus d'influence sur notre avenir. Je me place dans une situation délicate. Certains peuvent penser que je suis payé pour que ces sociétés aient l'air vertes. Mais c'est un risque que j'assume.

D.B. - BP est-elle sur la bonne voie ?

M.K. - Je ne crois pas que BP ou n'importe quelle autre société de ce secteur pose présentement les actions requises pour réduire le changement climatique. Mais il faut leur montrer qu'elles peuvent offrir le même rendement à leurs actionnaires tout en intervenant sur le réchauffement climatique.

D.B. - La relation entre les environnementalistes et le monde des affaires est complexe...

M.K. - D'un point de vue économique, l'environnement est un bien commun. Donc, les problèmes environnementaux relèvent de la sphère publique. Dans cet esprit, les entreprises sont là pour créer et maximiser le rendement pour leurs actionnaires. Si elles n'ont pas à payer les frais associés à leurs dommages environnementaux, elles ne le feront pas. Mais ce n'est pas si simple. Les entreprises doivent répondre à d'autres attentes que celles de leurs actionnaires. Il y a les clients, aussi, qui s'attendent à des comportements socialement responsables. De plus, les organisations qui affichent une stratégie de développement durable obtiennent de meilleurs résultats que celles qui n'en ont pas. Se soucier de développement durable force l'innovation, l'amélioration de la productivité et le contrôle des coûts.

D.B. - Mais un nouveau respect s'installe...

M.K. - En effet, mon prédécesseur au poste de chef de la direction du Climate Group est aujourd'hui chef du développement durable chez Ikea. De plus en plus d'environnementalistes font le saut dans le monde des affaires.

D.B. - Pour contrôler le réchauffement climatique, il faudra tout fabriquer en émettant un dixième des GES actuels. D'où provient cette cible ?

M.K. - C'est une conjugaison de deux informations : l'impact actuel des activités humaines et l'impact projeté. D'ici 2050, il faut réduire de 80 % nos émissions de GES (par rapport au seuil prérévolution industrielle) pour éviter que la température mondiale grimpe de deux degrés. Ce seuil est celui où des dommages irréversibles seraient infligés à la planète. Ajoutez à cela que, d'ici 2050, l'économie mondiale doit doubler. Il faudra donc réduire de 90 % les émissions de GES, c'est-à-dire tout fabriquer en émettant un dixième des GES actuels.

D.B. - Quel modèle économique permettra d'atteindre cet objectif ?

M.K. - Il faut devenir une économie de services. Les entreprises doivent se pencher sur le besoin du consommateur. Pourquoi achète-t-il leur produit ? On n'achète pas du mazout parce qu'on veut du mazout. On l'achète pour chauffer notre maison. Un fournisseur d'énergie pourrait vendre un service de chauffage et d'éclairage de maison à un montant fixe et l'assortir d'une clause d'efficacité énergétique. Les dollars économisés grâce aux efforts du fournisseur en matière d'efficacité énergétique seraient partagés entre le fournisseur et son client. Du côté du commerce de détail, la britannique Kingfisher a lancé l'enseigne B&K qui permet aux bricoleurs de partager des outils. Les bricoleurs les louent lorsqu'ils ne s'en servent pas. L'économie collaborative est une avenue parmi d'autres pour contrôler le réchauffement climatique.

D.B. - Ce serait plus facile si les pays émergents polluaient moins...

M.K. - Il est hypocrite et non productif de blâmer les pays émergents pour le réchauffement climatique. Comment leur reprocher de vouloir aspirer au même style de vie que le nôtre ? Et puis, ce sont des marchés incroyables dont nous avons besoin. Développons donc des modèles durables pour les servir. Modèles que nous appliquerons aussi à nos marchés traditionnels.

D.B. - Pourquoi les entreprises devraient-elles changer leur stratégie de lobby environnemental ?

M.K. - Au lieu de s'opposer à toute réglementation environnementale, elles devraient aider les gouvernements à dessiner des lois environnementales pro-entreprises. Des lois pro-innovation, par exemple.

D.B. - Les environnementalistes répètent que se soucier d'environnement rapporte. Mais dans certaines régions, comme en Alberta, polluer rapporte bien plus...

M.K. - Cela ne durera pas. La source va se tarir. L'Alberta devrait profiter de son statut de grand émetteur de GES pour devenir un leader de la captation de ceux-ci. Elle ferait fortune en vendant son expertise à la Chine.

twitter.com/diane_berard

Suivez Diane Bérard sur...

www.lesaffaires.com/blogues/diane-berard

diane.berard@tc.tc

À la une

Bourse: Wall Street clôture en ordre dispersé

Mis à jour le 18/04/2024 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de Toronto a clôturé en légère hausse.

Bourse: les gagnants et les perdants du 18 avril

Mis à jour le 18/04/2024 | LesAffaires.com et La Presse Canadienne

Voici les titres d'entreprises qui ont le plus marqué l'indice S&P/TSX aujourd'hui.

À surveiller: Banque TD, Marché Goodfood et Lion Électrique

18/04/2024 | Denis Lalonde

Que faire avec les titres de Banque TD, Marché Goodfood et Lion Électrique? Voici quelques recommandations d’analystes.