Les universités, ces incubateurs de géants technos

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Les universités, ces incubateurs de géants technos

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Eric Boyko : «Que faudrait-il faire pour créer de grandes entreprises technos au Québec et les conserver ?»

Les entreprises technologiques carburent aux billets verts et à la matière grise. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'on retrouve les start-ups les plus en vue dans les villes où les universités réputées cohabitent avec des fonds aux coffres pleins. Toutefois, il semble que ces derniers suivent les premières, et non l'inverse.

«Les technos sont le plus souvent fondées par des chercheurs, par des ingénieurs qui sont à l'université ou en sortent», lance Yvon Gasse, titulaire de la Chaire en entrepreneuriat et innovation de l'Université Laval. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à penser à Cisco, Google et Yahoo qui ont vu le jour sur le campus de l'Université Stanford, comme nombre d'autres entreprises dans la Silicon Valley.

Malgré tout, selon Yvon Gasse, de bonnes universités sont loin de suffire à créer un écosystème d'entreprises : «L'un des facteurs clés, c'est un environnement qui met en valeur l'entrepreneuriat et qui aide les étudiants et les chercheurs à se lancer en affaires».

Au Québec, ce n'est que depuis une quinzaine d'années que les universités font des efforts pour créer ce type d'environnement et ce n'est que tout récemment que ces efforts semblent s'être intensifiés. Les quatre principales sociétés de commercialisation de la propriété intellectuelle universitaire au Québec, par exemple, datent de moins de 15 ans. À titre comparatif, celle du MIT a vu le jour en 1945 et celle de Stanford, en 1970.

Créer des liens

En faisant des demandes de brevets pour protéger les inventions des chercheurs universitaires, puis en les commercialisant, ces entités jouent un rôle déterminant dans la création de liens entre le milieu de la recherche et les entreprises.

Elles créent aussi des entreprises directement, puisqu'elles en mettent sur pied afin d'exploiter certaines inventions. Depuis la création d'Univalor en 2001 par l'Université de Montréal et ses écoles affiliées, l'entité a créé pas moins de 40 entreprises.

Selon Yvon Gasse, l'un des freins à la création de grandes entreprises technos est le profil type des entrepreneurs dans le secteur : «Je pense qu'une fois que l'entreprise a atteint une certaine taille, le fondateur, qui est souvent un spécialiste des technologies, se rend compte qu'il n'a plus ni l'intérêt ni les capacités d'aller plus loin ; puis il accepte une offre d'achat.»

Cette réalité peut être attribuée à une culture entrepreneuriale moins forte au Québec que, disons, dans la Silicon Valley. Afin d'éviter que ce scénario familier ne devienne la règle, le Centech, un incubateur rattaché à l'ETS, exige depuis l'année dernière que les entreprises qu'elle prend sous son aile soit formées d'équipes multidisciplinaires : «La réaction a été négative au début, mais ça fonctionne bien aujourd'hui. Ce qu'on veut, c'est que les ingénieurs s'associent avec des fondateurs formés dans d'autres domaines, pour que les équipes aient des forces en design, en marketing, en finance, etc.», explique Robert Dumontet, directeur du Centech.

Potentiel commercial

Au Canada, l'Université de Waterloo a réussi avant toute autre à créer un environnement où les chercheurs et le monde des affaires marchent main dans la main. De cette université sont notamment issus les géants technos ca-nadiens BlackBerry et OpenText.

Dès sa fondation en 1957, l'université canadienne se démarquait en raison de deux politiques uniques : son programme de coop alliant études et travail dans l'industrie et sa politique en matière de propriété intellectuelle permettant à ses chercheurs de conserver l'entière propriété de leurs inventions. «Cette politique a eu pour effet d'attirer plus de professeurs intéressés par des champs de recherche ayant un potentiel commercial», explique Scott Inwood, directeur de la commercialisation du bureau de la commercialisation de l'Université de Waterloo.

La culture entrepreneuriale de Waterloo, auparavant reconnue pour ses nombreuses manufactures de chaussures, aurait aussi joué un rôle majeur dans son ascension : «Une grande part de ce qui est arrivé ici est attribuable à la communauté davantage qu'aux politiques de l'université, soutient Scott Inwood. Je ne pense pas qu'on ait une recette qui soit facilement exportable.»

1,4 G $US

Redevances engrangées par le bureau de la commercialisation de la propriété intellectuelle de l'Université Stanford, entre 1970 et 2011.

40

Nombre d'entreprises créées depuis 2001 par Univalor, une entité mise sur pied par l'Université de Montréal, afin d'exploiter certaines inventions.

SON COMMENTAIRE

Je suis d'accord avec les facteurs soulevés par le journaliste. J'aimerais toutefois en ajouter deux autres. D'abord, je pense que nous devons créer des fonds de plus grande taille ayant une durée de vie plus longue, soit de 10 à 15 ans, afin de favoriser la création de plateformes technologiques. Ensuite, nous devrions augmenter l'accès au financement sur les marchés secondaires. De cette manière, les entrepreneurs pourraient vendre une partie de leur société afin d'assurer leur sécurité financière, sans pour autant vendre toute l'entreprise.

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