Les trois défis de RIM

Publié le 29/10/2011 à 00:00

Les trois défis de RIM

Publié le 29/10/2011 à 00:00

Par Stéphane Rolland

Vedette des télécommunications il y a moins de cinq ans, Research In Motion (RIM) est maintenant pressentie comme la prochaine société à se joindre au club des has-been de ce secteur. Son action s'en ressent en affichant un recul de près de 85 % depuis son sommet de 2008. Peut-on espérer un grand retour ? Les optimistes se font plus rares, puisque les défis sont de taille. Voici les trois principaux défis, selon les experts consultés par Les Affaires.

1 Repartir à l'assaut du marché des entreprises avec des produits concurrentiels

Accusée par ses détracteurs d'être dépassée, Research In Motion (RIM) devra démontrer qu'elle peut remettre ses produits au goût du jour si elle veut redonner un peu de tonus à son titre, qui se négocie à son niveau de 2005.

Quatre ans après le lancement de l'iPhone de son concurrent Apple, RIM, dont le BlackBerry est en service depuis 1999, n'a toujours pas lancé de produits innovants sur le marché du téléphone intelligent, estime Mike Abramsky, analyste de RBC Marchés des Capitaux. «Les concurrents ont réussi, avec succès, à présenter RIM comme une entreprise du passé, écrit l'analyste dans une note publiée en septembre. C'est une menace, car les jeunes acheteurs ne percevront plus ses produits comme étant cool.»

Inutile d'impressionner les branchés : la bataille est perdue, croit pour sa part Alain Chung, gestionnaire de portefeuille et vice-président chez Claret. «RIM a peu de chances sur le marché des consommateurs, affirme-t-il. Il faut reconnaître que les produits d'Apple sont plus sexy. Si l'entreprise de Waterloo en Ontario se concentre sur le marché des consommateurs, elle va perdre.»

Le vilain petit canard ne passera pas à l'abattoir pour autant. «RIM a encore un avenir, mais dans le marché de niche des entreprises», ajoute M. Chung qui considère que le BlackBerry répond davantage aux besoins des entreprises, le premier marché de la société. «C'est un créneau prometteur, ajoute-t-il. Pensez à Microsoft Word ou Excel. Il existe des produits plus intéressants, mais ce sont malgré tout des outils de travail incontournables.»

Les entreprises n'ont pas les mêmes besoins que les consommateurs. Les particuliers sont cependant aussi des travailleurs qui peuvent faire pression sur leur employeur lorsque vient le moment de choisir un téléphone intelligent. «Certaines entreprises laissent leurs employés choisir le téléphone qu'ils veulent, constate Benoit Descary, président de DCE Solutions, une entreprise spécialisée dans la formation sur les technologies mobiles. C'est une tendance que l'on commence à observer.»

2 Rebâtir vite son image d'entreprise fiable

Panne planétaire et lancement d'appareil retardé. La réputation de fiabilité de RIM est écorchée. Les analystes et les actionnaires sont agacés et la société doit éviter d'échapper la balle au bond.

Le temps presse pour innover, alors que la société a connu des retards dans le lancement de ses derniers produits, prévient Troy Crandall, analyste du secteur des télécommunications à la firme MacDougall, MacDougall & MacTier à Montréal. «Elle doit lancer ses produits beaucoup plus rapidement, dit-il en entrevue. Il y a un risque que les concurrents dépasse RIM si cette dernière lance ses produits trop tard.»

La société a dévoilé le 18 octobre dernier sa nouvelle plateforme de programmes BBX, un système d'exploitation qui sera utilisé par les téléphones BlackBerry et la tablette électronique PlayBook. La plateforme devrait être vendue au premier trimestre 2012, mais certains analystes prévoient plutôt une sortie vers le milieu de l'année. M. Crandall rappelle que Google et Apple devraient lancer de nouvelles versions de leur téléphone intelligent vers la mi-2012. Microsoft est aussi un concurrent à ne pas négliger.

RIM est sur la bonne voie avec son téléphone BlackBerry 7, lancé en août dernier. Celui-ci a en effet été bien accueilli, estime Valérie Cecchini, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille chez Investissements Standard Life. La popularité de l'appareil pourra être mesurée lors du dévoilement des résultats du troisième trimestre, le 16 décembre prochain. «Même sans nouveau téléphone, RIM en a vendu 13,4 millions au deuxième trimestre, dit-elle en entrevue. Il est vrai qu'Apple en a écoulé 17 millions, mais on peut voir qu'on est bien loin de la catastrophe pour RIM.»

Le BlackBerry répond toujours aux besoins des entreprises, selon les commentaires recueillis par les intervenants interrogés par Les Affaires. Son réseau est jugé plus sécuritaire. Son aspect moins ludique évite les distractions des employés. Son réseau de courriel serait aussi plus efficace.

Avec la panne informatique planétaire qu'a connue la société canadienne à la mi-octobre, sa réputation en prend un coup. «Le moment ne pouvait pas plus mal tomber, constate M. Crandall. Apple lançait le iPhone 4S au moment où RIM vivait une crise. Si vous êtes sur le point de renouveler votre contrat, vous risquez de songer à changer de fournisseur.»

Même s'il maintient sa recommandation d'achat, Tim Long, analyste de BMO Marchés des capitaux, croit que la panne amène davantage d'incertitude en ce qui concerne le cours de l'action. Une compensation aux utilisateurs pourrait coûter de 3 à 5 cents de profit par action, selon lui.

Cependant, il ne faut pas craindre un abandon massif des clients d'affaires, assure M. Descary. «Migrer vers une autre plateforme, ça coûte cher, explique-t-il. Si vous devez remplacer de 400 à 1 000 appareils, vous y penserez deux fois.»

3 Répondre aux préoccupations de gouvernance

S'ils sont sages quand l'eau est calme, les actionnaires ne se gênent pas pour critiquer les capitaines lorsque l'action coule. En pleine tempête, RIM devra agir pour contenir la mutinerie.

Fatigué de voir la société perdre la bataille de l'innovation aux mains de ses concurrents, l'investisseur montréalais Stephen Jarislowsky avait résumé le mécontentement des actionnaires en juin dernier. «Ils [les membres de l'équipe de RIM] se reposent sur leur laurier, avait-il déclaré. Steve Jobs [le défunt pdg d'Apple] est un bien meilleur vendeur que RIM.»

Lorsqu'il a fait ce commentaire, M. Jarislowsky annonçait qu'il quittait le navire. À la fin de mars, sa firme Jarislowsky Fraser était le sixième actionnaire de l'entreprise, avec 10,2 millions d'actions. Elle n'en possédait plus que 178 369 à la fin de septembre.

Si certains s'attaquent à la vision des dirigeants, c'est surtout la structure de gouvernance qui rend mal à l'aise. La direction de la société est assurée par ses fondateurs et co-pdg, Jim Balsillie et Mike Lazaridis. Ceux-ci se partagent aussi la présidence du conseil d'administration (CA), ce qui fait dire aux détracteurs de RIM que le CA n'a pas l'indépendance nécessaire pour faire son travail. Ensemble, les deux pdg détiennent 10,46 % des actions en circulation de la société.

Avant la dernière assemblée annuelle de RIM en juillet, la firme Northwest & Ethical Investments avait présenté une proposition en vue de séparer la direction générale et la présidence du CA. Avant le vote, RIM a mandaté un comité indépendant pour analyser cette requête. Le fruit de leur réflexion devrait être connu en janvier. Les dirigeants ont finalement obtenu l'appui des actionnaires lors de l'assemblée.

Dernièrement, l'actionnaire activiste Jaguar Financial, une banque d'affaires qui cible les entreprises «sous-performantes», mène une croisade contre la direction. Elle veut forcer la vente de l'entreprise, en totalité ou en partie. Elle propose aussi de scinder le fabricant du BlackBerry en trois entités distinctes : une pour le réseau, une pour les appareils et l'autre pour les brevets. Au moment d'écrire ces lignes, Jaguar affirmait avoir obtenu l'appui de 8 % de l'actionnariat.

Pour Mike Abramsky, les critiques à l'endroit de la gouvernance de RIM sont justifiées. Il croit que la société devrait profiter de la montée de la grogne pour renforcer l'indépendance du conseil d'administration.

Le mieux est souvent l'ennemi du bien, juge M. Crandall. «Nous approuvons la frustration des actionnaires mécontents, admet-il. Mais je crois qu'il ne faut pas se laisser distraire. La direction et les administrateurs doivent d'abord et avant tout se concentrer sur le lancement de nouveaux produits concurrentiels.»

PEU D'ANALYSTES CROIENT À UN REBOND DU TITRE

Research In Motion (RIM) se négocie à un peu moins de cinq fois la prévision du profit par action de l'exercice 2013 terminé fin février. Malgré un titre théoriquement très abordable, la majorité des analystes le boudent.

En juin 2010, Les Affaires avait rédigé une analyse du même type sur RIM. Comme aujourd'hui, l'action était malmenée en Bourse. La différence : les analystes étaient beaucoup plus optimistes.

Des 51 analystes recensés par Bloomberg, 34 émettaient une recommandation d'achat, 11 suggéraient de conserver le titre et 6 conseillaient de le vendre. Au moment d'écrire ces lignes, l'agence de presse recensait 50 analystes qui suivent le titre. Ils ne sont plus que huit à recommander l'achat. De ceux qui restent, 23 émettent la recommandation «conserver» et 19 suggèrent la vente.

Alain Chung, gestionnaire de portefeuille et vice-président chez Claret reste quant à lui optimiste. «La société n'a pas de dettes, elle a beaucoup de liquidités et son prix est ridiculement bas», justifie-t-il en entrevue.

Les investisseurs qui parient sur une remontée en Bourse devront cependant s'armer de patience. «Nous croyons que RIM devra aligner quelques bons résultats trimestriels avant que le titre ne s'échange à un multiple semblable à celui de ses pairs», prévient dans une note Tim Long, analyste de BMO Marchés des capitaux. M. Long émet une recommandation «surperformance» et un cours cible de 55 $.

Les investisseurs, surtout les plus petits, n'ont pas intérêt à parier sur RIM, prévient Troy Crandall, analyste du secteur des télécommunications à la firme MacDougall, MacDougall & MacTier, en entrevue. Le titre est très volatil, une caractéristique qui ne convient pas à ces investisseurs. M. Crandall serait prêt à réévaluer le titre en raison de son recul, mais préfère attendre que l'horizon soit plus clair. Il émet une recommandation de vente et un cours cible de 23 $.

Après s'être mise temporairement en retrait pour quelques mois, Valérie Cecchini, vice-présidente et gestionnaire de portefeuille chez Investissements Standard Life, a renouvelé sa recommandation d'achat sur le titre. Depuis le début de l'année, l'action a reculé de près de 60 %. Maintenant que le BlackBerry 7 est lancé, la dépréciation du titre donne un point d'entrée intéressant, selon elle.

Après la publication des derniers résultats de la société, Kris Thompson, analyste de la Financière Banque Nationale, a affirmé qu'il était temps de «quitter le navire». Il estime que le cours de l'action pourrait même dégringoler sous les 20 $. Il a comparé les ventes du PlayBook, la tablette de RIM, à un désastre.

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