Le plaisir de partager

Publié le 03/08/2013 à 00:00, mis à jour le 14/08/2013 à 10:18

Le plaisir de partager

Publié le 03/08/2013 à 00:00, mis à jour le 14/08/2013 à 10:18

Depuis qu'il a pris sa retraite comme directeur du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) en septembre 2008, John R. Porter préside la fondation du Musée et pilote l'agrandissement de l'institution sur la Grande Allée à Québec. Ce travail d'entrepreneur bénévole l'occupe à plein temps. Le plaisir de laisser une empreinte dans la capitale l'emporte sur toutes les occasions qu'aurait encore cet historien de l'art et muséologue de bien gagner sa vie.

«Au début, c'était mon projet, j'étais seul. Certains de mes directeurs se disaient : Ah non ! Pas encore son projet d'agrandissement ! Mais c'est devenu un projet fédérateur avec une grande diversité d'acteurs, de tous les milieux. Ça devient un plaisir immense. Ça demeure le projet Porter, mais ça devient collectif. Dans mon parcours, j'ai toujours aimé ce passage de l'individuel vers le collectif. Le plaisir qui est le vôtre, tout à coup, est partagé par un large segment de la société», dit l'homme de 64 ans, le regard allumé.

L'agrandissement du MNBAQ, M. Porter l'a mis sur papier pour la première fois en 2001 et c'est en 2015 que le nouvel espace muséal ouvrira ses portes. Si le projet est en cours de réalisation, c'est parce que l'homme qui le porte est un monument de persévérance. Il s'est heurté à des refus quantité de fois avant de trouver le partenaire qui l'aiderait à concrétiser sa vision, l'homme d'affaires et mécène Pierre Lassonde, qui s'est engagé à verser 10 M$. Il est un des trois coprésidents d'une campagne de financement visant à recueillir 22,6 M$ pour l'agrandissement du musée, un projet de 90 M$.

«Les projets qui marchent sont ceux qui ont un bon porteur de dossier, remarque John R. Porter. Le projet de l'agrandissement est original et répond à un besoin, mais l'argumentaire qu'on a élaboré était qu'on avait un mécène et un site en plus de l'appariement du fédéral. Embêtant de dire non ! Avez-vous déjà vu tous ces éléments réunis pour un projet culturel au Québec ?»

M. Porter n'a jamais dirigé d'entreprise qui lui appartienne, mais il incarne l'entrepreneur par excellence dans le système public. Développer des clientèles, flairer la bonne affaire, promouvoir une exposition, gérer un fonds de développement, négocier des partenariats : c'est tout cela qui rend possible la magie de l'art.

Le pari de l'exposition Rodin

«Les gens pensent que c'est du ronron parce qu'un musée est une société d'État. C'est faux ! Du ronron, vous pouvez en faire dans le public et dans le privé, c'est facile, mais il ne faut pas en faire si on veut que ça marche. Il faut être un développeur, prendre des initiatives inattendues, accepter la gestion du risque et même mettre votre tête sur le billot», dit celui qui n'a pas hésité à le faire pour l'exposition Rodin en 1998.

Le Musée n'avait pas d'argent pour accueillir cette exposition exceptionnelle, une exclusivité nord-américaine. Il a fallu convaincre l'institution parisienne d'accorder un prêt considérable, sans condition. Et ensuite, s'allier le conseil d'administration.

«On n'avait pas d'allocation spéciale du gouvernement, mais pour y arriver, on allait prendre tout le budget des expositions d'une année, tout le budget des acquisitions et même celui de la formation : 1,1 M $. On prenait ça, on mettait ça sur la case Rodin et j'ai dit : ça va marcher», se rappelle M. Porter, conscient qu'il aurait perdu son poste si le vent avait été défavorable.

Mais Rodin est devenue l'exposition d'art la plus fréquentée dans le monde en 1998, avec plus de 524 000 visiteurs de tous les continents, et a généré des retombées de 56 M$, dont 1,4 M$ de profits nets pour le Musée. C'est un premier succès qui a permis de bâtir le reste, soit amener Picasso, le Louvre et Botero à Québec.

Insécurité créatrice

«J'ai besoin du risque ! Un de mes principes est l'insécurité créatrice. Quand je ne sens pas une insécurité fondamentale, ce n'est pas intéressant parce qu'il n'y a pas de défi. Mais faire le truc qu'on n'a jamais fait et auquel personne n'a jamais pensé, ça c'est agréable !»

John R. Porter raconte les souvenirs de ses réussites avec la joie d'un enfant. Un de ses plaisirs coupables, mais d'une «culpabilité assumée», c'était de prendre son passe-partout de directeur de musée et de circuler dans les salles et les voûtes la nuit tombée pour y admirer seul des chefs-d'oeuvre.

«Vous êtes transporté hors du monde ! J'ai eu des moments de grâce. Et il y a un certain plaisir aussi à retrouver dans les voûtes des choses qui y sont parce que c'est vous qui avez permis leur acquisition.»

Encore aujourd'hui, John R. Porter mène plusieurs projets de front et quand un moment propice se présente, il en priorise un pendant que d'autres restent en jachère. Ceux qui n'aboutissent pas ne le laissent jamais avec de longues déceptions.

«J'ai carburé à des projets qui n'ont pas fonctionné et ça a été utile pour faire quelque chose de meilleur et, dans certains cas, de plus grand. Entreprendre, c'est être certain qu'à point nommé, il y aura des échecs et des embûches.»

Les embûches font partie de ce qui casse la routine, l'ennemie du plaisir de M. Porter. «Il n'y a aucun plaisir pour moi dans la répétition. Je n'ai pas besoin de me fouetter pour aller faire autre chose, j'ai mes lignes à l'eau.»

Mentorat

À l'automne, John R. Porter publiera un livre sur le leadership. Des gens de tous les milieux réclament ses conseils. Il est maintenant perçu comme un sage, ce qui le surprend encore.

«Il me semble que je suis comme un petit gars, même si je suis le patron !» dit en souriant celui qui fait de plus en plus de mentorat, une activité qui lui permet de transmettre ses connaissances et d'apprendre.

«Le plus beau, c'est quand vous n'entreprenez plus tel ou tel projet, mais qu'il se réalise à travers des personnes que vous avez formées. Ça, c'est un grand plaisir !»

90 M$

Coût total du projet d'agrandissement du Musée national des beau-arts du Québec

22,6 M$

La Fondation du musée s'est engagée à recueillir 22,6 M$ dans le cadre de ce projet

2 %

En raison de l'étroitesse de ses lieux, le MNBAQ n'expose que 2 % de ses collections actuelles. La moyenne mondiale est de 12 %.

Série 6 de 10

Avec cette série de 10 entrevues que nous publierons jusqu'en décembre, nous souhaitons inspirer des vocations. Comment naît le plaisir de prendre des risques ? Où le trouve-t-on dans le quotidien de l'entreprise ? Comment le garder vivant malgré les embûches ? Comment arrive-t-on à le transmettre ? Est-il obligatoire pour connaître le succès ?

valerie.lesage@tc.tc

À la une

BRP a connu une baisse de ses revenus et de ses profits au quatrième trimestre

Il y a 11 minutes | La Presse Canadienne

Le fabricant de Ski-Doo et Sea-Doo a rapporté jeudi un bénéfice de 188,2 M$, ou 2,46 $ par action.

Les nouvelles du marché du jeudi 28 mars

Mis à jour il y a 53 minutes | Refinitiv

Home Depot rachète SRS Distribution pour 18,25 G$US.

«Comment donner un bon feedback?»

MAUDITE JOB! «Quand je donne du feedback, souvent les autres n'écoutent pas vraiment. Comment corriger le tir?»