Le plaisir d'inventer sa destinée

Publié le 01/06/2013 à 00:00, mis à jour le 30/05/2013 à 09:47

Le plaisir d'inventer sa destinée

Publié le 01/06/2013 à 00:00, mis à jour le 30/05/2013 à 09:47

Quitter un emploi qu'on aime beaucoup pour s'enfermer dans un petit appartement mal chauffé et créer son entreprise tient-il du masochisme ? Le pdg de Frima Studio à Québec, Steve Couture, se le demande encore, mais il est convaincu que le succès se bâtit en faisant des sacrifices, ce qui n'est pas incompatible avec le plaisir.

«Le plaisir d'entreprendre, à mon avis, c'est de faire ses propres projets. Quand j'ai lancé Frima, on avait de tout petits projets, et je me demandais si je trouverais ça plate de faire de plus petits projets. Mais finalement, j'ai eu plus de plaisir à faire ces petits trucs qui étaient les miens. Je faisais moins d'argent, mais c'était plus l'fun que d'être un employé. C'est une décision un peu candide que de lancer une entreprise. Quand tu es sain d'esprit, tu ne fais pas ça !»

La boutade lancée, Steve Couture accentue le sourire qu'il affiche toutes les fois qu'on le croise quelque part à Québec. Son rôle d'entrepreneur, il l'occupe dans la joie et l'ambition.

«Je suis d'avis que, si je ne rigole pas chaque jour, ma job est plate et il faut que je change d'endroit, lance-t-il. Les gens autour de moi me trouvent chanceux. La perception est que la croissance est une belle ligne droite qui monte, mais ce n'est pas ça. Il n'y a pas que des moments faciles et plaisants. Mais on essaie de rire même dans les pires moments. On ne fait pas de vaccins contre le cancer, mais des jeux vidéo. Alors, si on ne peut pas avoir du fun à tous les jours, c'est que ça ne va pas !»

Accro à la gestion

Être le pdg d'une entreprise de divertissement numérique, c'est vendre du plaisir. Pour en créer, Steve Couture s'est entouré de rigolos, de passionnés. Le travail se fait dans la bonne humeur, mais la gestion ne manque pas de sérieux. L'entrepreneur de 37 ans admet avoir du mal à décrocher, son travail le suit presque partout. Il est accro à la gestion, plus qu'à ses produits.

«Je ne crois pas aux lifestyle companies, à ces gens qui se lancent en affaires pour avoir des horaires allégés, pour faire plus d'argent en travaillant moins. Si tu n'es pas prêt à faire des sacrifices pour construire quelque chose de grand, tu ne feras jamais rien d'important. Tu ne bâtis pas une entreprise en essayant d'avoir une qualité de vie exceptionnelle», considère le papa de deux fillettes.

La qualité de vie, il l'offre à ses employés, qui bénéficient d'un programme de conciliation travail-famille. C'est la première entreprise québécoise à avoir obtenu la certification Conciliation travail-famille en 2012. Quant à lui, il admet avoir une «blonde très compréhensive».

«Si je te disais que ma vie est complètement équilibrée, ma blonde me chicanerait ! Je travaille plus qu'à peu près tout le monde que je connais. C'est facile de décrocher d'un travail quand c'est plate, mais moi je suis passionné par tout ce qui se passe !» lance-t-il, le regard allumé.

N'empêche, Steve Couture doit se rappeler que, même si Frima est, avec ses enfants, le plus grand projet de sa vie, ça reste un travail, à côté duquel il faut rester branché à la vie de famille, à la vie de couple, à la vie sociale.

«Je travaille tout le temps, mais je m'oblige à faire autre chose. Du sport d'équipe, par exemple. Si j'ai un match à 18 h 30, je dois y être, l'équipe compte sur moi. Des fois, je me dis : suis-je en train de reporter une réunion super importante pour aller jouer au soccer ? Ben oui ! Et c'est l'fun !»

Du temps où il était employé chez Sarbakan, un développeur de jeux vidéo de Québec, Steve Couture était celui qui organisait les partys. En tant que patron aujourd'hui, il doit garder une saine distance avec ses employés. Mais il prend toujours autant de plaisir à rassembler des gens.

«Une de mes plus grandes fiertés, c'est l'équipe. C'est ce que je veux protéger. L'autre jour, je me suis surpris à regarder les gens à la cafétéria et j'ai eu beaucoup de fierté à les voir avoir du plaisir ensemble, à se raconter des trucs et à se taquiner. Ce sont des gens, pour certains, qui ont étudié dans des domaines connexes où c'était plus difficile ; en arts visuels, par exemple. Là, ils travaillent chez nous et se développent. On a un impact sur la vie des gens», estime celui qui emploie 370 personnes au centre-ville de Québec.

Steve Couture se réjouit d'avoir contribué à diversifier le secteur des TI à Québec. De 2000 à 2008, il enseignait le multimédia à l'université et, les premières années, il voyait les finissants doués quitter la ville avec l'impression que Québec n'avait à leur offrir que du travail dans des ministères. Mais les choses ont changé. La technoculture a essaimé dans Saint-Roch, où le jeu vidéo est roi.

«Penser que j'ai contribué à ça me fait plaisir», dit-il.

Investir dans la propriété intellectuelle

Dans les prochaines années, créer de la richesse pour Québec sera encore plus important aux yeux de Steve Couture que de créer des emplois. C'est pour cela qu'en plus d'offrir ses services de création aux géants de l'industrie du jeu, il investit dans la propriété intellectuelle chez Frima. Il rêve d'un succès commercial international à la Angry Birds [plus de 1 milliard de téléchargements en 2012] pour faire croître l'entreprise.

«Mes sous à moi, ce n'est pas important, ma richesse n'est pas une priorité. Mais gérer les finances de l'entreprise de façon très serrée devient très important. Beaucoup d'entrepreneurs voient leur réussite dans la vente de leur entreprise et l'argent que ça rapporte. Moi, ça ne m'intéresse pas. J'ai plus de plaisir à faire vivre l'entreprise, et c'est peut-être ça le plaisir d'entreprendre, c'est de voir les choses se mettre en place.»

Autant le pdg de Frima a trouvé éprouvant le démarrage avec ses contraintes de financement, autant il s'amuse à gérer une entreprise en croissance, à déléguer et même à résoudre des problèmes.

«Les problématiques deviennent stimulantes, parce que l'atteinte de résultats est importante. Je suis toujours impatient de voir des résultats. On me demande souvent si je me voyais me rendre jusqu'où je suis. Ma vraie réponse : franchement, j'aurais aimé que ça aille plus vite et être rendu plus loin.»

Steve Couture est d'une nature impatiente. Il a une vision à réaliser, mais personne n'a écrit avant lui la recette pour faire de Frima «une icône du divertissement québécois à l'international». «La recette qu'on s'invente est intéressante à trouver. C'est comme quelqu'un qui cuisine de nouveaux plats et qui y goûte dans l'émerveillement.»

Quelques clients Disney

Warner Bros.

Mattel

Ubisoft

Activision

Fondée en 2003 par Steve Couture, Philippe Bégin (vice-président, Frima FX) et Christian Daigle (vice-président, création).

1er

Frima est le plus grand studio de divertissement numérique et jeux vidéo de propriété canadienne du Canada

370 employés au siège social à Québec

Série 4 de 10

Le plaisir d'entreprendre

Avec cette série de 10 entrevues que nous publierons jusqu'en décembre, nous souhaitons inspirer des vocations. Comment naît le plaisir de prendre des risques ? Où le trouve-t-on dans le quotidien de l'entreprise ? Comment le garder vivant malgré les embûches ?

valerie.lesage@tc.tc

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