Le plaisir d'être libre

Publié le 05/10/2013 à 00:00, mis à jour le 03/10/2013 à 11:37

Le plaisir d'être libre

Publié le 05/10/2013 à 00:00, mis à jour le 03/10/2013 à 11:37

Le président de BFL Canada lance à la blague avoir découvert le plaisir d'entreprendre en commençant à faire des bénéfices, après trois ou quatre années de vaches maigres. Bien sûr, l'argent fait un peu le bonheur... Mais pour l'assureur Barry F. Lorenzetti, fils de laitier élevé dans le sud-ouest de Montréal, le grand plaisir d'entreprendre, c'est d'être libre et indépendant.

«Ce qui me procure du plaisir, c'est de contrôler mon destin. On n'est pas comme certains de nos concurrents, qui prennent leurs décisions à New York ou à Chicago. Nous sommes indépendants, prêts à prendre des décisions ici pour les gens d'ici. On a de la flexibilité», dit le dirigeant, qui a été éprouvé par l'absence de liberté décisionnelle plus tôt dans sa carrière.

Après avoir travaillé chez Lloyd's à Londres dans les années 1970, puis chez le courtier Marsh à New York, Barry F. Lorenzetti a occupé un poste de directeur régional chez Sedgwick. Lorsque la compagnie d'assurances a été rachetée par une société publique britannique, le président de Sedgwick Canada, novice dans cette structure d'entreprise, a proposé à M. Lorenzetti d'occuper la vice-présidence à Toronto. «Il pensait pouvoir faire cette nomination lui-même sans l'assentiment du conseil d'administration. Mais le CA ne voulait pas d'un autre Canadien de l'Est, et encore moins d'un Québécois. Alors, après m'avoir demandé de venir à Toronto, il a dû me renvoyer à Montréal.

«Imaginez la réaction de ma femme ! On avait acheté une maison à Toronto, elle avait quitté son emploi et moi, j'avais confié mes responsabilités à d'autres personnes à Montréal», se souvient le pdg, qui rit de cette mésaventure des années plus tard.

Après quelques mois de déprime, M. Lorenzetti a quitté Sedgwick et a fondé le courtier en assurances BFL. C'était en 1987. Il était temps de concrétiser sa vision : créer une entreprise privée dont les employés seraient les actionnaires.

«Mon modèle développe l'esprit d'équipe, et il n'y a pas de politique. Si quelqu'un a l'occasion de travailler sur un gros dossier, il approche ses confrères et demande qui a de l'expérience dans le domaine concerné. Il n'est pas question de s'approprier le crédit. On travaille ensemble, parce que tout le monde veut que cette personne gagne le dossier : ça augmente la valeur des parts de chacun. Ainsi, on se donne le plaisir de jouer en équipe.»

Plusieurs millionnaires dans l'équipe

«Un autre de mes plaisirs, c'est de voir comment les gens qui ont eu le courage de se joindre à BFL il y a 25 ou 15 ans ont si bien réussi. Je suis très fier de compter pas mal de millionnaires dans l'équipe. Leur réussite me donne un grand plaisir - à eux aussi d'ailleurs !» rigole le sexagénaire.

BFL, qui a un chiffre d'affaires de 75 à 100 millions de dollars, compte une quinzaine d'actionnaires au Québec, une demi-douzaine en Ontario et une vingtaine en Colombie-Britannique. Cette structure d'entreprise permet de s'assurer une relève, dans la mesure où l'entreprise, en croissance continue depuis 25 ans, crée un marché pour ses parts internes.

«Si tu ne le fais pas, il arrive un matin où il faut vendre l'entreprise», dit M. Lorenzetti, qui fait tout pour que ce jour n'arrive jamais et que BFL reste une société privée.

«Il faut garder la richesse et garder les bénéfices ici, au Québec. On peut grandir, et c'est correct de grandir ! Aidez-nous à devenir deux fois plus grands, qu'on embauche encore 150 personnes. C'est important de garder des sièges sociaux ici. Je parle toujours de l'importance de faire des affaires ensemble.»

BFL emploie 450 personnes au pays, dont 180 à son siège social de l'avenue McGill College, à Montréal. Barry F. Lorenzetti occupe un grand bureau au 22e étage d'un immeuble chic avec vue sur le Mont-Royal. Une distributrice de gommes multicolores marque le caractère anticonformiste de cet assureur qui aurait rêvé d'être musicien. Et derrière une vitrine de protection, un chandail de Jean Béliveau habille un mur de la pièce de celui qui, enfant, pelletait des montagnes de neige pour jouer au hockey.

C'est d'ailleurs ce sport qui a permis à BFL de devenir une entreprise pancanadienne au milieu des années 1990. L'entreprise a choisi, dès sa fondation, d'occuper des créneaux spécifiques, comme le cinéma, les mines et les sports équestres, plutôt que de se lancer dans les assurances générales et d'affronter des dizaines de concurrents. Hockey Canada est devenu le compte le plus important de BFL, pour l'assurance de 500 000 joueurs et entraîneurs.

Le jour de l'obtention du contrat avec Hockey Canada, l'entrepreneur a sablé le champagne avec son équipe, mais il n'allait pas s'asseoir sur ses lauriers pour autant. «On dit souvent que les entrepreneurs portent 10 ballons à la fois, mais c'est ce qu'on veut ! On est satisfait pendant 5, 10 minutes, et là, on cherche le prochain défi.»

Trouver le temps de donner

M. Lorenzetti se trouve aussi des défis en société, et se fait un devoir de redonner. Deux fois par an, il accepte une présidence d'honneur et s'engage à recueillir des fonds pour différentes organisations, généralement liées à la culture ou à l'enfance.

«"Je n'ai pas le temps" n'est pas une réponse acceptable pour moi. On peut toujours trouver le temps ; c'est une question de priorités.» Ce père de trois enfants s'est investi cette année dans le financement d'Arion Orchestre Baroque et a joué de la musique sur le Mont-Royal en septembre avec d'autres pdg afin d'amasser des fonds pour la Société pour les enfants handicapés du Québec (voir «J'aurais voulu être un artiste», en page 30).

«Je ne le fais pas pour être vu dans les journaux, mais parce que je trouve ça important et que ça me touche.»

Barry F. Lorenzetti est reconnaissant envers ses parents de lui avoir donné la motivation de réussir. Il n'a pas oublié le milieu modeste dans lequel il a grandi. Sa réussite chez BFL lui a donné les moyens de réaliser ses rêves, mais pour lui, réussite ne doit jamais rimer avec snobisme ou égoïsme. «Le meilleur compliment que je reçois de mes amis est celui-ci : "Barry, tu es resté la même personne et, depuis 25 ans, tu n'as pas changé de style".»

Le pdg, qui a le luxe de posséder son avion, savoure sans remords le plaisir d'être seul à bord pour jouer de la guitare à 40 000 pieds dans les airs. Mais dans le quotidien, son plus grand plaisir est d'arriver au bureau le matin et de retrouver les collègues.

«C'est comme une famille. On a 180 employés ici et je les connais par leur prénom. Pareil à Toronto ou à Vancouver. Il faut garder cet esprit de famille. Ne pas avoir peur d'échanger des idées et de s'entraider. J'ai aidé des employés dans des périodes difficiles. Dans une entreprise privée, je trouve que c'est une obligation. Et en fait, je suis fier de faire ça comme leader», lance l'entrepreneur avec le sourire.

valerie.lesage@tc.tc

Le plaisir d'entreprendre

Avec cette série de 10 entrevues que nous publierons jusqu'en décembre, nous souhaitons inspirer des vocations. Comment naît le plaisir de prendre des risques ? Où le trouve-t-on dans le quotidien de l'entreprise ? Comment le garder vivant malgré les embûches ? Comment arrive-t-on à le transmettre ? Est-il obligatoire pour réussir en affaires ?

Série 8 de 10

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