Le manque de temps, le pire ennemi des magasins

Publié le 23/03/2013 à 00:00, mis à jour le 21/03/2013 à 10:22

Le manque de temps, le pire ennemi des magasins

Publié le 23/03/2013 à 00:00, mis à jour le 21/03/2013 à 10:22

Les détaillants qui tardent à faire le saut dans le commerce électronique perdent déjà des ventes. Et le manque de temps des consommateurs ne fera qu'empirer leur situation.

François Gaumond est associé chez Umen, une firme d'experts en stratégies Web. C'est un amateur de vélo et un consommateur de 29 ans assez typique de sa génération. Ses emplettes, il préfère les faire bien calé dans son sofa.

«Il y a plusieurs magasins [d'articles liés au vélo] à 500 mètres de chez moi. Mais ils ne sont pas ouverts quand j'ai le goût de magasiner, c'est-à-dire vers 22 heures, et ils n'ont pas de site transactionnel», a-t-il raconté au congrès annuel du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) tenu les 11 et 12 mars. Plusieurs détaillants québécois ne mettent même pas leur catalogue en ligne, et souvent, leur site est si mal référencé sur Google qu'il est plus facile d'acheter en Angleterre, a dit M. Gaumond.

Le manque de temps généralisé des consommateurs provoque de plus en plus de prémagasinage sur le Web. Selon le Cefrio, pas moins de 81,1 % des internautes québécois consultent au moins une source en ligne avant de faire un achat. «Malheureusement [pour les détaillants], les gens de ma génération préfèrent passer leur temps à faire du vélo qu'à magasiner leurs pneus de vélo, a poursuivi le conférencier. Alors, si vous n'avez pas de catalogue en ligne (avec les prix), vous perdez des clients et des ventes.»

«Les gens n'ont plus le temps de magasiner, constate aussi le sondeur Christian Bourque, de Léger Marketing. Si un détaillant peut leur faire oublier la notion du temps [avec une expérience client hors pair], il marque des points.»

Mais encore faut-il convaincre l'internaute de se déplacer dans son commerce. Un sondage réalisé en février par l'Observatoire pour le CQCD révélait que 45 % des Québécois ont réduit leurs déplacements depuis un an pour dépenser moins. Logique, puisque 47 % estiment que leur pouvoir d'achat a fondu par rapport à 2011.

Une fois le consommateur rendu en magasin, le temps joue encore en défaveur des détaillants. Ici comme outre-mer. Une étude de Wincor Nixdorf publiée en octobre dernier mentionnait que 69 % des Français estiment que faire des emplettes dans une grande surface est une «corvée», surtout parce que ça prend trop de temps. D'ailleurs, 9 sur 10 se plaignent des files d'attente aux caisses.

Virage de 600 M$

Le récit de François Gaumond avait de quoi inquiéter les détaillants québécois : il reflète une tendance mondiale encore plus forte chez nos voisins du Sud.

D'ici trois ans, 10 % des ventes au détail aux États-Unis s'effectueront sur le Web, indique la plus récente étude de Forrester Research. La firme américaine prévoit que les ventes en ligne bondiront en moyenne de 9 % chaque année d'ici 2017 pour atteindre 370 milliards de dollars américains (231 G$ US en 2012). Cette croissance est supérieure à celle des ventes traditionnelles.

Aucun type de commerce ne semble échapper à la volonté de changement des consommateurs. La chaîne Belk, dans le sud des États-Unis, en est un exemple probant. Ses 301 grandes surfaces, qui font penser à Sears, ont sondé leurs clients.

«Ce qu'ils nous ont dit était épeurant», a confié le président, Thomas Belk, au dernier congrès annuel de la National Retail Federation (NRF), tenu en janvier. Résultat, cette entreprise privée fondée il y a 125 ans a décidé d'investir 600 millions de dollars pour entrer dans la modernité. «C'est énorme pour un détaillant qui réalise un chiffre d'affaires annuel de 4 G$ US», a fait valoir le dirigeant, petit-fils du fondateur.

Belk a investi 263 M $ dans la refonte de son site Web transactionnel (et la création de versions pour les iPhone et iPad), 270 M$ pour refaire ses magasins, 14 M$ pour former ses employés et 42 M$ en marketing. Thomas Belk conseille d'ailleurs à tous les détaillants de «revoir leur façon de dépenser, en investissant moins d'argent dans leurs magasins et davantage en technologie», étant donné que les ventes en ligne augmentent plus vite. Il espère qu'en 2015, ses ventes en ligne représenteront 10 % de son chiffre d'affaires, par rapport à 1 % en 2010.

Le site de Belk plaît aux habitués. Mais il permet aussi de vendre à une nouvelle clientèle grâce à ses qualités intrinsèques jumelées à une stratégie marketing judicieuse, soit la commandite depuis 2011 d'un tournoi de football universitaire. Les résultats n'ont pas tardé, a dit M. Belk. «Aujourd'hui, 19 % des acheteurs sur notre site ne résident pas dans l'un des 16 États où nous avons des magasins, grâce à la publicité que nous donne cet événement.»

Les magasins Clément réussissent eux aussi à accroître leur «territoire» sans investir un sou dans l'ouverture de magasins. Le détaillant de vêtements et de meubles pour enfants réalise 30 % de ses ventes sur Internet à l'extérieur du territoire couvert par ses succursales physiques et 10 % à l'extérieur du Québec.

marie-eve.fournier@tc.tc

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