Le brevet, plus stratégique que jamais

Publié le 23/07/2011 à 00:00

Le brevet, plus stratégique que jamais

Publié le 23/07/2011 à 00:00

Par François Normand

Les grands de la techno viennent de s'arracher les brevets de Nortel, adjugés à 4,5 milliards de dollars, preuve que la propriété intellectuelle est devenue un outil hautement stratégique. Quatre dirigeants nous expliquent comment ils gèrent leur arsenal.

Au début de juillet, Nortel a vendu aux enchères 6 000 brevets (sur des technologies sans fil et Internet) à un groupe formé d'Apple, de Microsoft, de Research In Motion (RIM), d'EMC, d'Ericsson, de Sony et de Waterloo Tech.

Ces entreprises ont payé 4,5 milliards de dollars américains pour acheter les derniers actifs - les plus intéressants - de Nortel. Pourquoi ? Pour ralentir l'ascension de Google, une jeune société qui a peu de brevets (600, par rapport à près de 4 000 brevets pour Apple et de 17 000 pour Microsoft).

La défaite de Google dans la bataille des brevets de Nortel pourrait pénaliser son système d'exploitation Android dans l'explosif marché des téléphones intelligents, jugent certains analystes.

Voilà un bel exemple de l'importance accrue des brevets dans certains secteurs où l'innovation est le nerf de la guerre, selon Sylvain Desjardins, cofondateur et coprésident de la techno montréalaise VoiceAge. "Des entreprises se sont ralliées pour s'assurer que Google n'aille pas chercher une part importante d'un portefeuille de brevets."

Car ceux-ci font plus que protéger des idées. Voici quatre utilisations stratégiques des brevets expliquées par des dirigeants de sociétés québécoises.

1 Breveter pour être attrayant

Neuralitic Systems, un fournisseur montréalais de solutions de données mobiles, mise sur les brevets pour être pris au sérieux par les marchés et l'industrie. "Nous valorisons ainsi l'entreprise aux yeux des investisseurs et des acquéreurs potentiels, tout comme à ceux des gros acteurs de l'industrie", dit Marc Tremblay, vice-président au développement de cette PME fondée en 2007.

En quatre ans, les capitaux risqueurs, dont BlackBerry Partners Fund (RIM, Banque Royale, Thompson Reuters), ont injecté 20 millions de dollars (M$) dans Neuralitic.

Mais à ce jour, aucun des brevets de l'entreprise n'a été accordé ; 26 sont en attente d'approbation, dont un qui pourrait être approuvé aux États-Unis d'ici la fin de l'année.

2 Valoriser ses innovations

VoiceAge a recours aux brevets pour tirer profit de ses inventions. Elle ne fabrique aucun produit. Mais elle a mis au point un système de compression de la voix utilisé dans 95 % des téléphones cellulaires du monde !

"Nous vendons des licences aux fabricants de téléphones cellulaires", explique Sylvain Desjardins. VoiceAge possède 500 brevets couvrant 43 innovations.

Et tous ces brevets coûtent cher. Pour VoiceAge, déposer et maintenir un brevet dans 25 marchés clés pendant 20 ans coûte de 400 000 à 500 000 $. Mais comme sa technologie est un standard international, la vente de ces licences peut lui rapporter gros. VoiceAge perçoit des redevances fixes sur la vente des produits utilisant ses technologies.

3 Arbitrer entre le brevet et le secret industriel

Comme déposer un brevet implique de publier des informations clés, des entreprises lui préfèrent parfois le secret industriel.

C'est le cas de Premier Tech, de Rivière-du-Loup, spécialisée en horticulture, en technologies environnementales et en équipements industriels d'emballage.

La société a découvert un procédé complexe pour produire en usine des champignons mycorhiziens. Ces micro-organismes, présents naturellement dans le sol, stimulent la croissance des plantes. Ils permettent d'accroître la productivité des plantes sur des sols appauvris. "Si nous avions breveté ce procédé, nous aurions dû donner la recette", dit Jean Bélanger, président et chef d'exploitation de Premier Tech.

Ne pas breveter est un pari risqué. Une autre entreprise pourrait découvrir le même procédé et faire, elle, une demande de brevet.

Premier Tech décide au cas par cas de la meilleure protection pour ses innovations. Elle possède plus de 200 brevets, dont un sur un appareil qui permet de confirmer si de champignons mycorhiziens sont présents ou non dans un sol.

4 Prendre les moyens de se défendre

Attention : breveter une invention ne suffit pas à la protéger, insiste Sylvain Desjardins. "La force d'un brevet réside dans la capacité d'une entreprise de le défendre et de le faire appliquer."

Patrick St-Yves, directeur des services juridiques chez Miranda Technologies, un fabricant de matériel et de logiciels pour les télédiffuseurs, estime que les entreprises doivent avoir une "solidité financière", surtout aux États-Unis. "Les coûts des litiges y sont très élevés", souligne-t-il.

Miranda en sait quelque chose. Comme d'autres entreprises de son secteur, elle a déjà été poursuivie aux États-Unis par des patent trolls (chasseurs de brevets), comme Acacia Research Corporation.

Ces sociétés détiennent des brevets de technologie qu'elles n'exploitent pas ou qu'elles n'ont pas l'intention de développer, mais qu'elles défendent devant les tribunaux en vue d'en tirer des compensations.

Miranda a finalement conclu une entente à l'amiable pour environ deux millions de dollars.

Les litiges sont aussi très longs à régler. En juin, Nokia a gagné contre Apple concernant une dispute de brevet datant de 2007, année du lancement de l'iPhone.

Nokia avait déposé 46 plaintes contre Apple, l'accusant de violer ses brevets, et cette dernière a contre-attaqué en poursuivant la société finlandaise à son tour. Selon l'entente, Apple versera des redevances à Nokia afin de pouvoir utiliser plusieurs de ses technologies brevetées.

Faute d'avoir mis la main sur les brevets de Nortel, Google pourrait, elle aussi, payer un jour des redevances à ses rivaux.

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