Jusqu'où fallait-il aller pour vendre Bixi?

Publié le 23/05/2009 à 00:00

Jusqu'où fallait-il aller pour vendre Bixi?

Publié le 23/05/2009 à 00:00

C'est dans la controverse qu'est arrivé la semaine dernière à Montréal le vélo libre-service Bixi, et pas seulement en raison des ratés d'utilisation de son système électronique de paiement : la stratégie marketing imaginée par Morrow Communications pour son client, Stationnement de Montréal, suscite bien des interrogations.

Afin de promouvoir l'utilisation du nouveau moyen de transport, la firme d'André Morrow a en effet créé un blogue utilisant trois personnages fictifs qui se faisaient passer pour des " vrais " passionnés de vélos. Ces personnages interragissaient comme tels avec de vrais internautes, dont plus d'un millier " d'amis " sur Facebook.

Il s'agit d'une pratique connue: l'astroturfing ou astroturf marketing, en référence au gazon artificiel et aux authentiques mouvements citoyens issus du terrain (grassroot).

" L'affaire Bixi " se retrouve déjà sur Wikipedia dans sa définition de l'astroturfing, dernière entrée d'une série de cas similaires recensés dans le monde, dont un à la fin de 2008 à Osaka, au Japon : McDonald's avait embauché des gens pour faire la queue dans un de ses restos afin de créer un buzz autour d'un tout nouveau burger.

Cette pratique est illégale en Grande-Bretagne et elle est prohibée aux États-Unis, tant par le code d'éthique de la Public Relations Society of America, qui regroupe les professionnels oeuvrant dans les relations publiques, que par celui de la Womma, la Word of Mouth Marketing Association, spécialisée dans le marketing viral.

Elle n'est pas illégale au sens juridique du terme, mais les firmes pincées à pratiquer l'astroturfing sont exclues de ces associations, précise Rohit Bhargava, vice-président principal en strategie et marketing numérique chez Ogilvy, une firme de publicité et de marketing basée à Washington. Car au centre de cette pratique, poursuit-il, il y a de l'usurpation : " quand une agence de pub invente des personnages et les fait interagir avec de vraies personnes sans jamais indiquer qu'il s'agit d'une campagne de marketing et sans jamais identifier la marque dont on fait la promotion, bien sûr on trompe les gens, dit-il. On peut dire que c'est une mauvaise pratique. "

Une ligne qui peut être aisément franchie

L'astroturfing suscite de vives discussions dans les milieux du marketing aux États-Unis. La croissance exponentielle du Web 2.0 et la facilité avec laquelle de telles campagnes peuvent voir le jour vont-elles accroître cette pratique ?

Rohit Bhargava, qui est aussi blogueur et auteur de Personality Not Included, un guide sur l'utilisation de la personnalité dans le marketing, en doute. " Oui, il est vrai que les occasions sont là et que la ligne peut être franchie aisément. Mais lorsqu'une telle campagne est révélée au grand jour, l'impact est tellement négatif que je crois que les marques hésiteront à s'embarquer là-dedans, tout simplement par peur que ça se retourne contre eux. Ça peut vraiment leur nuire."

Certains estiment que faire la promotion du vélo en trompant les consommateurs, ça se pardonne car il ne s'agit tout de même pas de vendre des cigarettes à des écoliers ou de faire la promotion des jeux de hasard dans les garderies. Cela fait bondir Rohit Bhargava. " Le fait que ce soit une bonne cause ne peut en rien justifier l'utilisation de l'astroturfing. "

Une réflexion qui mènera à des recommandations

L'Association des agences de publicité du Québec (AAPQ) amorce une réflexion sur l'astroturfing, une pratique relativement nouvelle, dit son pdg, Yanik Deschênes.

L'arrivée du Web 2.0 a changé le modèle marketing. " Nous sommes passés d'un monologue à une conversation. Il y a une réflexion à mener. Elle conduira à des recommandations. "

Une table ronde est prévue le 27 mai entre des membres de l'industrie, à l'instigation de l'Université du Québec à Montréal.

martine.turenne@transcontinental.ca

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