Ils réinventent la vente en ligne

Publié le 25/02/2012 à 00:00

Ils réinventent la vente en ligne

Publié le 25/02/2012 à 00:00

Par Marie-Eve Fournier

Pour la grande majorité des détaillants, vendre en ligne se limite à créer un catalogue virtuel qui donne la possibilité aux internautes d'acquérir en quelques clics ce qu'ils convoitent. Pour d'autres, le Web est un outil qui permet de réinventer le processus de vente au détail. Voici les stratégies de quatre entrepreneurs américains qui font les choses autrement.

La vente sans risque

quirky.com

Normalement, les détaillants espèrent que les biens sur leur site Internet deviennent populaires et se vendent comme des petits pains chauds. Sur quirky.com, le processus se fait... à l'envers.

La jeune entreprise new-yorkaise demande aux internautes de se faire inventeur et de lui proposer de nouveaux produits. Deux ans après sa fondation, elle reçoit déjà 2 000 idées par semaine. Les suggestions sont évaluées par d'autres internautes qui peuvent aussi soumettre leurs commentaires pour en améliorer le design, le nom, le choix de matériaux, les fonctions, etc.

«Cessez de dire aux gens ce qu'il y a de nouveau sur le marché. Demandez-leur plutôt de vous dire ce qui s'en vient !» suggère le jeune entrepreneur Ben Kaufman, connu pour avoir inventé des accessoires pour l'iPod avec l'aide de la communauté Mac. Il avait alors 20 ans.

Chaque vendredi, les dirigeants de Quirky sélectionnent les inventions ayant le meilleur potentiel et les mettent en prévente. Quand un nombre suffisant trouve preneur, la production peut commencer. «Nous avons éliminé du processus la notion de risque», explique Ben Kaufman qui, à 23 ans, en est à sa troisième entreprise. Chaque semaine, deux nouveautés sont mises en vente sur le site. On y trouve actuellement un support à brosse à dents, une râpe à fromage, une lampe pour clavier, un tire-bouchon qui peut faire office de bec verseur... Les gadgets sont aussi vendus dans divers magasins.

Pour encourager les internautes à s'exprimer, tous ceux qui ont participé à la création d'un produit reçoivent une partie des profits en fonction de l'importance de leur contribution. Pour une barre d'alimentation électrique flexible qui connaît un succès monstre (3 000 ventes par jour), 709 personnes reçoivent un pourcentage des gains. L'inventeur a gagné 100 000 $ en six mois et devrait empocher au moins 500 000 $ cette année, prédit Ben Kaufman, fier d'avoir inventé le «processus de création le plus collaboratif du monde».

709

Nombre de personnes qui reçoivent un pourcentage sur les ventes de la barre d'alimentation électrique de Quirky.com

Entreprendre la conversation

localresponse.com

«Il n'y a rien de plus puissant que de joindre un consommateur au point de décision, quand vous savez exactement où il est ou ce qu'il veut.» Cette prémisse est l'assise de l'entreprise LocalResponse, qui aide les détaillants à communiquer des messages très ciblés en utilisant le pouvoir des médias sociaux.

Comment ? En fouinant sur Facebook, Twitter et Foursquare, la plateforme informatique de LocalResponse repère pour ses clients - des détaillants, pour la plupart - des consommateurs qui indiquent où ils se trouvent et envoie à ces derniers un message en conséquence.

Par exemple, pendant la saison de la grippe, LocalResponse a aidé les pharmacies Walgreen à transmettre un «dépliant» faisant la promotion du vaccin contre ce virus aux personnes qui mentionnaient sur les médias sociaux leur présence dans ce commerce. Cela permettait aux intéressés d'acheter illico la dose ou de se renseigner auprès du pharmacien. Tout près de 70 % des messages ont été lus. Seulement 0,2 % des personnes ont indiqué ne pas vouloir recevoir d'autres communications du genre, a mentionné avec fierté le coprésident et fondateur Nihal Mehta, qui compte parmi ses clients des multinationales comme GM, Pepsi, Kraft, McDonald's, H&M et FedEx.

Une stratégie similaire chez le détaillant de vêtements Nordstrom a été encore plus efficace, puisque le message a été lu par 200 % des gens. Comment est-ce possible ? «Les consommateurs étaient tellement impressionnés de constater que le magasin les avait écoutés qu'ils ont transmis le message à leurs amis», explique l'entrepreneur.

Quelqu'un tweete qu'il est affamé ? Il pourrait fort bien recevoir une offre d'un restaurant dans les minutes qui suivent. La plateforme LocalResponse pourrait aussi servir contre un concurrent, par exemple, en transmettant un message aux personnes qui sont à La Baie pour leur offrir 20 % de rabais chez Simons. Les possibilités sont infinies.

Selon Nihal Mehta, l'activité effarante sur Facebook et Twitter, de même que le haut taux de pénétration des téléphones intelligents sont en train de transformer le commerce de détail. «La confluence de ces deux phénomènes permet aux gens de dire «hey, je suis dans ton magasin !»» indique-t-il.

Et force est de constater qu'ils le font : chaque mois, un million de messages du genre sont diffusés sur Twitter, Facebook et Foursquare «par pur narcissisme» ; l'an dernier, 744 600 personnes au Canada et aux Etats-Unis ont mentionné qu'elles étaient chez Best Buy ; 77% des gens utilisent leur téléphone en magasinant, a énuméré l'homme d'affaires.

Si les consommateurs prennent la peine d'informer la planète entière du lieu où ils se trouvent, c'est parce qu'ils veulent que leur message soit remarqué et qu'ils espèrent provoquer une réaction, croit Nihal Mehta. Voilà pourquoi les détaillants devraient, à son avis, profiter de la situation pour passer leurs messages publicitaires.

744 600

Nombre de personnes qui, l'an dernier, ont mentionné qu'elles étaient chez Best Buy, au Canada ou aux États-Unis. Ces consommateurs sont au coeur de la stratégie de LocalResponse.com

Le magasinage social

opensky.com

Et si vos clients obtenaient l'aide de la reine incontestée du foyer, la célèbre Martha Stewart, pour acheter des couteaux, du café ou des tasses ? Ou l'aide du mannequin Molly Sims pour choisir des vêtements ? C'est exactement ce que propose l'entreprise OpenSky.

Le site, créé l'an dernier, vend une foule de trucs : des livres aux vêtements, en passant par les meubles, les jouets et les produits de beauté. On y trouve cinq catégories de biens : alimentation, mode de vie sain, style, enfants et design.

Ce qui le rend si différent, c'est que ce sont des célébrités comme Alicia Silverston et Julianne Moore et d'autres experts dans leur domaine, qui proposent des achats en fonction de leurs intérêts. Les internautes sont donc invités à choisir parmi une longue liste de personnalités celles qui deviendront leurs «assistantes personnelles» de magasinage. Pour obtenir les conseils des chefs, designers et autres personnes d'influence, il faut se «connecter», ce qui amplifie l'impression de relation interpersonnelle.

«C'est le début du magasinage social», prédit le président fondateur de l'entreprise, John Caplan. À l'heure actuelle, il y a tellement de choix que les gens hésitent à faire des achats, car ils sont intimidés, voire tétanisés par la complexité de l'offre qui leur est proposée. Ce n'est pas pour rien que 70 % des femmes américaines demandent de l'assistance à des proches avant d'acheter quelque chose sur le Web, fait-il valoir.

Il suggère donc aux commerçants d'aider les consommateurs confus devant une offre toujours plus large en créant des «boutiques» - des minisites, en quelque sorte - s'adressant à ceux qui partagent des intérêts communs.

De plus, John Caplan rappelle qu'on achète par nécessité, mais aussi par pur plaisir, ce que les détaillants sont nombreux à oublier. À son avis, plusieurs d'entre eux devraient donc cesser de chercher des façons d'améliorer leur chaîne d'approvisionnement dans le but de vendre moins cher. «Ça va pour des biens utilitaires. Mais pas pour des achats émotifs. Les gens ont besoin de se sentir inspirés, d'avoir du plaisir. Ils veulent de la sérendipité», croit l'homme d'affaires. Son site comptait un million de membres après huit mois (65 % de gens ayant fait plus d'un achat ; croissance mensuelle du chiffre d'affaires de 50 %).

150 000

Nombre de transactions réalisées sur OpenSky.com, huit mois après sa création

À vendre : «expériences Cendrillon»

renttherunway.com

Rent the Runway ne vend rien. Sinon du rêve ou des «expériences Cendrillon», pour reprendre l'expression de sa cofondatrice et présidente, Jennifer Hyman. Le site permet aux Américaines de louer une robe Moschino, Sonia Rykiel ou Vera Wang valant 2 000 $ pour 400 $ ou moins. Et pour les simples rendez-vous romantiques, des robes cocktail sont offertes à 50 $. Dans un pays où les consommateurs sont très endettés, son idée a séduit.

Le très haut taux de retour des robes chics dans les magasins était la preuve que son concept allait fonctionner, raconte la jolie brune qui a fait ses classes à la Harvard Business School.

L'entrepreneure affirme aussi devoir une partie du succès de son entreprise à Facebook, un site qui «tue les tenues vestimentaires». «Avant, vous pouviez porter la même robe avec différents groupes d'amis ou d'autres membres de votre famille. Mais aujourd'hui, tout le monde vous voit sur Facebook. Vous ne pouvez porter vos robes qu'une seule fois !» Cela rend l'achat d'une tenue qui coûte deux fois votre salaire hebdomadaire encore plus ridicule qu'avant...

Pour rassurer celles qui craignent les mauvaises surprises à la veille d'un important événement, une deuxième taille est expédiée gratuitement et, si rien ne fait, la commande est créditée. De plus, il est possible en tout temps de discuter avec une styliste et les robes (et leurs accessoires) sont livrées en moins de 24 heures aux États-Unis. «Le prix ne fait même pas partie des 10 premières raisons pour lesquelles les femmes aiment Rent the Runway. Elles apprécient la relation que nous construisons avec elles», indique la dirigeante.

Même si tout se passe sur le Web, Rent the Runway dit miser sur la qualité de l'expérience. Et cela se voit dans le moindre détail. Par exemple, quand on demande des commentaires aux clientes, la question est «quel est le plus beau compliment que vous ayez reçu ?».

«Nous livrons davantage de la confiance en soi que de robes», lance Jennifer Hyman.

Aux designers qui pourraient y voir de la concurrence déloyale, la femme d'affaires répond que son entreprise permet aux femmes de découvrir de nouvelles marques et de créer des souvenirs précieux et agréables avec elles, ce qui ne peut pas leur nuire.

31 M $

Montant recueilli auprès de sociétés de capital de risque, dont Highland Capital + Bain Capital (16 M $) et Kleiner Perkins Caufield + Byers KPCB (15 M$)

«Vous devez vous demander comment l'application de votre entreprise peut rendre intéressantes les 10 minutes d'attente des gens chez Starbucks. Captez l'intérêt aussi vite que possible, car si quelqu'un n'a que deux minutes à vous consacrer, il cliquera ailleurs.» - Doug Mack, président de One Kings Lane (onekingslane.com), détaillant d'articles pour la maison qui fonctionne comme BeyondTheRack (ventes ponctuelles et en quantité très limitée) et dont le pourcentage de ventes sur téléphone intelligent est dans les deux chiffres.

Ces cinq dirigeants d'entreprises ont parlé de leur stratégie d'affaires et raconté leur histoire pendant le congrès annuel de la National Retail Federation (NRF), tenu en janvier à New York. Les Affaires y était. Vous pouvez lire la version complète de notre reportage à l'adresse sur http://bit.ly/Aklct6.

marie-eve.fournier@tc.tc

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