«Il faut relever le niveau d'ambition» - Dominique Anglade, pdg de Montréal International

Publié le 16/11/2013 à 00:00, mis à jour le 14/11/2013 à 15:32

«Il faut relever le niveau d'ambition» - Dominique Anglade, pdg de Montréal International

Publié le 16/11/2013 à 00:00, mis à jour le 14/11/2013 à 15:32

La poignée de main est ferme, le regard perçant, allumé. Dominique Anglade dégage beaucoup d'assurance lorsqu'elle nous accueille à son bureau du centre-ville, trois jours à peine après avoir pris la barre de Montréal International. Un nouveau départ pour l'agence de promotion des investissements étrangers de la métropole, dont le mantra sera à l'image de sa nouvelle patronne : l'ambition et le dépassement de soi.

«Il faut relever le niveau d'ambition. Montréal International attire en moyenne plus ou moins 600 millions de dollars d'investissements étrangers par année. C'est bien, mais je pense que le potentiel est plus élevé. Est-ce un, deux milliards ? Je ne sais pas, mais je suis convaincu que ce potentiel est supérieur à 600 M$», dit la jeune femme de 39 ans, mère de trois enfants, qui était jusqu'à tout récemment présidente de la Coalition avenir Québec.

Montréal International joue un rôle crucial pour la métropole et le Québec. Elle a le mandat de faire la promotion de la métropole dans le monde et d'attirer des entreprises étrangères. Des multinationales qui ont une influence majeure sur l'économie, insiste Dominique Anglade. «Elles représentent 1 % des entreprises de la région de Montréal, mais elles contribuent à 20 % de son PIB», dit la pdg de Montréal International.

Ces investisseurs sans frontières s'implantent dans une ville ou un pays parce qu'ils recherchent une main-d'oeuvre qualifiée, des ressources naturelles, des coûts d'exploitation concurrentiels et un accès à un nouveau marché. La concurrence est sans merci pour capter leur attention. Tout un défi, alors que 4 000 agences comme Montréal International - des associations de promotion des investissements - sillonnent la planète pour les séduire.

Le défi est à la hauteur des ambitions de Dominique Anglade, qui s'estime privilégiée de diriger une organisation efficace et réputée. «Montréal International est numéro un en Amérique pour attirer des investissements étrangers», dit-elle, faisant référence au classement American Cities of the Future 2013-2014 du fDi Magazine (Financial Times). Le Grand Montréal rafle l'or sur 126 villes dans les Amériques pour la meilleure stratégie d'attraction des investissements.

Le poste qui combine ses deux passions

Cette ingénieure industrielle de formation, détentrice d'un MBA, confie d'ailleurs réaliser un rêve en prenant les rênes de Montréal International, car ses deux grandes passions, la gestion et l'implication dans sa société, sont enfin réunies, raconte celle qui prend la relève de Jacques St-Laurent. «Pendant des années, j'ai réalisé ces deux choses en parallèle, sur deux voies différentes. Or, pour la première fois, ces deux voies se croisent.»

Ce poste semble être taillé sur mesure pour cette jeune femme ambitieuse, une surdouée reconnue dans le milieu des affaires pour son dynamisme, son expérience et ses réalisations. Sa fougue et son désir de dépassement de soi qui trouvent leurs origines dans le milieu familial stimulant et engagé dans lequel elle a grandi, selon sa grande amie Maud Cohen, administratrice de sociétés et présidente de la commission politique de la CAQ. «Ses parents étaient très cultivés», dit-elle.

Dominique Anglade est née à Montréal en 1974 de parents d'origine haïtienne. Géographe, homme politique et écrivain, son père Georges Anglade fut l'un des fondateurs de l'UQAM. Sa mère, Mireille Neptune, était diplomate, auteure et professeure de français. Ils sont morts tragiquement tous les deux lors du tremblement de terre qui a dévasté Port-au-Prince, le 12 janvier 2010.

«La grande leçon de vie qu'ils m'ont transmise, ainsi qu'à ma soeur [Pascale, médecin au Nigeria], est ce besoin de redonner et de contribuer à la société, confie Dominique Anglade. Et, d'une manière plus personnelle, ils m'ont appris l'importance de donner deux choses aux enfants : la confiance en eux, avec l'amour, et la discipline, dans une optique où on doit être le meilleur public et le plus sévère critique de nos enfants.»

Deux valeurs que la jeune femme d'affaires a bien intégrées si l'on se fie à son parcours.

Des postes importants et prestigieux

Après ses études, elle amorce sa carrière chez Procter & Gamble. En 1998, à l'âge de 24 ans, elle y dirige un service d'une centaine d'employés. En 2000, elle se joint à Nortel Networks, où elle se spécialise dans la gestion de la chaîne d'approvisionnement, sans parler des affaires externes et gouvernementales. De 2005 à 2012, elle travaille chez McKinsey & Company et y développe des compétences dans la transformation des organisations.

Dominique Anglade a aussi reçu plus de 25 honneurs et récompenses, dont la bourse émérite Desjardins (2004) de l'Association des MBA du Québec, qui soulignait ses résultats scolaires exceptionnels et son leadership.

Dans un numéro d'octobre 2003 de Les Affaires consacré à 75 leaders de demain, Michèle Thibodeau-DeGuire, alors directrice générale de Centraide du Grand Montréal, l'avait caractérisée comme l'une de ces leaders.

«D'où vient toute son énergie ? Elle a un petit moteur en elle», dit aujourd'hui en riant Mme Thibodeau-DeGuire, présidente du conseil d'administration de la Corporation de l'École Polytechnique de Montréal, où Dominique Anglade a étudié.

Pour sa part, Charles Sirois, fondateur de Telesystem, croit qu'elle a tout simplement à coeur la réussite du Québec. «Elle veut changer les choses, et elle est convaincue qu'elle en est capable.»

La principale intéressée affirme que la création et la redistribution de la richesse sont ses principales motivations. Elle déplore d'ailleurs un certain discours anticréation de richesse au Québec. «Il faut bien n'avoir jamais vécu dans un pays pauvre pour penser que la création de la richesse est un problème !» lance Dominique Anglade.

Et elle invite ceux qui affirment que la création de richesse ne fonctionne pas à regarder de plus près les statistiques. «Nous sommes sept milliards d'individus sur la Terre. Il y a 15 ans, deux milliards de personnes vivaient avec moins d'un dollar par jour. Aujourd'hui, c'est un milliard, car il y a eu de la création de richesse et des politiques de redistribution de la richesse. C'est ça qui m'anime, de manière générale, le matin en me levant.»

La stratégie de Montréal International

La création de richesse passe notamment par l'attraction de nouveaux investissements étrangers. C'est pourquoi Dominique Anglade partira bientôt en voyage, avec un premier arrêt en Californie et un second en Chine.

L'an dernier, 93 % des investissements étrangers réalisés à Montréal l'ont été de la part d'entreprises européennes et américaines. Pas question donc de négliger ces marchés matures, d'autant plus que le Canada vient de conclure un accord de libre-échange avec l'Union européenne, précise Dominique Anglade. Mais, selon elle, la croissance des investissements étrangers à Montréal passe aussi par les économies émergentes.

«L'Asie sera importante pour nous, tout comme l'Amérique latine et le Brésil. Il va falloir qu'on se tourne vers les pays émergents, tout en sachant que ces marchés ne donneront pas de résultats à court terme. Mais à long terme, il est possible que nous ayons les mêmes résultats qu'en Europe et aux États-Unis, parce nous aurons travaillé la terre, si je puis dire», explique la nouvelle dirigeante.

Dans ces marchés, l'organisation concentrera ses efforts sur cinq pays : la Chine, la Corée du Sud (un pays développé, avec lequel le Canada négocie un accord de libre-échange), les Émirats arabes unis, le Qatar et le Brésil.

Élie Farah, vice-président investissement Grand Montréal chez Montréal International, affirme que la volonté de diversifier les marchés de l'organisation est le fruit d'une longue réflexion.

«Depuis quelques années, les investissements américains dans la région de Montréal sont en déclin. La hausse des investissements européens a toutefois plus que compensé les pertes en provenance des États-Unis. Par contre, la situation aurait été difficile si les investissements avaient chuté dans ces deux régions en même temps», explique-t-il.

Sans faire en sorte que ce mandat relève de Montréal International, Dominique Anglade souhaite que la métropole se dote d'un branding fort, semblable à celui de San Francisco avec la Silicon Valley. Elle rêve aussi que Montréal soit une ville plus ambitieuse, qui réalise de grandes choses et qui serait reconnue dans le monde entier.

«J'aimerais que les gens disent : "c'est une ville ambitieuse, regardez ce qu'elle est devenue ; elle a eu un degré d'ambition, et elle est devenue incontournable"», dit Dominique Anglade, qui a bien hâte de parcourir le monde pour vanter les atouts de Montréal. Elle jouera un rôle d'ambassadrice. Un rôle qui sied parfaitement à la jeune femme capable de s'exprimer en cinq langues : le français, le créole, l'anglais, l'espagnol et l'allemand.

françois.normand@tc.tc

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