Il faut enseigner le modèle coopératif

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Il faut enseigner le modèle coopératif

Publié le 23/02/2013 à 00:00

Monique F. Leroux : «Devrait-on inclure dans le cursus des écoles de gestion des cours sur la gestion et le développement des coopératives ?»

Les entreprises coopératives façonnent l'économie du Québec depuis plus d'un siècle. Certaines d'entre elles sont même devenues des entreprises d'envergure qui rayonnent à l'extérieur du Québec. Pourtant, peu d'étudiants en administration connaissent les rouages du modèle coopératif.

«C'est inconcevable, surtout au Québec, de constater qu'un modèle d'entreprise qui a fait ses preuves à l'échelle de la planète soit si peu pris en compte par les facultés d'administration», déplore Michel Lafleur, directeur de l'Institut de recherche et d'éducation pour les coopératives et les mutuelles de l'Université de Sherbrooke (IRECUS).

Luc Audebrand, professeur à la Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval, croit aussi qu'il est important d'enseigner le modèle coopératif à l'université pour montrer aux futurs gestionnaires et entrepreneurs qu'il existe une autre avenue que l'entrepreneuriat traditionnel.

«Les étudiants terminent leur baccalauréat en administration sans pouvoir distinguer les divers types de coopératives entre eux», dit M. Audebrand, titulaire de la Chaire de leadership en enseignement en création et gestion de coopératives et d'entreprises collectives.

Lancée l'été dernier, cette chaire vise justement à sensibiliser un plus grand nombre d'étudiants aux principes coopératifs, mais aussi à les initier aux moyens de créer, développer et gérer des coopératives.

«C'est un modèle qui est encore très méconnu des étudiants», constate Marie Bouchard, professeure au Département d'organisation et ressources humaines de l'ESG UQAM.

Une situation qui n'est pas étrangère au contenu même des cours. «Les études de cas portent sur des multinationales. On préfère enseigner et valoriser des cas d'entrepreneurs solitaires qui ont réussi à créer des Google et Facebook, en ignorant un grand pan de l'économie qui répond aux besoins des communautés», dit M. Audebrand.

Mais encore faut-il que les professeurs puissent compter sur du matériel pédagogique en gestion des coopératives qui, pour l'instant, semble faire défaut. «Pour développer des cours sur les coopératives dans différentes matières, comme le marketing, la finance et la gestion, les contenus devront s'appuyer sur des résultats de recherche. Or, la recherche sur la gestion des coopératives est absente», note M. Lafleur.

La nouvelle chaire de recherche de l'Université Laval s'affaire justement à documenter des cas d'entreprises coopératives. «Une coopérative ne se gère pas comme une entreprise à capital- actions. Elle a sa propre philosophie, son propre ensemble de règles et sa gouvernance particulière. Il est important de présenter ces distinctions aux étudiants», dit Colette Lebel, directrice des affaires coopératives à La Coop fédérée.

Un modèle viable

Les entreprises coopératives ont pourtant fait leur preuve. «C'est un modèle viable. Et pour l'aider à grandir, il doit avoir sa place non seulement à l'université, mais aussi au cégep et même au secondaire», dit Gaston Bédard, directeur général par intérim du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité.

D'autant qu'elles ont démontré leur capacité à mieux traverser les crises que la plupart des autres organisations.

Elles «ont mieux résisté que l'ensemble des entreprises de type traditionnel lorsque l'économie mondiale a fléchi en 2008 et 2009», confirme une étude de Desjardins réalisée en 2011.

Cette robustesse se traduit aussi par une plus grande pérennité. Au Québec, le taux de survie des entreprises coopératives est de 62 % après 5 ans et de 35 % après 10 ans, par rapport à 44,3 % et 19,5 % respectivement pour les entreprises québécoises privées, selon une étude publiée en 2008 par le MDEIE.

Le secteur regroupe environ 3 500 entreprises coopératives et mutuelles qui emploient plus de 90 000 personnes. Les quelque 2 800 coopératives non financières ont enregistré de 1999 à 2009 une croissance du nombre d'emplois de 37,3 %, passant de 32 200 à 44 198, comparativement à un bond de 15,7 % en moyenne au Québec.

Longtemps associé aux secteurs financier, agricole et forestier, le secteur coopératif est aujourd'hui présent dans de nouvelles sphères d'activité comme la culture, les nouvelles technologies et l'environnement.

«Dans la conjoncture actuelle, et compte tenu du succès des entreprises coopératives, il est décevant de constater qu'on n'accorde pas plus d'importance au modèle coopératif», dit Mme Bouchard, aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie sociale.

Un meilleur écho du milieu scolaire

Tous constatent que l'enseignement du modèle coopératif se résume actuellement à très peu. Mais «il y a un meilleur écho des milieux scolaires, surtout depuis la tenue du Sommet des coopératives», note M. Bédard.

Le baccalauréat en administration de l'ESG UQAM comprend deux cours. L'un d'eux, «Simulation d'une gestion coopérative», permet aux étudiants d'expérimenter la formule de la coopérative de travail comme modèle d'entreprise économique. L'ESG offre aussi un programme court de deuxième cycle en gestion des entreprises sociales et collectives.

À l'Université de Sherbrooke, les étudiants au baccalauréat en administration des affaires, concentration en management, ont accès au cours (optionnel) «Gestion différenciée des coopératives».

On y offre aussi une maîtrise en gestion et gouvernance des coopératives et des mutuelles. «Ce n'est pas toujours facile de recruter et d'intéresser des étudiants», indique M. Lafleur.

Ce programme compte de 10 à 20 étudiants, selon les années. Seulement une poignée (10 à 15 %) est issue des programmes en administration. La plupart sont des étudiants ayant une formation autre, notamment en service social, agronomie ou foresterie.

SON COMMENTAIRE

La prise de conscience que suscite cet article est le premier ingrédient d'un mouvement qui devrait favoriser l'émergence des dimensions coopératives dans les programmes de collèges et d'universités, à tous les niveaux. Un parcours en administration des affaires, par exemple, devrait comporter au moins un volet portant sur le modèle coopératif et les occasions qu'il offre en matière d'entrepreneuriat collectif. Pourquoi ne pas en faire la promotion dans d'autres facultés comme l'une des solutions à des enjeux économiques et sociaux ? Je pense aux secteurs de la santé, du génie ou de l'agronomie...Les études de cas sur les entreprises coopératives doivent aussi faire partie du cursus universitaire. L'Université Harvard, par exemple, développe une étude sur la transformation de Desjardins, en 2009. Il n'y a pas que les grandes entreprises capitalistes qui se développent, qui créent des emplois ou qui passionnent.

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