Huawei : décriée aux États-Unis, omniprésente au Canada

Publié le 15/12/2012 à 00:00

Huawei : décriée aux États-Unis, omniprésente au Canada

Publié le 15/12/2012 à 00:00

L'achat de Nexen par la société d'État chinoise CNOOC étant finalement autorisé, le prochain volet du feuilleton politico-économique entre la Chine et le Canada pourrait concerner Huawei. Les équipements de télécommunications de cette firme chinoise, considérés comme des «risques pour la sécurité nationale» aux États-Unis, sont omniprésents au Canada.

Huawei se décrit comme étant la plus grande entreprise privée chinoise, avec environ 150 000 employés. Ce sont ces employés qui en seraient propriétaires, d'après une formule proche de la coopérative, mais actuellement réservée aux employés basés en Chine.

Le gouvernement américain n'est pas aussi certain du caractère privé et indépendant de Huawei. Au terme d'une enquête de 11 mois, le comité sur le renseignement de la Chambre des représentants a donc recommandé aux agences gouvernementales de ne faire affaire ni avec Huawei, ni avec des fournisseurs qui utilisent ses produits. On conseille également de bloquer toute tentative d'acquisition de l'entreprise en territoire américain.

La crainte est triple. Selon le comité, s'ils tombaient sous le contrôle du gouvernement chinois, les équipements de Huawei pourraient être utilisés pour désactiver les réseaux de télécommunications américains en cas de conflit, gagner accès à des travaux de recherche d'entreprises américaines ou espionner les communications.

L'ensemble du rapport s'applique aussi à ZTE, une autre entreprise chinoise du même secteur, mais de moindre importance.

Ce rapport ne s'est pas encore matérialisé par des mesures législatives. Au moins un opérateur d'importance, Clearwire, a depuis pris la décision de se procurer du matériel de Huawei pour une mise à jour de son réseau l'an prochain. L'un des locateurs du réseau de Clearwire, Sprint, vend des services au gouvernement américain.

Au Canada, les choses n'ont pas changé, estime Scott Bradley, vice-président aux affaires gouvernementales pour Huawei Canada.

«Le sujet n'est pas nouveau pour nous, confie-t-il à Les Affaires. Ces arguments sont employés contre nous depuis longtemps déjà. Mais nous sommes présents dans 150 pays et dans les réseaux de 47 des 50 plus importantes entreprises de télécommunications du monde. Ces entreprises ont la sécurité à coeur.»

La visibilité obtenue par ce rapport force quand même Huawei Canada à redoubler d'efforts, admet M. Bradley. «Ça a porté davantage d'attention sur nous et ça nous force à élever notre jeu d'un cran pour inspirer confiance.»

Des réponses prudentes au Québec

Au Québec, Bell, Telus et, selon nos informations, Vidéotron figurent parmi les utilisateurs des produits de Huawei. Ailleurs au Canada, on les emploie aussi, notamment chez Sasktel et Wind Mobile.

Signe du problème de perception qui afflige Huawei, les opérateurs canadiens que nous avons contactés ont répondu avec prudence quand nous leur avons demandé s'ils étaient des clients de l'entreprise.

«La sécurité de nos réseaux est un enjeu de premier plan pour nous», a répondu Bell, par courriel. «Nous avons confiance en chacun de nos fournisseurs de réseaux - dont Huawei, Alcatel-Lucent, Cisco, Ericsson, Nokia Siemens et d'autres leaders mondiaux dans ce domaine - ainsi que dans les systèmes de sécurité et de contrôle que nous avons mis en place pour assurer la protection des données de nos clients.»

Chez Telus, on souligne que le réseau «est divisé en deux : un noyau, qui comprend les fonctions de sécurité et de contrôle, et un réseau de transport de données». Les équipements de Huawei ne sont présents que dans le deuxième élément, indique-t-on en affirmant que les risques sont ainsi limités.

On trouverait aussi des équipements de Huawei au sein du réseau de Vidéotron, ce que l'entreprise a refusé de confirmer. «Il n'est pas dans nos habitudes de donner des informations détaillées concernant notre réseau mobile, que ce soit à propos de nos fournisseurs, de nos partenaires ou de nos infrastructures», nous a-t-on répondu par courriel.

En 2008, au moment d'amorcer la construction de ce réseau, l'entreprise avait pourtant révélé dans son communiqué de presse qu'elle ferait principalement affaire avec Nokia Siemens.

Les meilleurs

Si tant de fournisseurs se précipitent sur les équipements de Huawei, malgré les risques apparents, ce n'est pas seulement en raison de leurs coûts. «C'est une entreprise capable de fournir des équipements haut de gamme, de qualité et très concurrentiels», note Zhan Su, titulaire de la chaire Stephen A. Jarislowksy en gestion des affaires internationales à l'Université Laval. «C'est étonnant, parce que les Chinois sont davantage connus pour leurs produits bas de gamme.»

Dans le secteur des équipements pour les réseaux sans fil en général, Huawei a devancé à peu près tous ses concurrents. La suédoise Ericsson est la dernière à lui résister.

Des clients canadiens

Bell

Telus

Wind Mobile

Sasktel

Vidéotron¹

¹ L'entreprise refuse de le confirmer.

Le géant Huawei¹

Revenus (2011) 203,9 milliards de yuans (32,4 G$ CA)

Profits (2011) 11,6 G de yuans (1,9 G$ CA)

Employés 150 000

Présence 150 pays, 47 des 50 plus grands opérateurs du monde

¹ Bien que son capital soit fermé, Huawei publie chaque année un rapport annuel.

«IL Y AURAIT DES CONSÉQUENCES»

Bien que la situation soit délicate, le Canada pourrait se permettre de mettre l'entreprise chinoise Huawei à la porte du pays, estiment deux experts en politique internationale.

«Tous les pays ont le droit de se défendre et, à la limite, d'invoquer un certain protectionnisme», fait valoir Zhan Su, titulaire de la chaire Stephen A. Jarislowksy en gestion des affaires internationales à l'Université Laval. «Mais c'est certain qu'il faudrait des arguments solides et qu'il y aurait des conséquences.»

Selon le professeur, évincer Huawei serait une décision plus logique que l'aurait été un refus de l'achat de la pétrolière canadienne Nexen par la société publique chinoise CNOOC, puisqu'il est question de sécurité nationale. Cette transaction a reçu l'aval du gouvernement canadien la semaine dernière, ce qui pourrait faciliter la tâche dans le cas de Huawei.

«Je ne dirais pas que c'est une monnaie d'échange, mais ça va sûrement atténuer la réaction possible du gouvernement chinois, même si les deux gouvernements ne feront jamais officiellement le lien», estime M. Su.

Patience, recommande un expert

Patrick Leblond, professeur à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa, prône la patience. «Le rapport du comité américain est sorti pendant la campagne électorale, ce qui nous incite à nous demander à quel point il était lié à celle-ci. Dans ce contexte où on a un rapport qui contient peut-être un élément politique et où il n'y a pas de preuve manifeste d'espionnage ou de vol, il serait très difficile de rejeter Huawei. D'autant plus qu'il n'y a encore aucune action claire du côté américain.»

Le Canada a déjà indiqué qu'il exclura vraisemblablement Huawei du nouveau réseau de télécommunications gouvernemental sécuritaire dont il planifie la construction. «L'exception au titre de la sécurité nationale permet au Canada d'exclure une mesure d'approvisionnement d'une ou de toutes les obligations des ententes commerciales concernées, lorsque le Canada juge cette mesure nécessaire pour protéger ses intérêts au titre de la sécurité nationale», a expliqué Sécurité publique Canada.

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