Frank & Oak, dans les coulisses de son succès

Publié le 27/04/2013 à 00:00

Frank & Oak, dans les coulisses de son succès

Publié le 27/04/2013 à 00:00

Par Olivier Schmouker

Frank & Oak conçoit et commercialise en ligne des vêtements pour hommes. Son succès est spectaculaire : un an après sa création, des magazines comme Time et Esquire estiment que la start-up montréalaise est l'une des plus avant-gardistes du moment. Visite guidée de ses coulisses avec son pdg, Ethan Song.

Quand il se présente, Ethan Song dit qu'il est le rédacteur en chef de Frank & Oak. Pourtant, la start-up n'a rien d'un éditeur de magazines : elle crée et vend en ligne des vêtements pour hommes. «Je suis le pdg, mais je me vois plutôt comme le responsable du contenu du produit et du service que l'on offre au consommateur. Je tiens à ce que celui-ci vive avec nous une véritable expérience, comme cela peut se produire à la lecture d'un magazine trippant», explique-t-il.

Cette anecdote est révélatrice de l'état d'esprit particulier qui règne chez Frank & Oak. Ici, on ne se contente pas de faire des affaires, on va plus loin, en donnant naissance à un tout nouveau style de vie au travail. Une visite dans ses locaux du Mile-End permet de s'en faire une petite idée...

À côté, le studio photo. Des réflecteurs argentés sont braqués sur un fond de papier blanc, où posent les modèles une fois les premiers vêtements fabriqués. Sont suspendus ici et là des chemises, des t-shirts et des bermudas aux teintes jaune, rouge et bleu royal. «C'est notre collection "Le Grand départ", inspirée du voyage, en particulier en Europe», dit-il.

Soudain, une salve d'applaudissements gagne l'ensemble du loft. Que se passe-t-il ? «On a pris l'habitude de célébrer chacun de nos succès, les petits comme les grands. Là, c'est peut-être l'arrivée d'une grosse commande, ou une mission remplie par une équipe, je ne sais pas. C'est notre manière de montrer spontanément notre plaisir à travailler ensemble», dit M. Song, tout sourire.

Dans un immense loft vitré oeuvrent en symbiose différentes cellules. Proche de l'entrée, il y a l'équipe de designers, qui met la dernière touche à la collection printemps 2013. Des codes de couleurs sont accrochés aux murs, des échantillons de tissus sont éparpillés sur la table centrale, des croquis sont peaufinés sur ordinateur. «Nous créons ici même toutes nos collections, ce qui offre l'avantage de ne dépendre de personne, contrairement à d'autres sites Web de vente de vêtements en ligne. De plus, ça nous permet de réagir très vite si l'on sent qu'un produit ne plaît pas autant qu'on l'avait espéré», explique M. Song.

Un management bicéphale

Si Ethan Song est le pdg de Frank & Oak, il n'en est pas pour autant le seul leader. La start-up montréalaise est en réalité dirigée par deux hommes évoluant sur un pied d'égalité : Ethan Song, 29 ans, et Hicham Ratnani, 28 ans, qui combinent les fonctions de chef des opérations et des finances.

«Nous sommes les cofondateurs de Frank & Oak, et surtout les meilleurs amis du monde. On se connaît depuis l'adolescence. À l'époque, on avait lancé ensemble notre première entreprise, qui faisait de la pub en ligne», raconte M. Song, sourire en coin.

Leurs chemins se sont ensuite séparés. Ethan Song est allé étudier l'ingénierie et les arts en France et en Colombie-Britannique, tandis qu'Hicham Ratnani est resté ici, pour étudier le génie électrique à l'Université McGill. Ils se sont retrouvés à la fin des années 2000 chez Deloitte, et ont décidé de créer leur propre boîte. En 2009, Modasuite a ainsi vu le jour, que les deux considèrent aujourd'hui comme le champ d'expérimentation leur ayant permis de trouver le modèle commercial de Frank & Oak.

«On nous a avertis 1 000 fois qu'il n'était pas bon de se lancer en affaires avec son meilleur ami. Mais nous considérons au contraire qu'on ne pourrait pas fonctionner autrement : nous sommes comme un couple, qui a entièrement confiance en l'autre et qui est toujours sur la même longueur d'onde. C'est un lien exceptionnel», dit M. Song.

Un exemple : nombre de personnes s'étonnent que les réunions se fassent avec l'un ou l'autre, rarement en présence des deux. «Je sais que ses décisions seront les bonnes. Et réciproquement», explique-t-il. Et d'ajouter : «Si un jour je lançais une autre entreprise, je le ferais avec Hicham et personne d'autre.»

Le coeur technologique

Puis se trouve le coeur de Frank & Oak : la cellule technologique. Cette dernière est grosso modo composée de quatre grandes tables - du mobilier de récupération, comme tout le mobilier de l'entreprise - correspondant à quatre missions distinctes :

1 Le contenu du site Web

Il s'agit essentiellement de mettre en ligne toutes les nouvelles informations sur les vêtements (textes, photos, etc.).

2 Le marketing de la marque

Frank & Oak est une marque, et il est vital qu'elle ait une belle image auprès des internautes. C'est ici qu'on s'en assure, notamment sur les médias sociaux (Facebook, Twitter, etc.).

3 La programmation

Le site Web et la présentation de son contenu sont sans cesse en évolution, afin de répondre toujours mieux aux besoins des consommateurs.

4 L'analyse de données

Comme toutes les transactions se font par le Web, Frank & Oak détient une base de données prodigieuse sur ses clients et veille à en tirer profit.

La grande force de Frank & Oak, c'est l'analyse de données. Ceux qui en sont responsables sont de petits prodiges de la génération Y, tout sourire dans leur barbe de trois jours, reliés en permanence à leur ordinateur par le fil de leur casque d'écoute. Ils ont le chic pour trouver l'aiguille dans le tas de foin, et surtout pour l'exploiter à toute vitesse.

«Il nous a déjà suffi d'un commentaire d'internaute sur l'un de nos produits pour comprendre qu'on pouvait l'améliorer. Nous avons alors fait des simulations avec nos données pour réaliser que ça pourrait effectivement booster ses ventes. Et nous avons procédé à un test sur une partie de nos clients, pour vérifier qu'on visait juste. Tout ça, en un rien de temps», illustre M. Song.

Un test sur une partie des clients ? Rien de plus facile pour Frank & Oak. «Tout le monde ne voit pas la même chose quand il se connecte à notre site Web. Pour une raison très simple : le climat n'est pas le même quand on vit au Texas ou au Québec, si bien que nous adaptons le contenu aux spécificités de chacun», explique-t-il.

La nouveauté ? L'application iPhone, qui suscite un engouement remarquable : «Ça fait à peine deux mois qu'on l'a lancée, et elle a d'ores et déjà été téléchargée plus de 20 000 fois», dit-il. Elle permet, de quelques coups de pouce, de voir et d'acheter les derniers vêtements concoctés par Frank & Oak.

Suite de la visite

La visite se poursuit par la cellule des expéditions, en fait quelques tables situées au milieu des rayons où reposent les vêtements sur le départ. Chaque commande est placée avec un soin particulier dans une boîte en carton aux couleurs de la marque : les vêtements - fabriqués en Asie, au Canada ou aux États-Unis selon le type de produit - sont soigneusement pliés et emballés dans un papier de soie, lequel est maintenu par un autocollant où l'un des employés écrit à la main un petit mot de remerciement personnalisé.

Une attention qui fait toute la différence, d'après l'entrepreneur : «Chez Amazon, le livre commandé est expédié tel quel dans une boîte en carton quelconque, et c'est tout. Le processus est déshumanisé, donc raté.»

C'est que Frank & Oak attache une grande importance à son image de marque. «Mon rêve, c'est que, d'ici quelques années, des millions de personnes nous aiment comme elles peuvent aimer aujourd'hui Ralph Lauren ou Nike. Je veux déclencher des émotions, fortes et positives, comme l'amour. Et ça passe par un service exceptionnel», dit-il.

Fin de la visite

La visite se termine justement avec la cellule du service à la clientèle. Ici, on répond à toutes sortes d'interrogations, qui vont des détails techniques (par exemple, «Comment faire pour commander des vêtements des anciennes collections ?») à des questions de style vestimentaire («Quelle couleur de pantalon s'accorde le mieux avec une chemise bleu ciel ?»), en passant par des demandes spéciales («Il me faut d'ici deux jours un veston qui irait bien pour assister à un mariage»).

Ethan Song souligne l'importance du lien avec ses clients : «J'ai retenu une chose fondamentale du livre Moi, mes souliers et les leçons de mon succès de Tony Hsieh, le pdg de Zappos, qui vend des chaussures en ligne. À savoir que, même si tu n'es pas dans la même pièce que ton client, tu dois trouver le moyen d'être 150 % avec lui. C'est ce qu'on applique tous les jours chez Frank & Oak.»

De l'ambition à revendre

«"Go Big or Go Home", c'est leur devise. Ethan et Hicham ont une ambition énorme et n'ont pas froid aux yeux. Ça ne leur fait pas peur de rivaliser avec des leaders mondiaux comme H&M et Lululemon. C'est ce qui me plaît chez eux», dit Martin-Luc Archambault, pdg de Wajam, qui a investi dans Frank & Oak en tant qu'ange financier.

«Ethan et Hicham ont cette qualité rare que de savoir écouter et tenir compte de ce qu'on leur dit. Ils veulent tout le temps progresser, et c'est ce qu'ils font à vue d'oeil. S'ils constatent une erreur, pas d'émotion, mais toujours la bonne réaction pour corriger le tir. C'est leur grande force», ajoute Sébastien Brault, pdg de ViralNinjas et l'un des tout premiers anges à avoir misé sur Frank & Oak.

D'après M. Archambault, l'avenir leur appartient pour des raisons très simples. Ils ont trouvé une occasion dans un marché porteur - les hommes branchés de 25-35 ans, qui détestent magasiner dans les boutiques et trouvent naturel de faire des achats en ligne. Et surtout, ils s'investissent à fond dans leur entreprise. M. Archambault est confiant : «Ils veulent devenir le "Gap en ligne de demain" , et ils y arriveront.»

70 % Frank & Oak effectue 70 % de ses ventes aux États-Unis. Le reste, au Canada.

1: Frank & Oak a été créée il y a un an.

5:  L'an dernier, l'entreprise a levé cinq millions de dollars auprès d'anges financiers américains majeurs, dont le fonds Lightbank des premiers investisseurs de Groupon, Eric Lefkofsky et Brad Keywell.

500 000 Un demi-million de clients sont enregistrés sur son site Web.

Source : Frank & Oak

Découvrez d'autres détails de la stratégie de Frank & Oak sur lesaffaires.com/videos

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