Dix capsules pour rebondir après la récession

Publié le 31/01/2009 à 00:00

Dix capsules pour rebondir après la récession

Publié le 31/01/2009 à 00:00

Par Suzanne Dansereau

Jamais les dirigeants et les gestionnaires en poste aujourd'hui n'ont fait face à une conjoncture économique aussi incertaine que l'actuelle récession.

Cette incertitude découle non seulement de la durée et de la profondeur de la crise, mais aussi de l'avenir même de l'ordre économique mondial actuel, commente la firme d'analyse McKinsey, dans son rapport Leading through uncertainty.

Tout peut arriver : le pire... comme le meilleur. Car dans toute crise, il y a de bonnes occasions à saisir. Et cette fois-ci, il ne suffira pas de comprimer les dépenses et d'espérer que la tempête passe. Pas question de subir, il faut agir ! Voici 10 règles à suivre pour préparer votre rebond.

1. Soyez au courant

Les entreprises devront être mieux informées que jamais - sur leur industrie, leurs clients, leurs fournisseurs, leur environnement réglementaire - pour pouvoir agir en conséquence et rapidement. Leurs stratèges devront élaborer de multiples scénarios et donner à l'entreprise assez de souplesse pour bouger vite. McKinsey parle d'une approche de stratégie "en temps réel" (just in time approach to strategy, en anglais).

Quelles acquisitions seraient bonnes et dans quelles circonstances ? Quels seraient alors les besoins en capital et en personnel ? Quels nouveaux produits pourrait-on proposer selon tel ou tel scénario ? Si un fournisseur ou un client s'effondre, comment s'organiser en conséquence ?

La recommandation s'applique aussi à l'information financière. Puisque cette crise est avant tout celle du crédit, les entreprises doivent savoir exactement où en sont leurs revenus, encaisse, dépenses, coûts, profits, etc. Selon l'expert américain Ram Charan, qui vient de publier Leadership in the Era of Economic Uncertainty, tout pdg doit être informé quotidiennement des mouvements de trésorerie.

McKinsey suggère aux dirigeants de créer des réseaux où l'information circulera librement, sans hiérarchie, de façon verticale et horizontale. Car même si votre fournisseur vous dit qu'il n'a pas de problème de liquidités, vous apprendrez peut-être par la bande qu'il n'arrive pas à payer ses employés... L'information en temps réel est la clé de cette crise.

2. Dégagez des liquidités

Les entreprises les moins endettées pourront saisir les bonnes occasions. Pour générer des liquidités, les solutions sont multiples : renégociez et priorisez votre dette, confiez la perception de vos comptes débiteurs à une tierce entreprise, réduisez les paiements de dividendes, émettez des actions.

"Si vous pensez que c'est mauvais maintenant, ce sera pire plus tard", lance Michael Denham, directeur des services-conseils en management d'Accenture Canada.

Vendez les actifs qui ne sont pas au coeur de votre mission, poursuit-il. Recourir à l'impartition sera en vogue, ajoute-t-il. Mais attention : "N'impartissez que ce que vous maîtrisez, car sinon, vous vous ferez avoir !" prévient Jérôme Thirion, directeur principal de la pratique d'amélioration de la chaîne d'approvisionnement chez KPMG Canada.

Autant d'options qui illustrent ce que beaucoup d'entreprise ont eu tendance à oublier durant les années de croissance : le chef des finances a un rôle hautement stratégique.

3. Revoyez votre chaîne d'approvisionnement

Dans bien des cas, c'est là que se trouvent 70 % des dépenses - donc des économies potentielles. "Durant la croissance, les entreprises étaient tellement occupées à développer des marchés et des produits qu'elles ont eu tendance à négliger l'optimisation des processus", indique Jérôme Thirion. C'est donc maintenant le moment idéal pour réduire la complexité et de se débarrasser des doublons.

"Si vos marges sont bonnes mais que vous manquez de liquidités, vous pourriez, en quelques semaines, optimiser vos stocks : il s'agit de déterminer, avec vos fournisseurs et vos clients, le niveau de stocks minimum, ce qui réduira la pression sur votre fonds de roulement.

"Chaque partenaire doit aider l'autre à s'en sortir pour s'en sortir lui-même", souligne M. Thirion.

Lorsque le problème concerne une diminution des marges, on optimise tous les processus, "mais il faut le faire de façon intelligente et durable", prévient-il. La démarche prendra donc plusieurs mois. On élague, en gardant toujours à l'esprit de ne conserver que ce qui apporte de la valeur au client et ce qui sert au contrôle des processus. "Le but est de bien maîtriser son flux et d'intervenir sur toutes les étapes de la valeur ajoutée", résume M. Thirion. En gardant à l'esprit qu'on ne peut optimiser que ce qu'on connaît.

4. Achetez

Même s'il l'a exprimé fort maladroitement durant la dernière campagne électorale, Stephen Harper était dans le vrai en affirmant que la crise financière créait de bonnes aubaines. Si votre bilan financier est solide, c'est le meilleur moment pour faire des fusions et acquisitions, fait valoir Michael Denham.

5. Misez sur vos clients profitables

Peut-on se permettre de perdre un client en temps de crise ? Oui, selon l'économiste Jonathan Byrnes, du Massachusetts Institute of Technology, qui estime que le tiers des clients ne sont pas profitables.

Jérôme Thirion, de KPMG, observe que peu d'entreprises savent calculer la rentabilité d'un client. "Plus vite vous ferez ce calcul, mieux vous vous en porterez."

La loi de Pareto s'applique dans ce contexte. (Inspirée des travaux de l'économiste italien Vilfredo Pareto, cette loi empirique dit que 80 % des richesses sont détenues par 20 % des acteurs économiques.) Ainsi, 20 % des clients apportent 80 % des revenus. Le temps est venu d'oser se débarrasser de ceux qui, parmi ces 80 % de clients, font perdre de l'argent.

L'analyse de rentabilité demande beaucoup de recherche. Mais elle en vaut la peine. "Si vous devez économiser, ne le faites pas dans la recherche sur vos clients", prévient Saurabh Mishra, professeur de marketing à l'Université McGill.

Si vous êtes dans les échanges interentreprises (B2B ou business to business, en anglais), il importe d'aguerrir vos vendeurs à la négociation, affirme de son côté Robert Desormeaux, expert en vente et marketing à HEC Montréal. "Je vois beaucoup de situations où le vendeur abandonne trop tôt." Ce dernier doit pouvoir mieux comprendre le client et lui offrir des solutions de rechange qui consistent, par exemple, à réduire l'offre de service et le prix.

6. Renforcez vos liens avec les consommateurs

C'est connu : en temps de récession, les premiers postes budgétaires à tomber sous le couperet sont ceux du marketing. Quelle erreur ! "C'est encore plus important de communiquer avec le consommateur, dit Saurabh Mishra. Montrez-leur que vous vous préoccupez d'eux, que vous êtes à l'écoute, et ils s'en souviendront. Rendez-leur la vie plus facile. Misez sur le marketing relationnel et visez la satisfaction de vos meilleurs clients."

Dernier conseil de M. Mishra : "Écoutez vos représentants commerciaux. Ils sont les yeux et le visage de votre entreprise." Michael Denham ajoute que la crise amènera les consommateurs à modifier leurs habitudes. Rester à l'écoute permettra de saisir les occasions de développer de nouveaux produits pour de nouvelles clientèles.

Et rester visible est encore plus payant en temps de crise : le paysage publicitaire s'éclaircit et votre présence rayonne davantage qu'en temps de croissance.

Le cadeau de Hyundai

Le constructeur automobile sud-coréen Hyundai profite de la crise pour étendre sa pénétration en Amérique du Nord, en montrant aux consommateurs qu'il se soucie d'eux : ceux qui achèteront une Hyundai en 2009 et qui perdront leur emploi dans les 12 mois suivant l'achat pourront se faire rembourser. "C'est une initiative dont les consommateurs se souviendront", note Saurabh Mishra.

7. Recentrez votre R-D

La récession, c'est le temps de travailler sur les grands projets de R-D dont les résultats sont attendus à long terme, ceux qui demandent beaucoup de travail et de main-d'oeuvre. Cela vous coûtera moins cher que des investissements en immobilisations ou en commercialisation, et cela vous permettra de rebondir dans deux ou trois ans, quand vos innovations seront prêtes à commercialiser.

De plus, cette stratégie maintiendra l'engagement de vos employés. "Évitez de sabrer dans le personnel de R-D : il prend du temps et coûte cher à former, dit Dave Caissy, directeur principal de Zins Beauchesne et Associés. De plus, le contexte fiscal québécois vous incitera à garder votre personnel."

Exfo et Apple en tête grâce à la R-D

En 2001, après l'éclatement de la bulle techno, la firme d'ingénierie Exfo a vu s'effondrer son plus gros client, Nortel. Elle a toutefois choisi de maintenir ses investissements en R-D. Elle a ainsi pu élargir sa gamme de produits et, dès la reprise, elle était devenue chef de file mondial dans son domaine, les instruments de test et de mesure en télécommunications.

Quant à Apple, elle a survécu à l'éclatement de la bulle en augmentant son budget de R-D. "Ç'a fonctionné en 2001, et c'est exactement ce que nous ferons cette fois-ci", a déclaré le grand patron Steve Jobs, dans une entrevue à la revue Fortune, en novembre.

8. Évitez les mises à pied

Il y a d'autres façons de réduire la masse salariale que des mises à pied qui démoralisent le personnel : offrir des congés non payés, mettre en place des semaines de quatre jours, geler ou baisser les salaires et diminuer la rémunération des dirigeants. Et s'il faut couper dans la rémunération, il vaut mieux que cela parte d'en haut. Le reste passera mieux.

Emplois préservés chez Honda, Cisco, Dell et RBC

Dell a proposé des congés prolongés non payés pour les Fêtes, Cisco a supprimé quatre jours de production en fin d'année et Honda permet les vacances non payées.

Pour sa part, le groupe RBC Banque Royale envisagerait des baisses de salaire, a appris le journal Les Affaires.

9. Continuez de miser sur vos meilleurs employés

La crise est le meilleur moment pour recruter les employés talentueux que vos concurrents auront laissé tomber. Mais si vous tentez de profiter de la situation pour les sous-payer, ils pourraient vous lâcher dès la reprise.

Ne négligez pas vos meilleurs éléments. "Couper dans leur rémunération et réduire leur formation peut sembler facile, mais c'est aussi la solution la plus démotivante", indique Ian Kaiser, associé principal de Knightsbridge talents stratégiques. Gardez-vous des budgets pour eux. Si vous ne pouvez leur offrir de l'argent, donnez-leur du pouvoir.

Et s'il faut absolument réduire les budgets, M. Kaiser recommande de garder les initiatives ayant les effets les plus tangibles sur le travail. "Visez du concret : des cas pratiques, du mentorat par un pair, et des initiatives qui demandent un suivi sur le terrain. Pensez aussi aux projets spéciaux. Utilisez le travail comme outil de développement pour vos meilleurs employés."

Pfizer mise sur ses leaders

Le géant pharmaceutique Pfizer fait partie de ceux qui croient essentiel de protéger leurs investissements de formation et de soutenir le développement de leurs employés, indique Luc St-Pierre, vice-président, ressources humaines, de Pfizer Canada. La société vient de mettre en place un programme appelé Senior Leadership Experience qui s'adresse aux quelque 110 cadres supérieurs de l'entreprise à l'échelle mondiale. Un programme semblable sera également mis en place auprès des autres employés de l'entreprise dès mars prochain, précise M. St-Pierre.

10. Communiquez

Faites en sorte que vos dirigeants soient visibles et transparents durant cette crise. On a tendance à se cacher quand les choses vont mal, mais cette attitude défensive est à proscrire.

"Il faut informer les employés le plus souvent possible de l'évolution de la situation. Si vous ne parlez pas à vos employés, ils le feront dans votre dos et leurs conversations ne seront pas nécessairement constructives. Créez une plateforme de discussion : des forums, des rencontres d'équipe, des courriels de mise à jour, etc. C'est très productif de donner une tribune aux employés pour qu'ils s'expriment au sujet de leur travail dans ce contexte de récession. Vous pourrez ensuite les amener à faire partie de la solution."

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