CN et CP: le duel des chemins de fer


Édition du 19 Avril 2014

CN et CP: le duel des chemins de fer


Édition du 19 Avril 2014

Lorsqu'on regarde les graphiques, on a l'impression de contempler l'Everest : ça monte tout le temps. Depuis la sortie de la crise, en mars 2009, les actions du Canadien National ont grimpé de 175 % tandis que celles du Canadien Pacifique ont bondi de près de 350 %. Reste-t-il assez de diesel dans les locomotives des deux grandes sociétés ferroviaires canadiennes pour poursuivre leur ascension ? Les avis sont partagés. Certains gestionnaires et analystes appellent à la prudence compte tenu des gains aussi remarquables dans un secteur traditionnel. Mais d'autres tablent sur la situation de quasi-monopoles dont bénéficient les deux transporteurs. Regard comparatif sur deux des plus vieilles entreprises canadiennes.

Le Canadien National : pour sa position dominante et l'historique de ses performances
Variation : 175 %

Même si, techniquement, la fondation du Canadien Pacifique (en 1881) a eu lieu avant celle du Canadien National (en 1919), les racines de ce dernier remontent à beaucoup plus loin dans l'histoire. Elles vont jusqu'au premier chemin de fer canadien, le Champlain and St. Lawrence Railroad, établi en 1832, qui assurait la liaison entre La Prairie et Saint John, au Nouveau-Brunswick.

Le Canadien National dispose d'un réseau substantiellement plus important que celui de son principal concurrent : 20 600 milles de voies ferrées qui traversent le pays d'est en ouest et le continent du nord au sud, jusqu'au golfe du Mexique. «C'est l'un de ses principaux avantages concurrentiels», dit Mark Pugsley, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Investissements Standard Life, qui déclare d'entrée de jeu que les deux transporteurs sont «de très bonnes entreprises».

«C'est le leader dans son marché», soumet Stephen Gauthier, chef des investissements chez Fin-XO Valeurs mobilières. «Et un leader réussit plus facilement à préserver ses marges de profits.» C'est l'une des raisons qui lui font d'ailleurs préférer les actions du Canadien National à celles du CP. Il possède des actions du CN dans ses portefeuilles depuis six ans, mais aucune du CP. «Les deux sociétés représentent un oligopole, car elles contrôlent chacune leurs lignes. Elles ont un bon pouvoir pour imposer leurs prix. Mais le Canadien National affiche une meilleure rentabilité.»

En 2013, le Canadien National a affiché un chiffre d'affaires de 10,6 milliards de dollars, une progression de 6,6 % sur l'année précédente. Le profit d'exploitation a approché les 4,9 G$, tandis que le bénéfice net a été de 2,6 G$ ou 3,06 $ par action après dilution. Le résultat s'est grosso modo révélé semblable à celui de l'année précédente, en raison notamment du froid hivernal intense qui a marqué le dernier trimestre de 2013. Ce facteur a ralenti les opérations des deux transporteurs.

Mais le CN, écrit dans une note Cameron Doersken, analyste à la Financière Banque Nationale, reste «un premier de classe en matière de rentabilité». En effet, son ratio d'exploitation, à 63,4 % l'an dernier, est meilleur que celui de son principal rival (69,9 %). Ce ratio, largement utilisé dans le domaine ferroviaire, compare les frais d'exploitation aux revenus totaux. Plus le pourcentage est faible, plus il montre que la société est capable de générer des bénéfices, et ce, même si son chiffre d'affaires doit diminuer.

Pour sa part, Stephen Gauthier se fonde sur la valeur économique ajoutée (VEA) pour prendre ses décisions d'investissement. Et sur la base de ce ratio, qui compare le rendement du capital investi par rapport au coût de celui-ci, le Canadien National bat haut la main le Canadien Pacifique.

«Je cherche des sociétés qui offrent un écart d'au moins 5 % sur une période de cinq ans. Par exemple, en 2013, le rendement du capital du CN [selon le modèle VEA] était de 13,2 %, tandis que le coût du capital était de 7,1 %. Ça donne un écart de 6,1 %», explique-t-il. Jusqu'en 2012, le CP avait un écart négatif. Ce n'est que depuis 2013 qu'il est devenu positif, mais à seulement 1,8 %.

Grâce à une meilleure rentabilité, le CN dégage des flux monétaires qui lui permettent de moderniser ses infrastructures. La société montréalaise prévoit injecter 2,1 G$ en 2014, notamment pour renouveler des rails et acheter des locomotives de grande puissance.

Un atout qui permet aussi de racheter des actions et d'accroître le dividende. C'est ainsi que les actionnaires sont récompensés, souligne Stephen Gauthier. Depuis cinq ans, le CN a augmenté son dividende à un rythme annuel de 13,7 % par rapport à seulement 5,2 % pour le CP. Au quatrième trimestre de 2013, le transporteur montréalais a annoncé une hausse de 16 % de son dividende annuel, de 0,84 $ à 1,00 $ par action. Le rendement est de 1,64 %.

Le Canadien Pacifique exploite un réseau bien moins étendu que celui de son concurrent : 14 700 milles de voies ferrées, soit 28 % de moins. Il se rend sur la côte du Pacifique, mais à l'est, il s'arrête à Montréal. Aux États-Unis, il dessert surtout le Midwest, mais seulement jusqu'à Kansas City vers le sud. Dans le nord-est, il va jusqu'à New York et Philadelphie.

Sur un chiffre d'affaires de 6,1 G$ en 2013, le CP a enregistré un bénéfice d'exploitation de 2,1 G$ et dégagé un bénéfice net de 875 millions de dollars ou 6,42 $ par action après dilution.

Pas si mal, dira-t-on. Mais le transporteur ferroviaire est moins rentable et efficace que son rival montréalais. En fait, son rendement de l'avoir des actionnaires a été de 14,3 % en 2013, par rapport à 21,7 % pour le CN. Et l'autre mesure importante, le ratio d'exploitation, a été de 69,9 %, un résultat nettement moins bon que celui du CN.

Pourtant, en 2013, l'action du CP a grimpé de 59 % par rapport à 34 % pour le CN. Cherchez l'erreur. Eh bien, elle se résume à un nom : Hunter Harrison.

Cet Américain de Memphis, au Tennessee, ancien grand patron du CN de 2003 à 2009, a fait des miracles (aux yeux des actionnaires) au chapitre du contrôle des coûts. En juin 2012, à l'issue d'une bataille au sein du conseil d'administration du CP amorcée par l'investisseur activiste Bill Ackman, Hunter Harrison a été appelé à la rescousse pour remettre le CP sur les rails d'une rentabilité accrue.

«Il a fait un job formidable», reconnaît d'emblée Carl Simard, président et gestionnaire de portefeuille de la firme Medici. Depuis son arrivée, il a contrôlé les coûts et amélioré considérablement le ratio d'exploitation. De 83 %, ce ratio devrait descendre à près de 65 % en 2014 et se rapprocher de celui du CN, selon Keith Schoonmaker, analyste chez Morningstar. Il était d'ailleurs de 65,9 % au dernier trimestre de 2013.

Mais voilà, ce n'est pas suffisant pour convaincre Carl Simard, qui ne détient aucune action de ces transporteurs. «Elles sont beaucoup trop chères», juge le gestionnaire. Le CN est une société «exemplaire», convient-il, tandis que le CP s'en approche. Mais aux prix actuels, les cours boursiers escomptent une trop forte croissance de la rentabilité, à ses yeux. «Il y a des risques d'exécution», dit-il.

Selon la Financière Banque Nationale, le titre du CP se négocie actuellement à environ 19 fois les bénéfices de 2014, et celui du CN, à près de 18 fois. «Les niveaux d'évaluation actuels sont bien au-delà des moyennes historiques», note Cameron Doersken. Il pense que le titre du CN est «vulnérable» à une correction, tandis que celui du CP le serait moins, compte tenu de l'enthousiasme actuel des actionnaires.

Kevin Chiang, analyste de Marchés mondiaux CIBC, mise davantage sur le CP que le CN. «Nous prévoyons que le CP performera mieux que le CN au cours du reste de 2014, ce qui résulte de plusieurs nouvelles positives concernant le transporteur montréalais. En plus du programme de rachat d'actions annoncé récemment, nous pensons que le CP a été délibérément prudent dans ses prévisions de bénéfices ; de plus, il pourrait annoncer une augmentation de dividende en cours d'année», écrit-il dans une note publiée au début d'avril. À 1,40 $ par action, le dividende du CP procure un rendement de 0,8 %.

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