Apple bouleverse l'industrie du livre scolaire

Publié le 14/04/2012 à 00:00

Apple bouleverse l'industrie du livre scolaire

Publié le 14/04/2012 à 00:00

À la fin de cet été, des milliers d'élèves québécois prendront le chemin de l'école avec, dans leur sac à dos, un iPad. Quatre collèges privés - Jean-Eudes, St-Jean-Vianney, Sainte-Anne-de-La-Pocatière, d'Anjou - ont annoncé qu'ils imposeront l'iPad à une grande partie de leurs élèves dès la rentrée de 2012. Le début d'un bouleversement dans l'industrie.

Le déploiement d'iPad ne touche pas que les établissements privés. Plusieurs écoles publiques, comme l'école secondaire Félix-Leclerc de Repentigny, mettent à l'essai des iPad. Les commissions scolaires de Sorel-Tracy et de Kamouraska-Rivière-du-Loup ont fait des annonces en ce sens. La première prévoit même que tous les élèves du primaire et du secondaire de son territoire (4 807 en 2011) seront équipés d'un iPad d'ici 5 ans.

Face à ces annonces, plusieurs éditeurs scolaires québécois, jusqu'alors réticents à l'égard de l'iPad, ont consenti à produire des manuels numériques compatibles avec la tablette. En coulisse de ce jeu de rapport de force se cache le géant Apple qui, selon des sources consultées par Les Affaires, mobilise une équipe d'employés à temps plein pour développer le marché québécois des établissements scolaires. Tara Hendela, directrice des relations publiques chez Apple Canada, s'est refusée à tout commentaire, expliquant que le fabricant électronique ne s'exprimait jamais sur ses stratégies.

Apple à la conquête des écoles

Le 19 janvier, Apple a dévoilé la deuxième mouture de sa librairie virtuelle, iBooks 2. Le fabricant de l'iPad a alors fixé le prix plafond d'un manuel scolaire vendu dans sa boutique à 14,95 $ et lancé iBooks Author, un logiciel qui permet aux enseignants de publier des manuels sans intermédiaire. Pearson, McGraw Hill et Houghton Mifflin Harcourt, dont les manuels occupent 90 % du marché américain, proposent leur contenu dans iBooks 2 depuis le dévoilement de la boutique.

Dans le petit milieu québécois de l'édition scolaire, le Collège Jean-Eudes a précipité les choses en annonçant, le 14 février dernier, que plus de la moitié de ses 1 700 élèves seraient équipés d'un iPad dès la rentrée de 2012. D'ici 2014, tous ses élèves auront un iPad.

Plusieurs éditeurs de manuels scolaires ont accepté de collaborer : «En septembre, quand nous avons rencontré certaines maisons d'édition, ils n'étaient pas préparés. Aujourd'hui, leur offre de manuels numériques est déjà bien développée», dit Nancy Desbiens, directrice générale du Collège Jean-Eudes.

Le choix de l'iPad n'a pas été fait au hasard, et Nancy Desbiens explique que plusieurs modèles de tablettes et d'ordinateurs portables ont été étudiés. Toutefois, selon elle, l'iPad constituait la meilleure solution, notamment en raison du choix d'applications didactiques. La compatibilité de l'iPad avec iBooks Author a également pesé dans la balance : «Avec cet outil, nos enseignants seront capables de produire leur propre matériel didactique. Ce matériel sera offert gratuitement aux élèves et, ainsi, n'aura pas besoin d'être approuvé par le ministère de l'Éducation.»

Nancy Desbiens explique avoir discuté avec des représentants de plusieurs fabricants, mais que ceux d'Apple étaient de loin les mieux préparés : «Le fait qu'Apple ait une équipe composée d'anciens enseignants qui viennent donner la formation auprès de notre personnel, c'est un avantage pour nous.»

Au Collège d'Anjou, l'annonce de Jean-Eudes a contribué à faire pencher la balance du côté de l'iPad. «Les éditeurs attendent les annonces ; c'est ça qui les fait changer de cap», confie Luc Plante, directeur général de l'établissement, qui a lui aussi rencontré les représentants d'Apple. Il explique que le collège a étudié la possibilité d'équiper ses élèves d'ordinateurs portables, mais que les avantages de l'iPad l'ont emporté. Notamment, les économies qui seront réalisées sur les manuels : «Par exemple, un manuel de mathématiques coûtant 80 $ nous reviendra à environ 30 $ en version numérique», explique Luc Plante.

Une guerre des prix à l'horizon ?

Jean Bouchard, directeur général du Groupe Modulo, un éditeur scolaire, soutient que le prix plafond de 14,95 $, déduit des frais de 30 % que perçoit Apple sur les livres vendus dans sa boutique, est beaucoup trop bas compte tenu de la taille du marché québécois. «Si c'est ce modèle économique qui prévaut, les éditeurs scolaires du Québec ne seront plus en mesure de faire les investissements nécessaires pour publier des manuels approuvés par le Ministère», avertit le dirigeant, qui est vice-président, section scolaire, de l'Association nationale des éditeurs de livres.

Jacques Rochefort, président de Chenelière Éducation (une propriété de TC Transcontinental), abonde dans le même sens : «Des livres scolaires à 14,95 $, ça n'existe pas ; bien au contraire, développer des manuels avec des vidéos et du contenu interactif, ça coûte de 30 à 45 % plus cher. Les frais d'impression ne représentent que 10 à 12 % du prix d'un manuel.»

Au Québec, le marché de l'édition scolaire est dominé par une poignée de maisons d'édition. L'une d'entre elles, ERPI, appartient à Pearson qui, aux États-Unis, a embrassé le plan d'affaires d'Apple. ERPI offrirait ses manuels en version numérique à des prix réduits de beaucoup plus que les 12 % évoqués par Jacques Rochefort : «Les prix varient beaucoup d'un éditeur à l'autre, mais ERPI est parmi ceux qui offrent les prix les plus compétitifs», explique Luc Plante du Collège d'Anjou. ERPI n'a pas voulu répondre à nos questions, invoquant le fait que Les Affaires appartient à un groupe concurrent.

Les Éditions Grand Duc, quant à elles, n'ont pas été rebutées non plus par la structure de prix imposée par Apple. Dès la rentrée de 2012, plusieurs de ses manuels seront en vente dans la boutique d'Apple. Malgré le pourcentage qui sera perçu par Apple, les manuels des Éditions Grand Duc coûteront de 15 à 25 % moins cher en version numérique. «Nous offrons des prix sensiblement moins chers pour nous conformer à la politique d'Apple, mais aussi pour répondre aux attentes des parents», dit Virginie Chatard, directrice des Éditions Grand Duc. Elle explique toutefois que certains manuels pourraient être répartis en plusieurs parties, de manière à ce que leur prix total puisse être supérieur à 14,95 $.

Les éditeurs scolaires offrant des manuels destinés à l'iPad ne sont pas contraints de se plier aux exigences d'Apple. Les Éditions CEC, qui proposeront des manuels numériques à partir du mois de mai, ont choisi de développer leur propre application pour iPad. Chenelière, quant à elle, devrait aussi offrir ses produits en version numérique sans passer par la boutique d'Apple : «C'est certain qu'on va faire ce qu'on peut pour accompagner ces écoles [qui vont déployer l'iPad]», dit Jacques Rochefort. Toutefois, les établissements scolaires ne doivent pas s'attendre à réaliser de grandes économies : «Nous ne ferons pas de compromis sur la qualité et nous n'accepterons jamais de développer du contenu au rabais pour atteindre un prix de vente souhaité.»

«Nous offrons des prix sensiblement moins chers pour nous conformer à la politique d'Apple, mais aussi, pour répondre aux attentes des parents.» - Virginie Chatard, directrice des Éditions Grand Duc, qui explique toutefois que certains manuels pourraient être répartis en plusieurs parties, de manière à ce que leur prix total puisse être supérieur à 14,95$.

59 980 576 $ Ventes de manuels scolaires réalisées par les éditeurs québécois en 2011. Source : Institut de la statistique du Québec

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