À la recherche de solutions pour relancer le tourisme

Publié le 05/06/2010 à 00:00

À la recherche de solutions pour relancer le tourisme

Publié le 05/06/2010 à 00:00

Par Claudine Hébert

Les chiffres ne mentent pas : le Québec est en perte de vitesse sur le marché international.

Depuis 2002, le nombre d'Américains qui franchissent la frontière a diminué de plus de 40 %. Et la province ne performe guère mieux auprès de la clientèle canadienne, qui a chuté de 28 % durant la même période.

L'obligation de détenir un passeport est la cause de la baisse du nombre de touristes venant des États-Unis, car seulement 21 % des Américians en détiennnent un.

Seul le marché local se porte bien. Il a augmenté de plus de 30 %. Cette clientèle représente près de 90 % des 62,7 millions de personnes qui ont visité la province en 2008. Or, la clientèle locale rapporte, au pro rata, deux fois moins d'argent dans les coffres que celle de l'extérieur, parce qu'ils vont dans leur famille ou y prennent leurs repas.

Les raisons de la baisse sont nombreuses : vieillissement du parc hôtelier en région, difficulté d'accès de certaines attractions et inégalité des services d'accueil et de restauration, selon un document préparé par le Conseil québécois de l'industrie touristique à l'intention de Les Affaires. Tout comme la crise, la parité du dollar, les risques de pandémie ou de terrorisme et l'émergence de nouvelles destinations mondiales, ont ajouté d'autres intervenants du secteur interviewés pour ce dossier. Qui aurait imaginé que Dubaï serait un jour parmi les 10 villes les plus visitées du monde ?

" Notre véritable faiblesse réside dans le manque de concertation entre les intervenants touristiques. Tout le monde tire la couverte ", affirme Alain April, président du CQIT. L'absence de vision et de stratégie communes au sein de l'industrie touristique du Québec contribue à sa contre-performance.

Un pas dans la bonne direction vient d'être fait avec la création du Collectif des festivals montréalais. L'organisme, qui regroupe 11 festivals, bénéficie d'un budget de 1,5 million de dollars sur trois ans pour faire la promotion de ces événemenst à l'étranger.

Des initiatives de ce genre devront se multiplier pour aider l'industrie à remonter la pente. Après avoir longtemps figuré parmi les 10 destinations favorites, le Canada occupe maintenant le 14e rang, et le 106e rang (sur 130) pour ce qui est du rapport qualité-prix, selon le Forum économique mondial.

Manque de leadership

Le tourisme est un des secteurs les moins coûteux à développer et le plus rentable en termes de création d'emplois et de richesse, rappelle M. April. Au Québec, l'industrie a rapporté 10,7 milliards de dollars en 2008, ce qui représente 2,5 % du PIB québécois. Ce sont près de 30 000 entreprises qui paient des taxes aux deux paliers de gouvernement, en plus de créer quelque 410 000 emplois. Pourtant, ce secteur fonctionne en parallèle, quasiment seul dans son coin.

Le manque d'information sur les tendances mondiales ou sur l'offre de la concurrence, la multiplication des analyses et de la recherche dont les résultats sont conservés en vase clos par les organismes qui les ont commandés, le financement des entreprises et des activités peu rentables nuisent à l'enrichissement de l'offre touristique, précise M. April.

" On manque de leadership, de bons gestionnaires, ce qui entraîne des cas de cannibalisation ", soulève Michel Archambault, directeur de la Chaire de tourisme Transat de l'ESG UQAM. Combien de fois l'État et ses multiples organismes régionaux ont appuyé des projets touristiques dont les structures étaient similaires à celles d'une entreprise existante ? demande-t-il.

M. Archambault espère lui aussi voir naître au Québec un plan directeur en matière de tourisme, qui permettrait à l'industrie de se mobiliser et d'obtenir de beaux succès comme c'est le cas en Turquie (8e destination du monde) où le nombre de visiteurs est passé de 5 à 27 millions en 20 ans.

Cette discordance n'est pas sans nuire au rayonnement de la Belle Province sur le plan économique. Le passage de trois ministres en moins de cinq ans à la tête du ministère du Tourisme n'a rien qui puisse inciter le milieu financier à se mouiller. " Si nos gouvernements cessaient de considérer ce ministère comme un club junior, ou pire, un banc des pénalités, nous n'en serions pas là ", soutient Jocelyn Carrier, président du réseau des Associations touristiques du Québec. L'industrie touristique, note-il, concerne indirectement plus d'une dizaine de ministères provinciaux et autant au fédéral. Et tout ce beau monde a de la difficulté à communiquer.

Philippe Sureau, cofondateur de Transat AT, est du même avis. " Comment voulez-vous que le tourisme québécois s'exporte lorsqu'il n'y a même pas de vision coordonnée de la part des dirigeants fédéraux ? " L'homme d'affaires à la retraite, qui demeure conseiller du président Jean-Marc Eustache, cite en exemple l'obligation pour les touristes mexicains d'avoir un visa, une décision qui a beaucoup nui à une clientèle en pleine expansion. Le président du Mexique, Felipe Calderón, était justement de passage à Ottawa à la fin mai pour essayer de renverser la vapeur. Car la mesure adoptée par le gouvernement Harper en juillet 2009 a fait mal. Le nombre de visiteurs mexicains, qui était près de 270 000, en 2008 (4e marché en importance), a chuté de 37 % l'an dernier. La politique canadienne touche près de 150 pays, dont la Chine, l'Inde, le Brésil et le Chili.

M. Sureau dénonce aussi le coût élevé des aéroports (Air Transat verse 11 000 $ par atterrissage d'un A330 à Toronto; à Paris, ce montant est de 3 500 $) et le refus de rembourser la TPS aux visiteurs internationaux. " Toutes ces décisions montrent l'absence flagrante d'une politique touristique intégrée et finissent par nuire à l'expansion de notre industrie. "

Il y a peut-être de la lumière au bout du tunnel. La ministre du tourisme, Nicole Ménard, a annoncé en mai la formation d'un comité de concertation afin de déterminer à quels chantiers l'industrie doit s'attaquer. Le comité, géré par le CQIT, sera composé de leaders des ATR et des associations sectorielles que la ministre choisira elle-même. Il aura six mois pour parvenir à un consensus.

410 900

Nombre d'emplois liés à l'industrie du tourisme québécois. Le tiers d'entre eux, soit 137 000, sont des emplois directs.

Source : Institut de la statistique du Québec

DES DÉPENSES AU QUÉBEC...

6,9 milliards de dollars. Total des dépenses touristiques faites au Québec en 2008.

Source : Statistique Canada

DES VISITEURS AU CANADA...

16 millions Nombre de touristes étrangers, dont 12 millions des États-Unis, qui ont visité le Canada en 2009.

Source : Statistique Canada

MAIS UNE BAISSE INQUIÉTANTE

20% Baisse du nombre de touristes étrangers au Canada depuis 2002. Pendant cette même période, le marché du tourisme international a grimpé de 30 %.

dossiers@transcontinental.ca

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