« L'Occident ne peut demeurer concurrentiel qu'en développant une main-d'oeuvre qualifiée »

Publié le 22/05/2010 à 00:00

« L'Occident ne peut demeurer concurrentiel qu'en développant une main-d'oeuvre qualifiée »

Publié le 22/05/2010 à 00:00

Nos sociétés se polarisent, constate le professeur d'économie de l'Université de Chicago, James J. Heckman. D'une part, le pourcentage de diplômés des collèges et des universités des États-Unis a grimpé au cours des 30 dernières années. D'autre part, le taux d'abandon scolaire au secondaire a suivi la même tendance, ce qui a donné naissance à un groupe de jeunes sans formation dont l'avenir est sombre. Un constat qui est le même au Québec.

Nous avons joint le récipiendaire du prix Nobel 2000 en économie alors qu'il était l'invité du dernier congrès de l'Association des économistes québécois, sur le thème « Le capital humain : défis pour un Québec prospère ».

Les Affaires - Cette polarité grandissante entre élèves éduqués et non éduqués dans le monde occidental survient au moment où il est essentiel d'avoir une main-d'oeuvre qualifiée pour rester concurrentiel...

James J. Heckman - En effet, car la main-d'oeuvre du monde entier développe de plus en plus ses compétences. C'est une évolution tout à fait normale : depuis les débuts de la révolution industrielle, il y a 250 ans, toute l'histoire occidentale montre un lien direct entre une société éduquée, une main-d'oeuvre qualifiée, sa compétitivité et sa productivité. La richesse du monde est fondée sur le savoir-faire. Toute la force de la technologie moderne a été façonnée par les compétences et les habilités de sa main d'oeuvre.

L'Occident n'a pas le choix d'investir en éducation : à mesure que le reste du monde, particulièrement l'Asie, qui compte la Chine, l'Inde, les Philippines et le Vietnam, s'intègre au marché global, la donne change. Des pays comme le Canada, les ÉtatsUnis ou l'Angleterre ne peuvent pas les concurrencer sur le terrain de la main-d'oeuvre non qualifiée. Ils peuvent rester compétitifs, et même exceller, sur un front : celui du développement d_une maind_oeuvre hautement qualifiée, qui produit des idées, qui est créative et productive. Elle doit aussi s_adapter au changement, un fait marquant du monde contemporain.

L.A. _ Au Québec, et ce n_est pas unique en Occident, un tiers des jeunes ne terminent pas leur secondaire. Ceux-là n_ont ni éducation générale solide, ni la spécialisation qui leur permettra de gagner leur vie. Que peut-on faire pour les réchapper ?

J.H. _ On doit tout faire pour les encourager à obtenir ce diplôme d_études secondaires. Sans celui-ci, ce sera difficile pour eux. Cependant, tout est dans le processus : les jeunes qui abandonnent en cours de route sont démotivés. Car l_école a axé son intervention auprès d_eux sur le plan scolaire _ les mathématiques, les sciences, les langues _ et très peu sur leur développement personnel. On a oublié cela en cours de route. Mais les interventions en ce sens doivent commencer tôt, bien avant le secondaire.

L.A. _ Vos travaux montrent d_ailleurs l_importance de l_intervention précoce...

J.H. _ Économiquement, cela a du sens d_investir davantage dans la petite enfance, particulièrement dans les milieux défavorisés. Il faut très tôt développer les habiletés socio affectives des jeunes, leur persévérance, leur capacité d_attention, leur motivation et leur estime de soi. Tout cela aide à les former à titre d_élève, de citoyen et de travailleur. Ces interventions précoces permettent de réduire les inégalités sociales, et le rendement de l_investissement est bien plus important à ce moment-là que celui de toutes les interventions qu_on fera ultérieurement.

L.A. _ L_école devrait-elle être obligatoire plus tôt ?

J.H. _ L_école plus tôt, s_il s_agit de socialisation, de déve loppement de l_estime, et de la persévérance, oui, mais surtout pas si l_on parle d_apprentissage scolaire. Je ne crois pas aux bébés Einstein, je ne crois pas qu_il faille apprendre à lire aux enfants dès trois ans. Et c_est malheureusement la tendance en ce moment, avec tous ces programmes très axés sur l_apprentissage scolaire.

Vous pouvez lire l_entrevue intégrale sur lesaffaires.com/dossiers/formation

martine.turenne@transcontinental.ca

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