Un de vos employés fait le mort? Voici la parade!

Publié le 25/10/2016 à 06:06, mis à jour le 26/10/2016 à 16:13

Un de vos employés fait le mort? Voici la parade!

Publié le 25/10/2016 à 06:06, mis à jour le 26/10/2016 à 16:13

Faire le mort au travail, ça ne passe jamais inaperçu... Photo: DR

J'ai une drôle de suggestion à vous faire, aujourd'hui : et si vous preniez deux minutes, là, immédiatement, pour fermer les yeux et penser à vos collègues, en vous posant une question pour chacun d'eux, à tour de rôle, soit «Untel est-il si motivé que ça dans son quotidien au travail?»... Ce serait l'occasion, pour vous, de regarder chacun à travers le prisme de la motivation, et vraisemblablement, de réaliser deux choses fondamentales, à savoir que :

1. Plus de collègues que vous ne l'imaginiez a priori se contentent de faire le mort au travail, se disant que tout ira pour le mieux même s'ils en font le minimum, en toute discrétion.

2. Vous savez, en vérité, bien peu de choses sur les ressorts de la motivation, c'est-à-dire sur ce qui pousse vraiment les autres à donner leur 110%, ou pas (rassurez-vous, nous sommes tous dans ce cas...).

Comment corriger le tir? Oui, comment mieux comprendre ce qui motive réellement les uns et les autres au travail? Et par suite, comment agir en conséquence? La bonne nouvelle du jour, c'est que j'ai de formidables réponses à toutes ces interrogations. Si, si...

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Jacques Forest, professeur et chercheur en management à l'ESG UQÀM, a en effet eu la gentillesse de me faire parvenir l'une de ses dernières études, intitulée Do you get what you pay for? Sales incentives and implications for motivation and changes in turnover intention and work effort. Celle-ci est également signée par : Bård Kuvaas, professeur de psychologie organisationnelle à l'École de commerce BI à Oslo (Norvège); Robert Buch, professeur de psychologie organisationnelle à l'École de commerce HiOA à Oslo (Norvège); Marylène Gagné, professeure de management à l'Université d'Australie-Occidentale à Crawley (Australie); et Anders Dysvik, professeur de comportement organisationnel à l'École de commerce BI à Oslo. Et elle éclaire la motivation au travail d'une toute nouvelle lumière, comme nous allons le voir...

Les cinq chercheurs se sont demandé si les systèmes de primes à la performance étaient vraiment efficaces, à savoir s'ils avaient un réel impact sur les efforts fournis par les employés ainsi que sur leur éventuelle envie d'aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte. Plus précisément, ils ont regardé si deux systèmes de primes distincts – d'une part, un système de primes annuel, d'autre part, un système de primes trimestriel – avaient la moindre incidence sur deux types de motivation distincts – d'une part, la motivation autonome, d'autre part, la motivation contrôlée. Et ce, sachant que ces deux types de motivation se différencient comme suit :

> «Je peux». La motivation autonome correspond à tout ce qui nous motive du simple fait que nous avons librement choisi de nous investir dans telle ou telle choses (ex.: «Je sais que je peux atteindre cet audacieux objectif professionnel, car j'ai les talents nécessaires pour cela et l'envie d'exprimer ceux-ci au grand jour»).

> «Je dois». La motivation contrôlée correspond, elle, à tout ce qui nous motive parce que nous avons le sentiment de devoir accomplir telle ou telle chose (ex.: «Je veux atteindre cet audacieux objectif professionnel, car je dois absolument toucher la prime mirobolante qui lui est associée»).

Et sachant, encore, qu'en général, «plus une rémunération varie en fonction de la performance, plus la motivation autonome est faible et plus la motivation contrôlée est forte», selon une étude précédente signée en 2008 par Gagné et Forest. Ce qui se comprend aisément : plus une prime à la performance est alléchante à nos yeux, plus nous nous sentons l'obligation de la toucher et moins nous nous préoccupons du fait qu'elle fasse appel, ou pas, à nos talents; le «je dois» l'emporte dès lors allègrement sur le «je peux».

Donc, les cinq chercheurs ont procédé à trois sondages auprès de plusieurs centaines de vendeurs d'une compagnie d'assurance norvégienne, histoire de mettre au jour la meilleure manière de motiver ces employés-là, qui, classiquement, se voient offrir des primes à la performance dans l'espoir des les voir donner leur 110%, jour après jour.

Résultats? Accrochez-vous bien :

> L'impact insoupçonné du salaire de base. Plus le salaire de base est élevé, plus les employés ont tendance à travailler fort et moins ils ont envie de regarder ailleurs, en quête d'un autre employeur. Pourquoi? Parce que le salaire de base a une incidence positive sur la motivation autonome, laquelle a des répercussions positives sur l'effort fourni au travail et négatives sur l'intention d'aller travailler ailleurs. Et parce qu'il n'a aucune incidence sur la motivation contrôlée.

> L'impact contrasté des primes à la performance. Les deux sortes de primes (annuelles comme trimestrielles) incitent les employés à fournir davantage d'efforts au travail, mais elles les poussent également à considérer davantage l'idée d'aller travailler chez un concurrent. Pourquoi? Parce que les primes à la performance ont, à la fois :

– Un impact positif sur la motivation contrôlée, laquelle a des répercussions positives sur l'effort fourni au travail et négatives sur l'intention d'aller travailler ailleurs;

– Un impact négatif sur la motivation autonome, laquelle a – je le répète – des répercussions positives sur l'effort fourni au travail et négatives sur l'intention d'aller travailler ailleurs. Autrement dit, en nuisant à la motivation autonome, les primes à la performance freinent l'envie des gens à donner leur 110% et les encouragent à considérer l'option de trouver un nouvel employeur.

Ce qui signifie que les primes à la performance ont deux effets contradictoires : d'un côté, les employés se trouvent motivés par le «je dois», mais de l'autre, ils sont freinés par le «je peux». De surcroît, les employés sont doublement incités à se chercher un autre employeur; et ce, «vraisemblablement en raison du fait qu'à mesure que la motivation contrôlée (le «je dois») augmente, le stress s'accroît pour la personne considérée», notent les cinq chercheurs dans leur étude.

«Dès lors qu'un employeur entend accroître l'engagement et le fonctionnement optimal de ses employés, il gagnerait sans l'ombre d'un doute à se soucier davantage de la rémunération de base que de l'implantation d'un quelconque système de primes à la performance», concluent-ils, en reconnaissant que «cette conclusion va à l'encontre du discours actuel de nombre de consultants en ressources humaines».

Et de souligner : «Notre étude portait sur des vendeurs, une catégorie d'employés à laquelle on offre nombre de primes à la performance. Et il se trouve que même concernant ceux-ci, mieux vaut de pas instaurer de système de primes à la performance!»

Renversant, n'est-ce pas? Ce qui explique d'ailleurs sûrement, je pense, ce que le petit exercice de départ a mis en évidence, à savoir le fait que nous avons tant de mal à saisir les ressorts de la motivation, tant les nôtres que ceux des autres...

Je vois d'ici vos sourcils se froncer, à l'idée d'arrêter d'offrir des primes à la performance à vos vendeurs : «C'est sûr, mes meilleurs vendeurs vont prendre la poudre d'escampette aussi sec, si jamais j'allais en ce sens...», songez-vous en ce moment-même.

Néanmoins, les cinq chercheurs insistent : «Aux gestionnaires qui s'inquièteraient des conséquences d'une telle politique, nous répétons qu'ils auraient des employés plus performants s'ils ne couraient plus après une prime et, surtout, s'ils bénéficiaient d'une rémunération de base défiant toute concurrence», disent-ils.

Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :

> Qui entend voir un employé arrêter de faire le mort se doit de mettre un frein aux primes à la performance et de revigorer la rémunération de base. Il lui faut jouer davantage sur la motivation autonome de cet employé-là (et par suite, de l'ensemble des employés) et moins sur la motivation contrôlée. Et ce, à plus forte raison parce que cela ôtera son envie de regarder si l'herbe est plus verte ailleurs.

En passant, le vizir égyptien Ptahhotep disait : «L'activité produit la richesse, mais elle ne dure pas quand l'activité se relâche».

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À propos de ce blogue

EN TÊTE est le blogue management d'Olivier Schmouker. Sa mission : aider chacun à s'épanouir dans son travail. Olivier Schmouker est chroniqueur pour le journal Les affaires, conférencier et auteur du bestseller «Le Cheval et l'Äne au bureau» (Éd. Transcontinental), qui montre comment combiner plaisir et performance au travail. Il a été le rédacteur en chef du magazine Premium, la référence au management au Québec.

Olivier Schmouker

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